ESPACES DE CULTURES ,ANTHROPOLOGIE,PHILOSOPHIE,VOYAGES...
SUIVEURS DE PISTES,DE SAISONS ,LEVEURS DE CAMPEMENTS DANS LE PETIT VENT DE L'AUBE ; Ô CHERCHEURS DE POINTS D'EAU SUR L'ECORCE DU MONDE. Ô CHERCHEURS,Ô TROUVEURS DE RAISONS POUR S'EN ALLER AILLEURS"...
SAINT JOHN PERSE .ANABASE.
Salon de lecture Jacques Kerchache. Le vendredi 03 avril 2020 de 17:00 à 18:30
Rencontre avec Dominique Sewane, Philippe Charlier et Grégory Berthier- Gabrièle à l'occasion de la nouvelle édition du 'Souffle du mort" publiée chez PLON, collection "Terre Humaine".
Un livre essentiel sur la pensée spirituelle de l'un des peuples les plus méconnus de l'Afrique subsaharienne : les Batammariba, au nord des Républiques du Togo et du Bénin. Peuple fier, aux traditions de guerre et de chasse, il se reconnaît dans l'acte de construire des forteresses de terre pétrie disséminées dans des montagnes d'une saisissante beauté. La nuit appartient aux forces de la terre qui s'incarnent dans certains arbres, pierres, sources avec lesquelles se lient les défunts. Lors d'un rite de deuil, chacun se met à l'écoute du silence de la nuit, comme le Voyant aux sens en éveil. La mort est conjurée, détournée, afin que le souffle du défunt acquière la force de former un nouvel enfant. C'est à de tels instants que les Batammariba puisent leur vitalité. Dominique Sewane a eu le privilège d'assister à leurs cérémonies en compagnie des Maîtres du savoir et de bénéficier de leur parole. Le lecteur participe à ses doutes, ses appréhensions, mais aussi à la révélation qu'est pour un Occidental une réflexion d'une rare profondeur sur le mystère de la mort, donnant raison à cette pensée du grand philosophe russe Léon Chestov : «Tout ce qui a été créé de meilleur et de plus fort, de plus important et de plus profond dans tous les domaines de la création, prend sa source dans la méditation sur la mort et dans la frayeur qu'elle inspire.»
Dominique Sewane, anthropologue, historienne et philosophe de formation, est accueillie depuis les années 1980 chez les Batammariba qui peuplent la vallée et la montagne de l'Atakora, au nord des Républiques du Togo et du Bénin. Au Togo, leur territoire, le Koutammakou, a été inscrit en 2004 au Patrimoine mondial de l'Unesco. Partageant leur existence dans des conditions extrêmes au cours de huit missions en solitaire, elle a eu le privilège d'assister à des rituels initiatiques et funéraires d'une haute spiritualité.
Responsable jusqu'en 2018 d'une chaire Unesco, unique en son genre, concernant la préservation du patrimoine culturel africain dans l'esprit de Terre Humaine, ses enseignements aux Hautes études commerciales (HEC) et à l'Institut d'études politiques (Sciences Pô) ont été centrés sur le patrimoine culturel immatériel de l'humanité. Sur les pas d'une lignée d'éminents chercheurs, elle témoigne dans ce livre d'une pensée complexe et subtile, emblématique de la millénaire sagesse africaine.
On peut lire sur le site de nombreux articles consacrés aux Batammariba et à DOMINIQUE SEWANE cliquer sur son nom dans les catégories à droite.
Un court extrait de la préface de la seconde édition montre combien une pensée traditionnelle est soucieuse du milieu pour elle vivant ,qu'on doit donc respecter et non dominer ou détruire à volonté.
L'attention et le soin que portent les Batâmmariba à leur territoire, la manière d'être à son écoute par l'intermédiaire des Voyants, les rituels qui, périodiquement célèbrent les rencontres avec les Grands Morts alliés de puissances chtoniennes, contribuent à le maintenir vivant. Les notions de « distance » et de « limite » sont pour eux fondamentales. Les habitations et champs cultivés ne sont si distants les uns des autres que pour respecter les parcelles réservées aux dibo : bosquets, cascades, cours d'eau, qu'il est interdit d'empiéter sinon pendant un rituel. Limites clairement dessinées sur le sol. Vis-à-vis de ces forces, tout habitant du Koutammakou, quel qu'il soit, d'où qu'il vienne, doit faire preuve d'humilité afin de bénéficier de leurs bienfaits. Il lui est demandé de se souvenir que les humains, tardivement arrivés, sont des intrus tolérés sur une terre qui ne leur appartient pas. Or, l'alliance sacrée est susceptible de se rompre à tout instant, pour peu que les règles de chasse et d'agriculture, interprétées par les Voyants, soient négligées par imprudence ou cupidité. Conséquences : tornades, ouragans, sécheresses sur l'ensemble du territoire. Au cours du grandiose rituel agraire qu'est le difwani, auquel sont initiés les jeunes garçons, l'eau et la boue sont magnifiées. Que ces éléments viennent à se raréfier, la survie des habitants sera compromise. « Je ne suis qu'un hôte de passage sur cette terre1 » pourrait dire comme le psalmiste l'Otâmmari, dont le devoir est de veiller à l'intégrité de son lieu pour le bien des générations futures."
