Au 12ème siècle, un écrivain anglais, Gautier Map, raconte l'histoire de Herla, légendaire roi breton et de sa chevauché fantastique. A ses noces il voit apparaitre le roi des nains (nommé pygmée dans le récit) qui le comble de riches présents et lui en promet d'autres s'il souscrit au pacte d'alliance qu'il lui propose, à savoir venir dans un an assister à ses propres noces . Un an après il accomplit donc sa part de pacte et ressortira de l'antre caverneux du nain, après ce qui lui a paru seulement quelques heures. Il découvrira que plusieurs siècles ont passé, en fait, et ce sera pour errer éternellement avec ses gens.
« Au bout d'un an, il se présenta soudain devant Herla et exigea qu'il tînt sa promesse. S'étant suffisamment préparé à s'acquitter de sa dette le roi y consentit. Il suit le pygmée là où celui-ci le conduit. Us pénètrent dans une caverne, sous un rocher très élevé, et, après avoir traversé des ténèbres assez profondes puis une clarté qui ne ressemblait pas à celle du soleil ou de la lune mais à celle de nombreuses lampes, ils arrivent à la demeure du pygmée, une noble maison en tout point semblable au palais du soleil tel que le décrit Nason [NdT : Ovide]. Une fois les noces célébrées, Herla, ayant, comme il convenait, réglé sa dette au pygmée, reçut l'autorisation de partir. Il se retira comblé de présents : des chevaux, des chiens, des faucons et tout ce qui paraît le plus utile à la chasse à courre et à la fauconnerie. Le pygmée conduisit Herla et ses compagnons jusqu'aux ténèbres et leur offrit un petit limier à porter dans les bras, interdisant à tous de mettre pied à terre, sous aucun prétexte, avant que le chien ne saute à terre, il les salua et s'en retourna chez lui. »
« Parvenu à la lumière du soleil et de retour dans son royaume, Herla adresse la parole à un vieux berger et lui demande des nouvelles de la reine qu'il nomme. L'autre le regarde avec étonnement et dit : "Messire, j'entends à peine ta langue car je suis saxon et toi breton. Je n'ai jamais entendu le nom de cette reine, si ce n'est qu'on raconte qu'il y eut jadis une reine des très anciens Bretons qui portait ce nom. Elle fut l'épouse du roi Herla qui, selon les légendes, disparut dans cette roche avec un certain pygmée et qu'on ne revit jamais sur cette terre. Il y a deux cents ans déjà que les Saxons ont pris possession de ce royaume après en avoir expulsé les habitants« Stupéfait, le roi, qui croyait ne s'être absenté que trois jours, put à peine rester en selle. Oubliant l'ordre du pygmée, certains de ses compagnons mirent pied à terre avant que le limier ne soit descendu : ils tombèrent en poussière aussitôt. Herla comprit alors le conseil que leur avait donné le pygmée et il interdit à quiconque, sous la menace d'une mort semblable, de descendre de cheval avant que le chien ait sauté. Mais le chien ne sauta jamais à terre..." »
« La légende veut que ce roi Herla et son armée poursuivent toujours, sans trêve ni repos, leur ronde insensée dans une course sans fin. Beaucoup de gens ont vu cette troupe. On affirme toutefois que, la première année du règne de notre roi Henri (1154), elle cessa de visiter fréquemment notre royaume comme elle le faisait auparavant, mais de nombreux Gallois la virent disparaître dans la Wye, le fleuve de Hereford. »
Un autre récit est très proche surtout par sa conclusion : la disparition du cortège
« En petite Bretagne [Armorique], on vit des proies nocturnes et des chevaliers qui passaient toujours en silence. Souvent, les Bretons leur volaient des chevaux et des animaux et ils s'en servaient, ce qui amena la mort des uns, les autres restant indemnes.
La troupe et les phalanges allant de nuit, que l'on appelait d'Herlethingus, assez célèbres en Angleterre, apparurent jusqu'à l'époque de notre maître, le roi Henri II. Dans cette armée errant à l'infini suivant des circuits insensés, dans un étourdissant silence, bien des hommes apparurent vivants alors qu'on les savait morts. Pour la dernière fois, cette mesnie d'Herlethingus fut vue dans la marche de Galles et de Hereford, la première année du règne d'Henri II, vers midi. Elle nous ressemblait lorsque nous errons avec nos chariots et nos sommiers, avec des corbeilles et des paniers, avec des oiseaux et des chiens, et avec une grande foule d'hommes et de femmes.
