Ethnie du Sud-Ouest nigérian, les Yoruba, occupent une situation prédominante dans la région située entre la côte des Esclaves et le fleuve Niger ; ils forment la presque totalité de la population des États de Kwara, d'Oyo, d'Osun, d'Ogun, d'Ondo et de Lagos. Les Yoruba occupent également des zones au Bénin (500 000) et au Togo. Depuis le xve siècle, ils ont constitué une grande partie sinon la majorité des esclaves importés en Amérique du Sud (Brésil), aux Caraïbes et à Cuba.
L'appellation « yoruba » lui a été attribuée par l’explorateur écossais H. Clapperton en 1826, à son retour d'expédition dans le golfe du Bénin et en pays Haussa. La majeure partie desYoruba vit au Nigeria, où ils constituent la plus grande civilisation urbaine de l'Afrique de l'Ouest, avec des agglomérations de plusieurs millions d'habitants comme Ibadan et Lagos.les commerçants yoruba vivent un peu partout en Afrique occidentale et centrale, où ils ont forme des petits noyaux familiaux, particulièrement dans la seconde moitié du XXe siècle. Compte-tenu de l'explosion démographique dans cette sous-région et de l'existence d'une importante diaspora,(due en partie à la lourde dette payée à la traite et à l’esclavage) le nombre de Yorubas est difficile à chiffrer avec précision. D'après des chiffres de juillet 2008, sur une population totale estimée à 146 255 323, ceux du Nigeria représenteraient 21%[. Le nombre de Yorubas pourrait donc aujourd'hui dépasser les 30 millions.
Malgré la diversité de leurs activités et de leurs modes de vie, les royaumes yoruba déterminent leur unité par une langue, une culture et une origine communes. Oduduwa, leur ancêtre, fils du dieu suprême, a conquis le territoire au XIe siècle et l'a organisé en plusieurs cités : Ife, ville sacrée considérée par les Yoruba comme le berceau de leur civilisation, Oyo, gouverné par l'alefin, descendant du plus jeune fils d'Oduduwa. Pour les Yorouba, Ifé était à la fois le centre du monde, où la première terre s'était formée sur les eaux, et la capitale religieuse où siégeait l'oni, roi divin qui n'apparaissait en public que deux fois l'an, la face voilée de perles. En 1910, l'ethnologue allemand Leo Frobenius découvrait à Ifé sept têtes en terre cuite d'un style inconnu jusqu'alors en Afrique noire. La perfection et le réalisme idéalisé de ces œuvres lui rappelèrent l'art classique de la Grèce antique et lui parurent confirmer l'hypothèse faisant du Bénin la région où brilla la civilisation de l'Atlantide, royaume de Poséidon coupé de la Méditerranée par un cataclysme géologique.
Les Yoruba sont un des rares peuples de l'Afrique noire à avoir élaboré une civilisation urbaine ; en 1826, le capitaine Clapperton dénombrait cinquante-cinq villes dont plusieurs de plus de 20 000 habitants. L'histoire de cette région fut dominée par le royaume d'Oyo qui eut la prééminence sur les autres jusqu'au début du XVIIIe siècle. Affaiblis par des luttes intestines, les royaumes d'Ilorin et de Old Oyo furent conquis par les Peul respectivement le premier en 1821, le second en 1837.
Les Yoruba possédaient une forte organisation familiale et un appareil politique important. Les familles (ebi) étaient rassemblées au sein de patrilignages (agbole), travaillant une même terre inaliénable. À la tête de chaque cité se trouvait un oba, personnage sacré ne sortant de son palais que voilé. Symboliquement au-dessus des contingences biologiques, il était censé ne pas manger, ne pas boire, ne pas mourir. Il assumait tous les pouvoirs, assisté d'un Conseil d'État (Ogboni) composé de chefs de lignages et de représentants des différentes professions. La religion yoruba comporte un panthéon imposant de quatre cents « dieux » « (orisha), ancêtres des lignages ou esprits des forces de la nature. Elle continue d'exister, malgré la constante progression de l'islām, introduit par les Peul à la fin du XVIIIe siècle et qui l'emporte sur le christianisme, car il autorise la polygamie et dérange moins l'ordre social traditionnel.