« La « mémoire » apparaît comme l'espace de prolongation des conflits et des luttes sociales qui, à un moment donné, se sont soldés par la défaite de l'un des protagonistes. Elle est le lieu d'inachèvement des conflits. Plurielle, elle fonctionne en Afrique comme instance de légitimation et d’illégitimation. Chaque groupe social s'efforce de rendre compte du passé et du présent en fonction de ses stratégies propres, de ses défaites et de ses victoires provisoires. La « mémoire » se recrée ainsi sans cesse , s'enrichit de significations nouvelles , ou est amputée de maintes autres qui avaient autrefois fait partie intégrante de son identité. » JF BAYART/ L’ETAT EN AFRIQUE FAYARD.
La notion de « tradition », comme modèle supposé clos dans sa pureté, a été ainsi en partie invoquée ,voire « inventée » ,à la fois par l’anthropologie mais aussi par le colonisateur qui insistait sur sa mission civilisatrice face à un obscurantisme « primitif » et par les groupes sociaux autochtones , après les indépendances, soit pour la restaurer soit pour marquer une modernité en rupture .C’est donc une idée largement ethnocentrique , voire « exotique » si on la fige. Il y a eu toujours une histoire des sociétés africaines et une grande diversité des pouvoirs et donc de multiples traditions.
Chacune de ces civilisations se singularisait par son économie, sa culture et son organisation sociale. Ainsi, la civilisation de l’arc s’appliquerait aux peuples chasseurs et récolteurs tels les pygmées ou San (bushmen. La civilisation des clairières regrouperait les agriculteurs itinérants de la forêt humide. La civilisation des guerriers engloberait les agriculteurs de la savane méridionale, tandis que les pasteurs des hauts plateaux de l’Est africain relèveraient de la civilisation de la lance, les artisans et les marchands de l’Afrique de l’Ouest composant la civilisation des cités.Certaines chefferiesfonctionnent sur un territoire isolé, limité à un ou quelques villages. D’autres au contraire se solidarisent sur un modèle de type fédéral, souvent consécutif à un processus de conquête. D’autres, enfin, s’unifient pour s’apparenter à un État-royaume unitaire tel l’État Lozi en Zambie. Quant aux civilisations des cités, dont les plus grandes manifestations ont été les empires du Ghana, du Mali et Songhaï, disposant d’une économie fondée sur l’exploitation des ressources naturelles et leur commercialisation vers l’extérieur […]
Une certaine exaltation des sociétés segmentaires opposées au « despotisme » supposé des chefferies, méconnait ainsi les contradictions et les conflits qui pouvaient les traverser. Outre la vendetta et les luttes internes en familles et clans, comme chez les Nuers, elles étaient toujours traversées de la contradiction entre les « aînés et les cadets », cette catégories incluant à la fois les jeunes et les femmes. Les formes qu’on considère comme démocratiques, à l’instar du Palabre, étaient généralement réservées aux anciens, qui seuls prenaient la parole . Le pouvoir des anciens pouvait être pesant : ainsi un fils chez les Lobi travaillait longtemps avec sa propre famille pour le « patriarche » jusqu’à ce que, vers la quarantaine, ce dernier lui tendit une houe l’autorisant ainsi à fonder sa propre concession. Le conflit oncle/ neveu était particulièrement virulent dans les sociétés matrilinéaires d’où l’importance de la sorcellerie familiale signe de la jalousie qui imprégnait les rapports.