Les premiers qui les virent alertèrent tout le voisinage par leurs clameurs et leurs cors et, comme ces gens ont l'habitude d'être très vigilants, ils se saisirent de toutes sortes d'armes puis se portèrent au-devant de la troupe nombreuse qui arrivait. Comme ils ne purent en tirer le moindre mot, ils allaient lancer leurs épieux mais, s'élevant dans les airs, la troupe disparut tout à coup. Depuis, jamais on ne revit ces guerriers » (De nugis IV, 13).
Au début du XIVème siècle, un notaire à la chancellerie royale, Gervais du Bus, originaire de Normandie, imagine Le Roman de Fauvel. On y trouve un long passage sur un « charivari » cortège délirant et déchaîné conduit par un chevalier Hellequin, lors de la nuit de noces de Fauvel. Après le festin, le couple va se coucher mais il est réveillé par un horrible « chalivali ». : masques et déguisements vêtements inversés vacarme de tambours et clochettes, cymbales et grelots :les participants simulent l'ivresse et trainent avec eux une sorte de char :
«Ils menaient tous un chariot et dans le chariot se trouvait un engin de roues de charrettes, très fortes, raides et très bien faites. En tournant, elles heurtaient six barres de fer qui étaient clouées au moyeu et bien attachées: écoutez! Si grand bruit et si variable, si laid et si épouvantable elles faisaient en s'entrechoquant que l'on n'aurait pas entendu le tonnerre. Ils faisaient une telle crierie qu'on n'en entendit jamais une semblable. L'un montrait son cul au vent, l'autre brisait un auvent. L'un cassait les fenêtres, l'autre jetait du sel dans les puits et l'autre la merde au visage. Ils étaient très laids et très sauvages. Leurs visages portaient de fausses barbes, ils transportaient deux bières (...) Il y avait un grand géant qui allait devant en braillant. Il était vêtu de brodequin. Je crois que c'était Hellequin en compagnie de tous ses gens».
Comment décrypter tous ces récits dont on voit un noyau commun à travers bien des différences ?, que signifie Hellequin par exemple ? (on trouve aussi Herlechin ou Herlethingus et plus tard Mannequin et Arlequin) ? Tous les chercheurs ont noté que derrière le Helle de Hellequin se cachait certainement le Herla de Herlethingus. Sommes-nous en présence d'un mythe pré-chrétien, d'un mythe indoeuropéen voire encore plus ancien ? Quand et où apparait-il ? Peut –on reconstituer le parcours qui mène d'un nom et mythe originel au récit édifiant ?Quel est aussi son rapport avec les autres histoires en particulier celle du roi Herla ou du charivari carnavalesque .
Les érudits ont rivalisé de virtuosité dans l'étymologie des noms multipliant en même temps les hypothèses. Le Helle ou le Hann renverrait à l'étymologie d'un oiseau dans les langues indo européennes --le mot peut signifier sous des variantes, coq, canard cygne) et le AN caractérise une catégorie de déesses primordiales celtiques ,Ana ou Dana, Danu qui prennent d'ailleurs la forme d'un oiseau, ce qui correspond au caractère aérien de la mesnie. On est à la fois dans le domaine du féerique, des cultes anciens, et des revenants. Nombre de fées celtiques portent un nom qui se termine par l'élément âne (Morg-ane, Vivi-ane en particulier ainsi que la Befana, fée toscane aérienne, encore Sequana la déesse gallo-romaine. Par un jeu d'homonymie, l'étymologie croise encore le celtique Ana ou Anu, l'âme, l'esprit et l'Anaon breton, le cortège des Ames en peines ou revenants. Le résultat serait donc qu'on est au départ du mythe dans un cortège aérien d'êtres féériques de déesses et de revenants, que le récit chrétien d'Orderic va identifier et transformer, soit en peuple chrétien des morts et âmes du purgatoire, soit en démons et êtres sataniques.