Les principales cultures sont l'igname, le palmier à huile, le cola et le coton. S'y sont ajoutées celles du cacao, du maïs, du manioc, de l'arachide apportés d'Amérique à l'époque de l'esclavage. L'artisanat a toujours été important. Forgerons, potiers (qui utilisent la méthode du colombin), tisserands (hommes et femmes, sur des métiers verticaux et horizontaux), menuisiers... étaient organisés en guildes protégeant leurs intérêts. Les grandes agglomérations, l'emploi de techniques avancées (outils en fer) et l'utilisation d'une monnaie indigène ont fait de la société yoruba une civilisation élaborée : économie diversifiée, métiers spécialisés, commerce important.
Actuellement, les Yoruba participent activement à la vie nigériane tant aux niveaux économique, administratif que culturel (l'écrivain de culture yoruba Wole Soyinka
Chaque cité-État s'est ordonnée autour du culte d'une divinité : la puissante Oyo vénère Ogu, dieu du fer. Elle est dirigée conjointement par un chef qui il porte le titre de Oni à Ifé, Alafin à Oyo, Oba à Bénin City — et par plusieurs sociétés qui jouent des rôles variables, mais sont toujours impliquées dans la vie religieuse. Il en existe de très secrètes et de très anciennes, d'autres sont de création plus récente. Elles sont organisées selon une stricte hiérarchie, et leurs membres sont unis par de forts liens de solidarité. Elles se manifestent lors de cérémonies auxquelles assiste un nombre important de spectateurs.
Certaines de ces sociétés regroupent des individus d'une même confrérie professionnelle, par exemple celle des chasseurs, toujours associés au mythe de la création du groupe et considérés comme les intercesseures entre la nature et les hommes.
Les sociétés yoruba s'expriment en particulier à travers la pratique du masque, qui remonte à un lointain passé. Certains masques, notamment ceux d'enfants, servent uniquement aux divertissements. ; par contre la plupart des masques d'adultes, en revanche, possèdent une dimension sacrée et une fonction bien précise : leur « sortie » est en général motivée par une difficulté locale à résoudre . ) Dans les sociétés traditionnelles à calendrier particulier, le masque indique aussi les grandes périodes de l'année — la fin de l'initiation, la fin de la saison sèche — et rappelle le décès des derniers défunts. Autrefois, les sorties de masques servaient également à consommer les surplus alimentaires avant les nouvelles récoltes.
Une des meilleures définitions du masque africain est sans doute celle de W. Fagg : « Tous les objets auxquels le nom de « masque » doit être attribué peuvent se définir en deux mots : ils masquent. Cela signifie qu'ils cachent ou suppriment l'identité. » Ils masquent au propre et au figuré celui qui les porte afin de l'aider à personnifier une force errante, esprit ou dieu, en la charmant par sa propre image pour mieux la capter et la manœuvrer. La partie sculptée, la plus travaillée, que l'on montre dans les musées n'est qu'un élément du masque, qui consiste, en fait, en un costume complet, qui a un nom propre (il n'existe pratiquement pas de terme générique), et qui est exhibé au cours de cérémonies dont la musique et la danse sont parties intégrantes. Ces cérémonies sont aussi des spectacles, mises en scène des grands problèmes existentiels élaborés à travers des mythologies spécifiques : lutte entre le bien et le mal, mystère des origines, angoisse de la mort. Ces représentations, « mascarades » où jeu et sérieux se mêlent de façon ambiguë avec la complicité du public, ont une fonction cathartique qui, en donnant vie et forme aux angoisses projetées sur l'anonymat du masque, permettent de les exorciser. Ces manifestations ont lieu aux moments cruciaux de la vie sociale, en réponse à tout ce qui constitue un défi à la cohésion et à la survie du groupe, en particulier le mal, la maladie et la mort.
« Les cérémonies au cours desquelles les masques sont exhibés sont, le plus souvent, agraires ou funéraires. Elles se présentent comme des spectacles complets : la musique, le chant, .la récitation scandée des poèmes mythiques sont les composants d'ensembles chorégraphiques vivement animés et colorés qui se déroulent sur les places, parfois pendant plusieurs journées. A ces cérémonies, participent les initiés, en tant qu'acteurs, et ceux des habitants du village que nul interdit, temporaire ou permanent, n'empêche d'être spectateurs.A l'occasion de funérailles, de l'ouverture ou de la clôture de travaux saisonniers (semailles, labours, moissons), l'exhibition des masques a pour but de rappeler les événements remarquables qui se sont produits à l'origine et qui ont abouti à l'organisation du monde et de la société. De les rappeler, certes, mais aussi de les répéter, d'en manifester la permanente actualité et de réactiver, en quelque sorte, la réalité présente en la rapportant à ces temps fabuleux .