On peut, par une construction structurelle, ramener les sociétés anciennes à quelques concepts ; c’est légitime pour la compréhension (ainsi font les sciences) mais c’est au prix du sacrifice de la complexité du réel. L’idée de rupture avec la tradition n’a pas tellement de sens et si l’on prend l’exemple de l’Afrique contemporaine : traditions et modernité se chevauchent en fait. Ainsi, les acteurs des sociétés africaines poursuivent des stratégies familiales, thérapeutiques, économiques ou politiques qui transcendent les clivages habituels auxquels on cherche à les rattacher. Un malade consultera tour à tour le médecin de l'hôpital d'Abidjan, le prophète guérisseur de la banlieue lagunaire et le devin de son village car il émarge simultanément de ces différents univers. Un « Fon » bamiléké reste un chef religieux, dépositaire de la puissance des ancêtres et gage de fertilité, tout en état un homme d’affaires prospère, un « Big Man » et un membre important du parti unique : il soutient le pouvoir central, alors que sa population est en majorité opposée au régime et l’a parfois rejeté pour cette raison.
« Les acteurs sociaux contemporains chevauchent sans arrêt les secteurs arbitrairement circonscrits de la tradition et de la modernité. Il est même douteux qu'ils aient une claire conscience de leurs frontières. Les attaches que le citadin conserve avec son milieu rural d'origine donnent à penser l'inverse. Le Bamiléké urbanisé participe à la vie de sa chefferie avec ce que cela suppose de présence physique aux assemblées et de dépenses financières. Sa réussite sociale n'est pas complète si elle ne se solde pas par la détention d'un titre, vénal, dans l'une des sociétés de notables. Il contribue aux opérations de développement de sa région, dont il a fréquemment l'initiative, et au gré de voyages et d'échanges incessants, il y diffuse les modèles de nouvelles façons de manger, d'habiter, de se vêtir. Dans le sud cacaoyer du Cameroun, les retraites prises au village suggèrent également que le passage à la condition citadine n'est pas irréversible, contrairement à ce que laisse accroire le concept dramatique d'exode rural ». JF BAYART/ L’ETAT EN AFRIQUE FAYARD.
DEVANT LE PALAIS DU FON/ https://agoraafricaine.info/2017/07/30/cameroun-origine-du-peuple-bamileke/
Les structures sont donc le résultat de processus historique « hybrides » qu’il ne faut pas méconnaitre : la traite négrière connut plusieurs étapes et la colonisation ne fut pas homogène : les intérêts du pouvoir continental et des colons furent souvent divergents, comme au Kenya ou en Afrique du Sud. L'institutionnalisation de la ségrégation raciale en Union sud-africaine, l'Acte unilatéral d'indépendance en Rhodésie du Sud indiquent les enjeux dont sont porteurs ce genre de clivages. De toute évidence, ils renvoyaient à des intérêts divers, voire divergents. Si conceptuellement on distingue une colonisation directe (France, Belgique Allemagne) et indirecte( Angleterre), les deux formes se mêlèrent plutôt. Il en est de même des sociétés traditionnelles : elles ont connu diverses péripéties historiques (migrations, guerres de conquêtes, formation puis disparition d’empires) : ce ne furent jamais des sociétés « froides », selon la distinction structuraliste. Elle ne furent, par ailleurs, ni anarchiques, ni despotiques,», comme le pensait le colonisateur voire l’ethnologue , ni « démocratiques », comme on le dit parfois par nostalgie des origines. Là encore, l’évolutionnisme qui fut la pensée du 19ème siècle reste un ethnocentrisme. La distinction sociétés sans Etat ou royaumes et chefferies est commode pour la compréhension mais n’est pas une évolution d’une forme à l’autre : les deux formes ont coexisté dans le temps et certains royaumes ont pu redevenir segmentaires.
Les sociétés africaines anciennes ne furent donc jamais ce monde sauvage ‘terra incognita » et de mission, du discours occidental colonisateur. Le continent n'a lui-même jamais cessé d'être perméable aux échanges avec le reste du monde, notamment en tant qu'exportateur d'or, ou d'ivoire. Le Christianisme existait en Ethiopie, l'Islam sur le littoral, se livrant, avant la traite, au commerce des esclaves. Il y eut l'installation de colonies indonésiennes à Madagascar, le commerce régulier avec l'Inde, le golfe Persique et la Méditerranée. Le Sahara n'était pas un « océan de sable et de désolation ». Sillonné de caravanes, maillé de réseaux tribaux et confrériques, véhicule de l'islam, trait d'union entre les États akan producteurs d'or et les marchés méditerranéens. Les découvertes portugaises furent dues en partie à la volonté de faire face à la concurrence transsaharienne contrôlée par les arabes. Elles jetèrent les bases d'un négoce maritime régulier, interafricain et européano-africain, qui prit vite malheureusement très vite la forme du commerce d’esclaves et de la traite atlantique. D’autres part l’espace intérieur africain était structuré et communicant. L’intérieur des terres n'était nullement compartimenté. Il était structuré en espaces économiques - commerciaux, monétaires et productifs - en espaces politiques et guerriers, en espaces culturels, linguistiques et religieux. Il était irrigué de courants permanents dont le commerce sur la longue distance et les déplacements démographiques – les « migrations » - étaient les marques les plus visibles...Chefferies et royaumes découlèrent souvent de tels déplacements de population, suite à des éclatements d’empires par exemple.