D'ailleurs les déesses vont être remplacées par sainte An-ne, une des trois femmes primordiales du christianisme (remplaçant les déesses mères) ; son culte est d'ailleurs parfois lié à la destruction d'un dragon volant.
La dernière partie du nom semble poser plus de problème puisque le quin renvoie à chien (un quin !comme le prononçaient les normands et les picards.). finalement, ce qui peut entrainer de la perplexité, Helle-quin ou hanne-quin pourrait signifier un oiseau-chien, ou coq –chien , être composite et mythique préchrétien(les esprits intermédiaires des chamanes) dont il faut retrouver la trace rituelle à travers la multiplicité des récits.
« La mesnie Hellequin constituerait, selon notre enquête étymologique, la restructuration médiévale d'un vieux mythe ethno-religieux préchrétien. Mais lequel? Etudier un mythe, c'est étudier les transformations réglées de ce mythe dans son devenir historique. Ce n'est pas succomber à l'illusion d'un texte primitif d'où dériveraient tous les autres, c'est concevoir le mythe comme l'addition de toutes ses variantes. De plus, le mythe n'est pas un scénario tout à fait immuable (bien qu'il comporte toujours quelques basses continues), c'est un scénario productif: il produit ses propres transformations; il contient dans sa structure même les principes réglés de son propre renouvellement2. Il n'est pas certain que l'étymologie (que nous proposons) ait été comprise de manière immuable à travers les siècles. Le mot est entré très vite en consonance avec d'autres mots qui ont produit à leur tour d'autres associations d'idées (par exemple, l'élément primitif Henn- réinterprété en Hell- a pu suggérer l'enfer à des oreilles germaniques ou les ailes à des oreilles romanes, il est vrai que la mesnie «vole» dans les airs). Il est donc nécessaire à présent de superposer différentes expressions textuelles du mythe dans la longue durée.
l e contexte d'apparition de la mesnie Hellequin est très certainement chamanique. Comme l'a rappelé Mircea Eliade, le chamanisme n'est pas tout à fait une religion mais «un ensemble de méthodes extatiques et thérapeutiques dont le but est d'obtenir le contact avec l'univers parallèle mais invisible des esprits. De ce point de vue, l'abbé Gauchelin dont parle Orderic Vital reste littéralement envoûté par sa vision puisqu'il présente des symptômes pathologiques durant une certaine période. En fait, il a été le médiateur avec les esprits de l'au-delà. Son histoire en rappelle une autre qui nous renvoie également à l'univers chamanique (celui des Sioux cette fois). Elle concerne Black Elk (Elan noir), un homme-médecine de la tribu indienne des Sioux Oglalla49. Enfant, Black Elk tomba gravement malade. Plongé dans une sorte de coma, il eut une vision au cours de laquelle il se sentit transporté dans le ciel où de nombreux chevaux vinrent à lui des quatre points cardinaux. Il rencontra le Grand-père-des-esprits qui lui remit pour son peuple la «plante-qui-guérit». Par la suite, il fut atteint d'une phobie des orages et consulta un homme-médecine qui lui révéla la cause de sa maladie et lui expliqua qu'il pourrait l'exorciser en exécutant la première «danse des chevaux». Elle devait exactement reproduire les mouvements des chevaux qu'il avait vus dans son extase comateuse. Le spectacle eut pour effet de guérir un certain nombre de personnes malades (aveugles ou paralysées) et devint un rite essentiel des tribus Sioux. On ne peut s'empêcher de rapprocher la vision de Black Elk et celle la mesnie Hellequin. Dans les deux cas, un ensemble rituel vient appuyer le mythe théophanique (de l'apparition aérienne des esprits) pour lui donner une sorte de prolongement thérapeutique. » Philippe Walter.Hellequin, Hannequin Dans Le Mythe De La Chasse Sauvage Dans L'europe Médiévale.