Le masque a pour fonction de réaffirmer, à intervalles réguliers, la vérité et la présence des mythes dans la vie quotidienne. Il a aussi pour but d'assurer la vie collective en toutes ses activités et en sa complexité. Ces cérémonies sont des cosmogonies en acte qui régénèrent le temps et l'espace : tentant, par ce moyen, de soustraire l'homme et les valeurs dont il est dépositaire à la dégradation qui atteint toute chose dans le temps historique. Mais ce sont aussi de véritables spectacles cathartiques au cours desquels l'homme prend conscience de sa place dans l'univers, voit sa vie et sa mort inscrites dans un drame collectif qui leur donne un sens ». JEAN LAUDE
LesYoruba comptent ainsi au moins sept sociétés à masques, dont cinq émanent de leurs valeurs culturelles propres : égun-gun ou égun, épa, gèlèdè, oro et woowin (masque d'enfant, aujourd'hui en voie de disparition). Chez les Yoruba de l'Ouest, les masques les plus connus sont ceux créés par les sociétés d'Égun ou « revenants », d'une part, et de Gèlèdè, d'autre part (dédiées aux femmes âgées ou « mères qui ne peuvent plus concevoir»),elles et sont réputées détenir à la fois des pouvoirs bienfaisants, favorisant la fertilité, et d'autres malfaisants, comme la sorcellerie.
Quels que soient les centres où ils se produisent, les masques présentent des caractéristiques propres à leur société, des critères esthétiques que la tradition transmet de génération en génération. Le partie en bois du masque gèlèdè, posée sur la tête, est sculptée de façon à représenter un visage prognathe, la bouche fermée, les lèvres bien ourlées, avec un nez au ailes gonflées et des scarifications sur les joues et le front. Au cours de cérémonies rigoureusement organisées, chaque danseur incarne la divinité ou le personnage désigné par le masque qu'il porte. Cette « appropriation » n'est pas sans danger, aussi des prières sont-elles prononcées et des médicaments sont préparés à l'intention des danseurs masqués.
C'est durant la grande saison sèche hivernale, quand les travaux champêtres laissent beaucoup de loisirs, que se déroule la majeure partie des manifestations publiques Cependant, un problème grave et urgent peut nécessiter la « sortie » des masques, même pendant la saison des pluies.
De nos jours, des manifestations de masques égun ou gèlèdè peuvent être organisées à tout moment, selon les besoins. Il existe toutefois une fête collective des revenants( Odun Egun en yoruba ou nago )qui est périodique et très suivie : elle se déroule au cours du premier trimestre, en saison sèche, avant les vagues de chaleur annonçant les pluies. Cette fête s'appelle. C'est presque la seule occasion où tous les masques egun d'une même ville se retrouvent, lors de cérémonies qui invoquent les morts des dernières années afin d'attirer leurs bienfaits sur la localité.(cf mon article quand dansent les egun-cliquer sur la catégorie yoruba).
À de rares exceptions près, les manifestations de masques, sans doute à cause de leur fort impact social, sont tributaires de la volonté politique et, surtout, du pouvoir traditionnel local. Dans de nombreuses régions du Nigeria et du Bénin, les masques gèlèdè ou égun ne peuvent sortir sans que les autorités traditionnelles en soient averties, quand ce ne sont pas elles qui en font la demande expresse, à des fins prophétiques.
Quoique distinctes en théorie donc du champ politique, les sociétés de masques, demeurent, un moyen de résoudre maints problèmes : sociaux, calamités naturelles, ou liés à des divinités. On consulte alors les oracles pour savoir quelle société de masques solliciter. Ainsi les pouvoirs mystique et religieux reconnus aux masques en font des auxiliaires de l'autorité traditionnelle. Ce serait une erreur que de dissocier le masque, expression culturelle héritée du fond des âges, du pouvoir politique. Le Gèlèdè est ainsi souvent sollicité pour accueillir des autorités politiques et participer aux réjouissances données en leur honneur. Il agrémente également les grands meetings de certains partis politiques, pendant les campagnes électorales, dans le sud-ouest du Nigeria, dans le centre et le sud du Bénin, etc.
Un autres aspect est la liaison fondamentale entre les masques et les pratiques divinatoires dont les études sous-estiment l’importance. La technique d'oracle la plus répandue dans les aires culturelles yoruba et ajatado s'appelle Ifa ou Fa. On a recours aux oracles aussi bien à un niveau individuel — pour des problèmes comme la stérilité, la perte d'un enfant, la santé, les difficultés financières... — qu'au niveau de la communauté, pour les questions d'intérêt général. Qu'une sécheresse s'installe, qu'une épidémie décime la population, qu'un fait étrange soit constaté dans la région, le pouvoir politique fait consulter l'Ifa, à travers lequel les divinités indiquent les solutions à mettre en application pour conjurer le mal. Il arrive que ces dernières recommandent la sortie des masques, en particulier de Gèlèdè, pour remédier au problème.