« La " fabrique " sociale et culturelle africaine n'a jamais été inactive, elle a constamment eu à produire les sociétés et les cultures « nègres » en traitant, à la fois, les dynamismes internes et ceux résultant du rapport à l'environnement " [...], « Il devient impossible de méconnaître le fait que toutes les sociétés africaines ont affronté les épreuves de l'histoire [...] «. » Comme telles, elles étaient des sociétés de débat, au sens où M. Finley le dit de la Cité grecque, et assez comparables à celle-ci, au moins à certains égards «*. Elles n'étaient point des «despotismes», ni, d'ailleurs, des «démocraties». Elles agençaient plutôt des interactions subtiles entre le cercle de la domination et celui de la sujétion, qui incitent, au moins dans un premier temps, à récuser à leur propos l'idée facile de totalitarismes archaïques, d'ordre structurel, symbolique ou idéologique. Etudiant l'un des vingt royaumes moose, Mv Izard parle avec bonheur de « métabolisme de la prédation » : « Étrange univers où le respect dû au chef ne va pas sans la ferme intention - non exempte d'un certain humour - d'échapper le plus qu'il est possible à une autorité qui ne répugne jamais à être lourde en sachant jusqu'où il lui est possible d'aller .» La délibération, plus ou moins institutionnalisée suivant le degré de différenciation structurelle du pouvoir, feutrée et comme démultipliée, visant à l'union du groupe, était l’exercice de l'autorité. On a relaté de façon saisissante les conclaves des « excellents » dans la monarchie sacrée des Moundang, auxquels fait contrepoids un deuxième collège émanant, lui, de la puissance royale. Les deux instances qui assistent le monarque ne détiennent pas à proprement parler une partie du pouvoir mais elles expriment «la division de la souveraineté à l'intérieur d'elle-même [...] », entre le roi comme « être hors clan » et les clans « maîtres de la terre» «.JF BAYART/ L’ETAT EN AFRIQUE FAYARD.
Si donc l’histoire n’est faite que de micro-histoires ,mais écrites par les vainqueurs, comme dit Walter Benjamin, on peut cependant, tout en gardant à l’esprit que toute conceptualisation n’est qu’abstraction à des fins d’intelligibilité, tracer les grandes lignes de la transformation de ce qu’on nomme les sociétés traditionnelles en sociétés post coloniales et contemporaines. On souligne ainsi par les concepts De Traite Négrière et de Colonisation, les évènements majeurs qui ont permis cette transformation, sans oublier que sous la neutralité des mots se cachent des réalités qui furent d’abord inhumaines et sanglantes.
LA TRAITE NEGRIERE »
C’est aussi un phénomène historique et culturel complexe, qui englobe des aires géographiques immenses ; Il bouleversa plus particulièrement le continent africain et fit, en particulier, le lit du racisme, véhiculant l'image d'un Noir inférieur, proche de l'animalité et donc, à ce titre, susceptible d'être acheté, vendu, échangé. Une marchandise humaine. La traite transatlantique des esclaves, dite « commerce légitime » amplifia et diversifia tragiquement l’insertion de l'Afrique noire dans le système mondial.
On sait qu’ont existé trois traites négrières,une traite intra-africaine, sans aucun doute la plus ancienne, beaucoup de sociétés traditionnelles étant esclavagistes, en particulier royaumes et chefferies. ; la traite orientale, ses voies et ses grands marchés aux esclaves (villes d'Afrique du Nord, de la péninsule Arabique et de la Turquie) et concernait les Noirs, mais aussi Blancs et Arabes ; et enfin la traite atlantique (occidentale), la plus connue et la plus intense .
La traite intra africaine. Les esclaves étaient vendus entre africains contre de l’or dont profitaient les rois africains du Bénin, du Congo ou d’Angola. Ces esclaves étaient soit des asservis de naissance, soit des prisonniers de guerre pris et vendus par des peuples voisins, soit des condamnés et punis pour crimes et délits, enfin certains enfants étaient vendus par leur famille ou abandonnés. En Mauritanie l’esclavage n’est aboli que depuis 1980.