Le chien est d'ailleurs présent dans le récit concernant le roi Horla ;il occupe une place centrale. Dans sa décision de bondir au sol ou non, il détient le sort d'Herla et donc sa vie entre ses pattes Le chien est donc le gardien du roi et de sa troupe mais de manière ambiguë. l'antre du nain ou pénètre Herla et ses guerriers, est compris par les interprètes comme le royaume des morts au quel appartient désormais le roi (son propre temps est passé).Les légendes germaniques abondent de personnages qui suivent un nain dans la montagne( entrer dans la montagne est synonyme de trépasser) et ne reviennent jamais. Le rôle joué par le chien n'est pas accidentel. Dans l'Europe antique, une fonction funéraire lui est constamment dévolue et la plupart des mythologies associent le chien au monde du dessous, à la mort, aux Enfers, aux empires invisibles que régissent les divinités chtoniennes ou séléniques. La première fonction mythique du chien est celle de « psychopompe » ( guide de l'homme dans la nuit de la mort). D'Anubis à Cerbère, par Thot, Hécate, Hermès, il a prêté son visage à tous les grands guides des âmes,(comme les chamanes) à tous les jalons de notre histoire culturelle occidentale.Chez les Germains les chiens seuls voyaient Hel, déesse de la mort, quand elle parcourait le pays .C'est d'ailleurs un chien, nommé Garm, qui gardait l'entrée du Niflheim, royaume des morts, des glaces et des ténèbres
Le revenant peut ainsi surgir à certaines dates ou lieux mais il n'échappe pas au monde des morts et le chien symbolise cet emprisonnement. Les interprètes justifient cette hypothèse en s'appuyant sur une donnée archéologique: sur un champ d'urnes gallo-romain du Ier siècle de notre ère, on a trouvé un ensemble de trois statuettes d'argile représentant une Matrona avec enfant, un chien et un coq; à un niveau symbolique, le chien représenterait la mort et le coq la résurrection.
Peut-être l'arrière fond du récit est-il relié à d'antiques cultes des ancêtres . Peut-être s'agit-il de réaffirmer l'importance de ceux-ci et le refus inconscient de les confiner définitivement dans l'autre monde, d'une réitération d'une position mentale refusant que le décès soit une fin et comprenant la vie et la mort comme les instants d'un cycle marqué par un éternel retour.
Mais le thème propre de la chasse et du chien est aussi présent dans l'étymologie de Herla, marquant une des caractéristique de la mesnie à savoir un cortège qui peut être bruyant proche du charivari, cortège de chasseurs et de sa meute(parfois mené par Wotan /Odin). Se profile le thème du chaseur maudit
« Toutes les fois que se trouvent mis en scène le Wütende Heer (en Allemagne) ou la Mesnie Hellequin (en France), c'est par le bruit (le vacarme, le tumulte, le charivari) que se caractérise l'apparition. La troupe, généralement à cheval, mène grand tapage. Son chef Hellequin, a une voix retentissante, qui glace d'effroi le voyageur égaré .certains rapprochements s'imposent notamment avec le vieux-français herie ou harle, «bruit», « tumulte ». Ce mot a donné naissance au verbe herler qui signifie «faire du tapage». En Normandie, herlant voulait dire «bruyant», «tracassier». Sonner une cloche à herie, c'est «sonner le tocsin» (idées de mort et de bruit associées). Il semble bien que les verbes modernes héler (angl. hait) et, peut-être, hurler proviennent aussi de herie, de même que le cri de haro, par lequel, dans l'ancien duché souverain de Normandie, un citoyen pouvait introduire directement une plainte en justice («Haro, nos ducs! On m'a fait tort ! » De Normandie, le mot passe d'ailleurs chez Marie de France à la fin du 13ème siècle (harou), l'expression crier haro sur quelqu'un se généralisant au début du XVIIème
Quatre notions relatives au wütende Heer se trouvent constamment associées par l'étymologie la guerre (et le cheval), la chasse (et le chien), le bruit ou la fureur, le harcèlement. Le francique hara, cité plus haut, et le vieux français harer, ont abouti au verbe moderne. En matière de vénerie, on peut signaler le français harde (couple de chiens courants attachés ensemble dans une chasse à courre) et aussi le mot harloup, attesté chez Gauchet en 1583, qui est une altération de hare-loup, terme utilisé dans la chasse au loup Lazarre Sainéan écrit à ce sujet «Hellequin n'est que la forme normande et primitive, dont l'aspect moderne est hèle-chien, c'est-à-dire chien qu'on hèle, qu'on lance sur le gibier, chien bruyant de sorte que Mesnie Hellequin paraît signifier aussi «équipage de chiens bruyants. » JEAN-JACQUES MOURREAU LA CHASSE SAUVAGE, MYTHE EXEMPLAIRE