Le devin qui en a la .charge la pratique tout spécialement la veille de cette sortie toujours exposées aux dangers, afin de savoir si un incident ternira les manifestations. Outre les traditionnels offrandes et sacrifices aux divinités tutélaires des masques, l'oracle peut en prescrire d'autres à l'intention de génies et d'esprits, afin de placer l'événement sous les meilleurs auspices.
Un fond culturel et linguistique commun sous-tend les dénominations des masques, qui sont toujours en langue yoruba, même dans des milieux où celle-ci n'est parlée que par une infime minorité. Ces dénominations ont échappé à toute influence linguistique extérieure alors que, dans le même contexte, des chansons en d'autres langues ont intégré le répertoire yoruba traditionnel. En général, le masque (c'est-à-dire l'ensemble du costume du danseur) est désigné du nom de sa localité par les personnes étrangères à celle-ci : « Les revenants d'Abomey sont arrivés », « Les Égun de Porto-Novo sont déjà retournés chez eux », « Demain viendront les Gèlèdè d'Iméko »,
La partie en bois du masque doit répondre à des critères formels et esthétiques, à la fois précis et variés. Placé sur la tête, siège de la sagesse de l'homme, il incarne l'esprit de l'ancêtre fondateur de la société. Ses pouvoirs sont renforcés par la personnalité du porteur et la qualité de sa famille, même si, en principe, les spectateurs ne connaissent pas l'identité de l'homme sous le masque. Celui-ci doit danser à la perfection, car, à travers lui, c'est tout le prestige de la société qui est enjeu. Il doit également être aussi solide physiquement que moralement.
Les traits du masque gèlèdè sont soulignés par des scarifications sur les joues et le front, caractéristiques de la civilisation yoruba ou nago, qui en compte des dizaines de variétés. Si l'aire culturelle yoruba a développé la culture du masque à scarifications, ces marqueurs culturels et identitaires ne figurent pas sur tous les masques. Le Gèlèdè est le seul des deux classes de masques à en porter.. Les marques les plus courantes sur les masques gèlèdè sont le kpélé et surtout l'abaja. Le premier est constitué par trois traits verticaux sur chaque joue. Le second présente trois traits horizontaux, assez longs, sur chaque joue et trois autres, verticaux et plus courts, sur le front. Il faut noter qu'un grand soin est toujours apporté à leur parfaite et harmonieuse exécution. Les scarifications visibles sur les masques gèlèdè ou les figurines garnissant certaines tenues égun n'ont pas plus de signification que celles qui marquent les visages des hommes. Elles sont essentiellement un élément d'identification et un critère de beauté pour les hommes et les femmes yoruba.
Beaucoup d'interdits et de tabous entourent les masques. Ils sont plus nombreux et entraînent des sanctions plus sévères chez les Égun que chez les Gèlèdè. Ceci s'explique par le fait que les Égun constituent des sociétés secrètes. Toutefois, la loi du silence est fondamentale pour les deux organisations.
Si aucun mystère n'entoure l'identité du « porteur du bois », comme on appelle souvent l'homme qui revêt un masque gèlèdè, nul ne doit cependant l'interpeller ou l'appeler par son nom pendant sa « sortie ». Lui-même devra s'abstenir avant, pendant et après la danse, de mentionner, dénoncer ou critiquer les sorcières Il lui est également interdit, au cours de la danse, de faire tomber son masque ou de découvrir son visage, même si tout le monde connaît son identité.
Le revenant(egun) est un masque dangereux, pour lui-même et pour les autres, aussi bien lors des séances de danse qu'en dehors des manifestations publiques.
Chaque Égun est censé montrer par ses dires et son comportement qu'il est bel et bien un mort, invité par les vivants pour les bénir et les aider à résoudre leurs difficultés. Un revenant ne peut se livrer à des démonstrations de pouvoir occulte que s'il est sûr de leur réussite : l'échec serait perçu comme une humiliation pour tout le groupe et amènerait naturellement le public à s'interroger sur la puissance réelle des morts ou à douter de la présence d'une force supérieure sous le masque. Si un masque égun peut appeler par son nom n'importe quel membre de la société, nul, sous peine de mort, n'a le droit de dire que le revenant n'en est pas un, encore moins de l'appeler par son vrai nom. Toute violation de la loi du secret entraînerait le discrédit, voire la mort de l'auteur d'une telle indiscrétion. Il est recommandé au revenant de faire en sorte que sa voix ne soit pas identifiable ; cette précaution est inutile pour le Gèlèdè qui s'exprime naturellement et très clairement, sans chercher à transformer ou à voiler sa voix ou son accent.