La traite orientale. C’est la plus longue en durée entre le IX et la fin du XIX° siècle. Elle se caractérisa par ses voies commerciales : d’une part les routes terrestres du Maghreb et des déserts (itinéraire transsaharien), d’autre part les routes maritimes de la Mer Rouge et de l’Océan Indien (itinéraire oriental) et elle a alimenté le monde musulman en esclaves noirs, d’abord dans l’empire arabe puis dans l’empire Ottoman. Le dernier marché aux esclaves sera fermé au Maroc en 1920 et l’Arabie Saoudite n’abolira l’esclavage qu’en 1963.
La traite atlantique désigne quant à elle le transfert forcé de 12 à 20 millions d'Africains en Amérique entre le XVIe et le XIXe siècle. Il commença au XVe siècle avec l'introduction de plusieurs milliers d'esclaves sur l'île portugaise de Sao Tomé, dans le golfe de Guinée, découverte en 1471 et devenue la première colonie sucrière du Portugal. C’est vers 1511-1512 que les premiers navires emmènent des esclaves vers l’Amérique. L’historien malien Tidane Diakité rapporte le rôle de quelques rois, comme le roi Makoko au Kongo, dans les échanges avec les Européens, pour la livraison des prises de razzias aux navires portugais bientôt concurrencés par les Anglais, les Hollandais et les Français.
La traite à son origine fut initiée par des considérations politiques, religieuses, puis commerciales. Politiques car le Portugal voulait contourner la mainmise arabe sur le commerce oriental, explorer les routes maritimes atlantiques et s’octroyer les nouveaux territoires conquis .Religieuses : car l’Église, grâce aux Portugais, y vit les moyens de contenir l’expansion de l’islam au détriment de la chrétienté et la possibilité d’évangéliser de nouvelles contrées. La Conférence De Valladolid interdit l’esclavage des indiens, déjà décimés et censés être désormais humains,mais dénia une « âme » aux noirs ,aptes ainsi à devenir marchandises.
Sur le plan commercial, c’est l’essor de l’exploitation de la canne à sucre et la révolution sucrière qui enclencha la traite à grande échelle et la mise en place de ce qu’on a appelé pudiquement Le Commerce Triangulaire, entre l’Europe, l’Afrique et les Amériques : échanger des marchandises contre des captifs noirs en Afrique, déporter ces derniers, attachés et entassés dans les cales des navires négriers, vers le Nouveau Monde, pour en faire des esclaves qui participeront au développement de l’économie coloniale dont les denrées seront renvoyées en Europe. Malgré les condamnations de l’esclavage par quelques papes et quelques philosophes des Lumières, il faudra attendre plus de trois siècles pour mettre un terme à la traite et aux voyages aux conditions inhumaines. (plus de 20% de mortalité). Elle ne sera vraiment interdite qu’à partir du Congrès de Vienne en 1815 (interdiction peu appliquée d’ailleurs au cours du 19ème). La Révolution française avait bien aboli l'esclavage le 4 février 1794, mais Napoléon Bonaparte devait le rétablir par le décret du 20 mai 1802 après la restitution de la Martinique à la France par la paix d'Amiens. L’abolition de l'esclavage ne sera définitive pour les colonies françaises des Antilles qu’en 1848.
Toute une “chaîne” de traite se mit en place du XVe au XVIIIe siècle : C’est ainsi ,ce qui n’exonère donc en rien le rôle majeur des occidentaux, que certains souverains africains (d’autres refusèrent)vendirent des esclaves, pour se procurer des armes mais aussi des tissus, de l’alcool, du blé ou des lingots de fer, assez loin de l’image souvent retenue de la pacotille. Ils devinrent ainsi un maillon du trafic. A un bout, les rois et les courtiers qui approvisionnaient, à l’autre bout une population d’acteurs obligés”: esclaves et “acquérats”(hommes libres) qui produisaient les vivres, assuraient la sécurité et la garde dans les comptoirs , rendus dociles par la connaissance de leur sort en cas de passage dans la catégorie des “produits” de la traite. C’est aussi entre les deux toute une gamme d’intermédiaires créoles surtout, qui, par leur connaissance des langues et des coutumes des deux protagonistes, sont très vite devenus incontournables.
Les acteurs africains se procurèrent des esclaves par divers moyens: augmenter le nombre des délinquants ou personnes dont les autorités souhaitaient se débarrasser (prisonniers pour dette, femmes adultères…), prendre les victimes par ruse, et surtout faire la guerre aux peuples voisins. C’est l’attrait croissant pour les produits occidentaux qui conduisit à la prise d’esclaves à monnayer. Le commerce fut ainsi encadré par les nombreux traités signés entre les rois, les chefs locaux et les divers représentants des puissances européennes.