Ces interprétations linguistiques expliquent peut –être pourquoi le thème se lie avec celui du chasseur maudit qui deviendra avec le christianisme un ensemble de légendes moralisantes. Ainsi, en Normandie, «Chasse Caïn », au Pays de Bresse, «Chasse du roi Hérode »). Chaque fois il s'agit d'un seigneur ayant préféré traquer le cerf, c'est-à-dire sacrifier au rite païen plutôt que d'assister à un office chrétien, généralement le Vendredi saint (jour de jeûne, d'abstinence et de deuil). Il est alors maudit, et condamné à errer et «chasser éternellement. (On retrouve un dernier avatar de ce chasseur maudit sous forme cette fois d'énigme policière dans Le Chien De Baskerville d'A.Conan Doyle).La croyance populaire va mêler Chasse infernale, Chasseur diabolique et Chasseur sauvage, et s'accompagner de méthodes de conjurations. Quand on entendait la horde démoniaque, il fallait se coucher sous une herse, se maculer de terre, se mettre ou s'allonger dans l'ornière droite du chemin, se taire, ne pas se joindre aux bruits, ne pas faire claquer sa langue, ne pas prononcer le nom de l'Armée furieuse le lundi, le mercredi, le vendredi, ni même en parler, plier son mouchoir en croix, mettre sa tête dans une roue de char, s'étendre.
Le christianisme convertira le chasseur maudit en saint patron, avec st Hubert : chasseur acharné jusqu'à chasser le vendredi saint selon la légende dans la foret des Ardennes il vit soudain, selon la légende, le cerf poursuivi lui faire face, une croix lumineuse entre les cornes et une voix le sommer de se convertir sous peine de l'enfer. Ce thème de l'avertissement est souvent présent dans les variantes de la chasse infernale. il est souvent incarné dans les variantes du mythe, par « le fidèle Eckhart » , un personnage des Nibelungen qui est censé précéder la troupe.. Ainsi ce texte protestant du début de 16ème qui rapporte la croyance populaire : « Un vieil homme portant un bâton blanc et appelé le fidèle Eckart a précédé la troupe. Le vieillard a ordonné aux gens de s'écarter et a même invité certains à rentrer chez eux sinon il leur arriverait malheur. Derrière lui venaient des cavaliers, des piétons, et on a vu des personnes mortes récemment là et d'autres encore vivantes. L'un chevauchait un cheval à deux pattes, un second était lié à une roue qui tournait d'elle-même, un troisième portait sa jambe sur son épaule et courait tout de même, un autre était sans tête, et il y avait bien d'autres apparitions semblables. »
(ainsi la chanson « Ghost Riders In The Sky », reprise du thème des cavaliers du ciel dans le folklore de l'ouest américain).
De noirs taureaux les yeux brillants, les sabots en argent,
Crachant par leurs naseaux des jets de feu des jets de sang
Ils vont criant la peur troupeau maudit de Lucifer
Surgi dans un galop de fer des portes de l'enfer.
Alors courant ivres de sang après tous ces troupeaux
Les cavaliers de tous les temps saisissant leurs lassos
Couverts de boue couverts de pluie vont courant l'infini
Leurs vies ressemblent à l'agonie de vieux mourants maudits.
Le vieux cowboy entend son nom crié par une voix
La voix d'un cavalier disant: Ami prends garde à toi
Il faut changer ta vie pour ne pas poursuivre avec nous
Couvert de sang couvert de boue l'éternité des fous. Ghost Riders in the Sky.
Les animaux chevaux, chiens, cerfs confirment qu'on est dans une mythologie chamanique de « passeur d'Ames ».
L'animal qui semble le plus caractéristique dans cette fonction est le cheval, dont le rôle dans marqué en rapport avec le monde des morts, ce qui ressort de plusieurs récits ,celui du roi Herla mais aussi Gauchelin : à la fin de sa vision, il voit des chevaux sans cavaliers : il veut en saisir un pour apporter une preuve de l'existence de la mesnie ,sachant qu'on ne le croirait pas mais quand il porte la main sur le destrier il ressent « une chaleur aussi ardente que le feu et un froid incroyable ».