Bien que Gèlèdè et Égun soient tous deux des masques yoruba ou nago, ils ne doivent jamais se rencontrer sur la même scène, la même aire de danse. Il n'existe pas d'hostilité ni d'antagonisme entre eux, mais il n'est pas bienséant qu'ils se croisent. Sur un fond culturel commun, ils appartiennent à deux réalités différentes. Lors d'une cérémonie gèlèdè au cours de laquelle plusieurs masques sortent, leurs pouvoirs respectifs se neutralisent et les porteurs doivent en tenir compte. Quand un masque est invité à se produire dans un autre groupe ou un autre village, il doit scrupuleusement effectuer les sacrifices exigés s'il ne veut pas subir et infliger à sa famille de graves préjudices. Si tous les masques chantent, jouent de la musique et dansent, tous ne parlent pas. Égun et Gèlèdè ont en commun d'être répartis en deux catégories, ceux qui parlent et ceux qui sont muets. Les Gèlèdè parlants sont ceux qui sortent la nuitIls disparaissent à l'aube pour céder la place aux Gèlèdè de jour, muets mais qui utilisent un langage codé : ils répondent aux salutations en faisant résonner des grelots à leurs chevilles.
Toutes ces sociétés réunissent essentiellement des hommes, mais comptent parmi leurs dirigeants une femme âgée, assistée par une ou plusieurs compagnes. Dans la société egun, celle-ci incarne Oya-Igbalé, l'épouse de Shango, ancien roi d'Oyo divinisé, et symbolise les liens entre les dieux et les ancêtres. Égun est aussi le nom de son fils, né après huit enfants mort-nés. Son culte est considéré comme un moyen de maîtriser la communication entre les vivants et les morts, de rendre hommage aux esprits des ancêtres et de s'approprier le pouvoir qui émane d'eux La société des Gèlèdè est organisée autour des « mères » et se réunit la nuit. Les « mères » sont censées alors se transformer en oiseaux et être invitées par les âmes à examiner les éventuels problèmes de la communauté. lyalashè, la femme âgée qui dirige l'assemblée dispose d'importants pouvoirs : elle peut intervenir dans d'autres sociétés, même secrètes, et influer sur les décisions des autorités traditionnelles en dénonçant les travers des hommes.
En conclusion,il s'agit donc à la fois d'un patrimoine séculaire mais dont il convient cependant de souligner le dynamisme culturel qui s'exprime à travers ces masques,--
Toutes les cités yoruba ne possèdent pas les mêmes sociétés à masques, et certaines se sont enrichies de nouvelles coutumes au fil du temps --de même que son enracinement profond dans la conscience collective. Depuis la seconde moitié du XIXe siècle, lesYoruba partagent deux autres masques (buriyan et caléta )avec les ressortissants d’une aire culturelle sur la Côte des Esclaves, masques importés du Brésil par des esclaves noirs revenus en Afrique. Ces Masques étrangers, issus d'une autre culture, sont devenus un héritage commun à tous ceux qui ont échappé à la servitude ; masques de nostalgie qui sont devenus une sorte de marque identitaire enrichissant la culture de tous. Cette vitalité a également permis la survivance du masque égun-gun dans le Nouveau Monde, notamment au Brésil et à Cuba où les esclaves d'origine yoruba étaient nombreux. Beaucoup de masques d'autres cultures africaines n'ont, par contre, pas survécu à la transplantation dans le Nouveau Monde.
Au XXe siècle, les traditions ont évolué de manières très diverses selon les régions, connaissant de nombreuses déformations qui ont parfois conduit à une véritable désacralisation. on peut observer (autre marque de dynamisme culturel africain) que les membres des sociétés égun et gèlèdè, porteurs ou non de masques, sont loin d'appartenir exclusivement aux religions africaines traditionnelles. Aujourd'hui, la quasi-totalité des membres des sociétés égun et gèlèdè sont des fidèles du christianisme et de l'islam.On y trouve on trouve en pays yoruba aussi bien des syncrétismes que la pratique conjointe et sans problème de deux religions.
(A SUIVRE)
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