La demande accrue fit monter les prix et aiguisa les appétits dans les deux camps. La traite enrichit les ports de Nantes, La Rochelle, Bordeaux ou Liverpool. Dans les ports français, 550 familles armèrent au total 2 800 navires pour l’Afrique au XVIIIe siècle. Du milieu du XVIIIème au milieu du XIXème siècle, la France organisa au moins 4220 expéditions négrières, dont une grande partie menée par les armateurs nantais. Selon le Mémorial De L’esclavage à Nantes, le port ne devait pas sa primauté à la durée de sa participation, mais à sa densité, avec l’organisation de 43 % des expéditions négrières françaises (soit environ 5 à 6 % de la traite atlantique européenne). En un peu plus d’un siècle, les navires nantais auront transporté plus de 550 000 captifs noirs vers les colonies. La traite assura aussi la richesse de nobles et de rois africains : on estime à 250 000 livres les revenus en 1750 de Tegbessou, roi du Dahomey qui livra 9 000 esclaves par an.
La traite eut d’abord des effets économiques : si elle intensifia le commerce, amenant la monnaie comme vecteur des échanges strictement économiques(les monnaies anciennes étant à la fois instrument économique et de prestige dans un système du Don) ou le tabac , le manioc et l’arachide, elle est considérée surtout à l’origine du retard économique de l’Afrique . Avant le XVème siècle, il existait bien un développement propre à l’Afrique. La traite négrière a mis un frein à ce développement et affaibli la capacité de produire à un moment où la main d’œuvre, faite de jeunes valides surtout , disponible pour l’agriculture et pour la production de biens manufacturés, était réduite à l’esclavage. En ce sens la mémoire de la traite hante les phénomènes de sorcellerie contemporains. Selon des croyances actuelles très prégnantes, sorcellerie de l’Ekong, en Afrique du Sud ou au Cameroun, des individus, véritables « zombies », dont les forces vitales auraient été « mangées par les sorciers ( une classe de profiteurs économiques dont on suspecte la richesse) , seraient ainsi emmenés vers des plantations invisibles pour un travail forcé.
La chasse aux esclaves créa un état permanent de violence. La puissance des chefs locaux fut d’autant plus grande qu’ils étaient désormais équipés d’armes efficaces, (environ 300 000 fusils furent exportés chaque année vers l’Afrique dans la seconde moitié du XVIIIème.). On les utilisa pour capturer toujours beaucoup plus d’hommes et de femmes .Ainsi , les armes à feu se répandirent dans toute l’ Afrique noire provocant à l’état chronique la guerre , la violence intra-tribale et inter-ethnique. Les Etats de la côte attaquent alors leurs ennemis traditionnels ou des peuples plus faibles. Au XVIIIe siècle, au moment où la traite est la plus développée, les royaumes africains de la côte étaient en état de guerre quasi-permanente.
La traite a eu un effet dévastateur sur les pouvoirs africains les plus anciens. Ceux-ci déjà étatiques, comme au Congo et aux Bénins, s’enrichirent, comme dit plus haut et confinèrent au despotisme alors que les états centralisés reposaient jusqu’ici sur un équilibre .En outre, de nouvelles formes de pouvoir naquirent plus ou moins directement de la traite et de la conquête remplaçant les sociétés segmentaires. « Par sa durée exceptionnelle, la traite atlantique eut des effets multiples. Si l'on ne peut avec exactitude en évaluer l'ampleur sur les plans économique, social, psychologique et démographique, deux effets du trafic négrier restent cependant immédiatement perceptibles, palpables et quotidiens et ils n'auraient pu être sans cette participation active des rois et chefs africains.
Le premier de ces effets, né de ce climat trouble fait de désordre, de méfiance et de terreur au quotidien se résume dans la fragmentation extrême des peuples et des consciences (sans doute ancienne en Afrique, mais accentuée par la traite), dans une déstabilisation et une insécurité profondes imprimées dans l'âme africaine, se traduisant par la peur ; la peur de l'autre, du voisin, du Blanc. Phénomène amplifié plus tard par la colonisation qui signifia pour l'Africain une perte totale de repères, le tout culminant dans un sentiment d'infériorité vis-à-vis de l'Européen, du Blanc d'une manière générale. Le second effet est aussi permanent que pernicieux : la dégradation durable de l'image de l'Africain et du Noir en général, devenu au fil des ans cet être singulier, mi- animal, mi- objet, vendu à la criée, par paquets, ou sur les marchés au milieu des chevaux et des bibelots. L'expression « traite négrière » ou « trafic négrier >; en est la vivante démonstration car les rois africains n'étaient pas plus estimés des Européens que leurs sujets qu'ils leur vendaient, Ils furent par conséquent victimes des mêmes préjugés, d'où la dénomination si expressive de « roitelets nègres » associée à « traite négrière. » Cette dévaluation morale finira par rejaillir sur l'Afrique entière et constituer un des multiples rémanents de la traite. Cela ne s'arrêta pas avec la fin officielle du trafic esclavagiste qui portail en germes tous les préjugés antinoirs.