« Lorsque des démons viennent s'emparer de l'âme d'un pécheur, ils sont à cheval, et la Chasse infernale comporte souvent une monture destinée à celui qu'elle va emmener ; Théodoric le Grand est emporté en enfer par un cheval diabolique. Souvenons-nous aussi que l'archéologie a mis en évidence l'inhumation d'hommes et de chevaux et qu'au moment où Heremod, l'un des fils d'Odin, se rend en enfer pour tenter d'en arracher son frère Baldr, il chevauche un coursier...
Au Danemark et outre-Rhin, le cheval enterré vivant dans l'église se montre devant la maison où la mort va frapper, et il n'a que trois pattes. On dit qu'on enterrait un cheval dans tout nouveau cimetière avant d'y inhumer le premier défunt. Le lexique reflète encore le rôle du cheval comme accompagnateur des morts : le bayard — la civière mortuaire — fut appelé « cheval de saint Michel » ; quand une personne décédait subitement, on disait : « Le cheval blanc l'a frappée de son sabot ». Bertrand Hell Sang Noir Chasse Foret Et Mythe De L'Europe Sauvage En Europe
La Chasse sauvage ou le chasseur Maudit se lancent le plus souvent à la poursuite d'un cerf. C'est aussi en chassant le cerf, qu'Hubert est « sauvé », ou que d'autres sont maudits. Le cerf, parce qu'il serait le descendant du « dieu-renne » , des antiques sociétés européennes de chasseurs, est en effet, avec le cheval et le porc, l'un des principaux animaux européens, auxquels, dès l'origine, fut affectée une valeur symbolique et consacré un culte . Des peintures rupestres datant du Paléolithique, présentent le personnage chamanique de l'homme cerf, ainsi l'étrange figure de la Grotte des Trois-frères en Ariège ou encore, les gravures rupestres de Val Camonica en Italie. Le cerf apparaitra toujours comme le symbole de la chasse. Dans l'Antiquité classique, il est consacré à Diane-Artémis la déesse du « passage » nature culture (elle protège la forêt et sa faune mais préside aux initiations et aux mariage). Ce sont des cerfs, dans l'iconographie gréco-romaine, qui sont attelés au char de la déesse. Celle-ci les dirige avec des rênes d'or.
Comme le cheval, le cerf est un animal funéraire. De nombreuses traditions attestent qu'il est également psychopompe, et c'est sans doute la raison pour laquelle les Gaulois possédaient de nombreux talismans en bois de cerf. La croyance selon laquelle les morts apparaîtraient parfois sous la forme de cerfs, a donné naissance à la coutume consistant à envelopper les défunts dans des dépouilles de cervidés selon Mircéa Eliade. Ce fut le cas de Gengis Kahn. C'est ainsi que le Morholt d'Irlande, oncle d'Yseult, tué par Tristan en un combat singulier, est dépeint gisant mort «cousu dans une peau de cerf». Des découvertes archéologiques ont d'ailleurs trouvé des cerfs dans les cimetières gaulois : l'animal avait été sacrifié puis inhumé comme un humain.
« Ainsi des liens existent entre la Chasse sauvage, le cerf et la religion gauloise: «On trouve dans les littératures galloises et irlandaises des récits de Chasse fantastique, où la poursuite du cerf est le point de départ d'une série de tribulations, ouvrant accès à un monde imaginaire, qui n'est qu'une autre forme de l'outre-tombe. Il est probable que les Celtes continentaux ont connu des légendes analogues. La poursuite mouvementée du cerf et du sanglier qui figure sur les monuments funéraires correspondrait donc également chez eux à une forme de mythe de la mort. Nous nous expliquerions de la sorte la fréquence de ces scènes sur les monuments funéraires de la Gaule du Nord-Est» (Les croyances funéraires des Gallo-Romains d'après la décoration des tombes. art. cit.). La Chasse sauvage aurait ainsi des correspondances dans les mythes celtiques relatifs à la mort.