La conséquence la plus désastreuse et la plus handicapante de la traite, pour l'Afrique d'aujourd'hui, n'est pas tant la ponction démographique d'hier que la plaie non cicatrisée. Les effets de la traite ne sont pas seulement matériels, ils sont aussi culturels et psychologiques. Son impact peut encore être pris en compte dans l'évaluation de l'Afrique contemporaine, mais sans victimisation pérenne stérilisante. On ne peut vivre éternellement sous le poids du passé. En réalité, parmi les nombreux sous-produits du commerce des esclaves et de la participation active des Africains à ce trafic, se trouve ce qu'il conviendrait de qualifier de « culture de traite. » Il s'agit d'un abandon de soi devant les produits matériels en provenance de l'Occident et de la tentation du gain facile et rapide par des moyens condamnables. La principale caractéristique de la traite atlantique, au-delà de l'aspect humain ou humanitaire, fut inégalité et contraste : inégalité des profits et contraste des effets. Les rapports qui lièrent les Européens aux Africains durant ces cinq siècles furent des rapports dissymétriques
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« Si les XVIIe et XVIIIe siècles sont considérés comme les siècles obscurs de l'Afrique, ceux qui suivirent ne furent pas plus lumineux. A la traite devait succéder la colonisation qui eut, parmi ses mobiles évoqués, l'extinction du brasier allumé sur les côtes africaines depuis le XVe siècle. Étant incapables d'arriver eux-mêmes à bout du sinistre par leurs propres moyens, les Africains ne pouvaient par conséquent, en aucune manière, résister à la pénétration coloniale dont ils avaient préparé le terrain. Ils ne pouvaient résister ni militairement, ni techniquement, ni même passivement. » TIDIANE DIAKITE. La Traite Des Noirs Et Ses Acteurs Africains.. Berg International
LA COLONISATION
classe préparatoire à SCIENCES .PO
« L'idée coloniale », est, elle aussi, complexe et paradoxale : complexe parce que recouvrant des usages multiples ; paradoxale parce que tout le monde emploie le mot en pensant savoir , ramenant, à l’unité d’un terme, des situations en fait très diverses. On peut néanmoins, en se souvenant de ce qui a été dit plus haut de la schématisation des concepts, distinguer plusieurs éléments qui rendent compte de l’histoire
L’étymologie du mot n’a rien de péjorative en elle-même, quoiqu’elle ait très vite servi de justification par ailleurs. On parle ainsi de » colonisation de peuplement » , du latin colere habiter un lieu ; ce qui a donné colonus (cultivateur, colon) , soit l’occupation le peuplement et la culture des parties du globe qui seraient inoccupées, non peuplées, incultes » .La « colonie » (colonia) chez les romains était en ce sens soit une terre cultivée, une ferme, soit un territoire donné à cultiver à des soldats en de leurs services ou à des citoyens sans terre .Ce sens neutre va très vite occulter d’autres aspects historiques bien différents : Ainsi l’Angleterre va –t-elle occuper et « coloniser » l’Australie, déclarée « Terra Nullius, terre vide », au mépris des territoires aborigènes souvent sacrés et prétextant le petit nombre des autochtones. BIENVENUE EN AUSTRALIE
« A en croire tous les colons du monde, ceux-ci n'auraient dépossédé que la nature vierge, et combattu que les éléments déchaînés. Les premiers habitants ne sont pas perçus comme tels, ils sont confondus avec la nature à laquelle ils sont intégrés par leur genre de vie plus ou moins « primitif ». Mais une terre sous-exploitée n'est pas inculte, un pays sous-peuplé n'est pas un désert. On pourrait penser que plus la population indigène est clairsemée, moins l'acuité du problème est vive. Il n'en est rien, le contraire serait plutôt vrai. Un genre de vie qui ne permet que de très faibles densités, comme celui des chasseurs ramasseurs, exige pour la subsistance du groupe de très vastes espaces. Cela est aussi vrai, dans une moindre mesure, pour les agriculteurs itinérants sur brûlis, pour les pasteurs nomades et même pour les paysans d'avant la révolution agricole qui pratiquent la jachère. Le colon armé des techniques les plus modernes, habitué à des rendements élevés, jugera que l'indigène a trop d'espace " il n'a qu'à faire " comme lui, et il pourra vivre sur un territoire " normal ". Pervillé Guy. Qu'est-Ce Que La Colonisation ? In: Revue D’histoire Moderne Et Contemporaine