. On peut en trouver confirmation dans l'histoire exemplaire du prince Pwyll. «Comme c'est souvent le cas dans les romans de la Table Ronde, tout commence par une chasse au cerf». Pwyll s'écarte de ses compagnons, et suit ses chiens dans une forêt mystérieuse. Tout à coup, il entend les cris d'une autre meute. Il se précipite alors, et voit cette meute étrangère terrasser le cerf qu'il poursuivait. L'aspect extraordinaire des chiens qui la composent ne manque pas de l'étonner : «lis étaient d'un blanc éclatant et lustré, et ils avaient les oreilles rouges, d'un rouge aussi luisant que leur blancheur». Mais Pwyll s'en moque. Il appelle sa meute à la curée. Apparaît alors un cavalier, qui lui reproche vertement son manque de courtoisie et réclame réparation du dommage. Ce cavalier finit par dévoiler son identité. Il n'est autre qu'Arawn, roi d'Annwfn. Or, annfwn signifie «abîme», et par extension « royaume des morts». Pwyll se trouve donc en face du souverain de l'autre monde. M. Markale écrit à cet endroit : «Au Pays de Galles, on entend parfois les chiens d'Annfwn aboyant dans l'air, à la recherche d'une proie comme dans les campagnes françaises on entend le passage de la Mesnie Hellequin, sorte de Chasse infernale d'un gibier qui ne peut jamais être rejoint» (L'épopée celtique en Bretagne. Payot,). Les guerriers celtes, à l'exemple des Germains, ne considéraient pas l'autre monde autrement que comme le prolongement de leur existence terrestre. Dans les légendes celtiques, les morts continuent à se battre après la fin des combats..Pour eux, le monde inférieur est aussi une sorte de Valhalla» jusqu' 'à l'heure du réveil » » JEAN-JACQUES MOURREAU LA CHASSE SAUVAGE, MYTHE EXEMPLAIRE
Mais s'il est animal lié à la mort, le cerf comme souvent dans les mythes, a également des fonctions inverses. C'est un animal lumineux dont la clarté guide en particulier vers la fondation de nouveaux territoires (une biche guidera l'armée de Clovis pour passer une rivière en crue, selon une légende et Hubert vers sa conversion). surtout, il est lié aux cultes de fertilité (le dieu celte Cernumnos )et aux rites carnavalesques ,comme sera le charivari. Le christianisme devait interdire par plusieurs conciles les «mascarades » des solstices survivances de rites celtiques, au cours desquelles des masques de cerfs étaient portés par les participants, membres de sociétés guerrières et de confréries de jeunes gens. ces rites sont toujours vivants dans les carnavals suisses,), ou dans les pays européens de l'est..(cf le thème de l'homme sauvage). Il s'agissait d'évoquer les morts, et d'assurer de bonnes récoltes pour l'année à venir. Un char cultuel du carnaval de Merida en Espagne présente un cavalier épieu à la main, précédé d'un chien ; son cheval est muni de clochettes. S'agit-il du Chasseur sauvage ? Mircea Eliade a souligné l'importance des cultes de fertilité dans son rapport au monde des morts et des « revenants »:
« L'agriculture, comme technique profane et comme forme de culte, rencontre le monde des morts sur deux plans distincts. Le premier est la solidarité avec la terre ; les morts comme les semences sont enterrés, pénètrent dans la dimension chthonienne à eux seuls accessible. Par ailleurs, l'agriculture est par excellence une technique de la fertilité, de la vie qui se reproduit en se multipliant ; et les morts sont particulière, ment attirés par ce mystère de la renaissance, de la palingénésie et de la fécondité sans répit. Pareils aux grains enterrés dans la matrice tellurique, les morts attendent leur retour à la vie sous une nouvelle forme. C'est pourquoi ils s'approchent des vivants, surtout dans les moments où la tension vitale des collectivités est au maximum, c'est-à-dire aux fêtes dites de la fertilité ; quand les forces génésiques de la nature et du groupe humain sont évoquées, déchaînées, exacerbées par des rites, par l'opulence et par l'orgie. [...] Tant que les grains restent ensevelis, ils se trouvent aussi sous la juridiction des morts. La Terre-Mère ou la Grande Déesse de la fertilité contrôle de la même manière le destin des semences et celui des morts. Mais ces derniers sont parfois plus près de l'homme et le laboureur s'adresse à eux pour qu'ils bénissent et soutiennent son travail »
A suivre
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