MASSACRE DES ABORIGENES Aussi l’histoire a bien vite montré d’autres usages du mot, en dehors de la colonisation au sens premier, à savoir la domination, l’exploitation économique , voire l’assimilation d’autres peuples
La domination prit la forme de l’Empire, soit une formation politique fondée sur la conquête et sur sa consolidation par l'usage ou par la démonstration de la force armée (On peut définir l'impérialisme comme une politique visant et délibérément la conquête d'un empire). On entend généralement par empire colonial un ensemble de dépendances conquises ou acquises par un État occidentale entre le XVe et le milieu du XIXe siècle et réparties dans le monde entier, grâce à la maîtrise des océans, monopole des peuples européens pendant toute cette période. Les empires européens en Afrique ont ainsi succédé aux simples comptoirs installés sur les côtes (pénétration en profondeur rendue possible par le progrès de l’armement, voire médical, la quinine remédiant aux ravages de la malaria).
Pour prendre un exemple précis, l’histoire de la colonisation du Congo est révélatrice de cet impérialisme. Ainsi l'action du journaliste américain et explorateur Stanley va permettre qu’une personne privée , le roi Léopold, devienne propriétaire du Congo, de 2,5 millions de kilomètres carrés, ainsi que de la force de travail de ses habitants. Le roi lèguera finalement son « Congo « à la Belgique .Cette phase de colonisation fut particulièrement sanglante : on discute encore du nombre de victimes. Stanley fut surnommé Bulamatari ou bula matari, signifiant « celui qui brise les rochers ».On doit dire aussi que la mission Marchand, célébrée chez nous comme particulièrement civilisatrice , coûta la vie à de nombreux Africains. L’arme au poing, Marchand et ses hommes obligèrent à transporter leur matériel et leurs provisions les Batékés et les autres peuples qui vivaient le long de la route justement empruntée dans le passé par les marchands d’esclaves pour rejoindre Brazzaville depuis Loango. Ceux qui refusèrent se firent trouer la peau. Quant aux déserteurs, leurs foyers et leurs villages furent incendiés, leur bétail abattu et leurs récoltes détruites.
« Pour ceux qui avaient la malchance de se trouver sur son chemin, l'expédition ressemblait à une armée d'invasion, car elle retenait parfois en otages femmes et enfants jusqu'à ce que les chefs locaux lui fournissent des vivres (…) [Un des officiers de Stanley écrit dans son journal] : « Stanley donna l'ordre de brûler tous les villages à la ronde ». Un autre encore décrivit un massacre avec autant de décontraction que s'il s'agissait d'une chasse : « C'était très intéressant de rester tapi dans la brousse à regarder les indigènes vaquer tranquillement à leur labeur quotidien. Certaines femmes […] fabriquaient de la farine de banane en pilant des bananes séchées. Nous pouvions voir des hommes construire des huttes et accomplir d'autres tâches, des garçons et des filles courir et chanter. […] J'ouvris la chasse en visant un type en pleine poitrine. Il tomba comme une pierre. […] Immédiatement, une salve balaya le village. » — Adam Hochschild, Les Fantômes du roi Léopold.
Suite aux critiques internationales relatives à la violence du système colonial de Léopold II, l’administration coloniale belge tentera de lisser son image en s’inscrivant dans une "mission civilisatrice", à l’instar des autres puissances internationales, laquelle mission reposait sur l’idée que l’Europe était plus "civilisée" que l’Afrique et se devait, à ce titre, d’éduquer les populations africaines (y compris par la force). Pour prendre un exemple concernant les femmes congolaises ,dans la seconde phase de la colonisation visant l’accomplissement de cette mission « émancipatrice », l’administration coloniale belge entreprit de "civiliser" la prétendue "hypersexualité" sauvage des Congolaises : la famille congolaise sera refaçonnée selon les normes belges et chrétiennes qui prévalaient à l’époque en matière de sexualité, conjugalité et parentalité, instituant l’autorité masculine comme centrale et légitime à l’exclusion de toute autre, supprimant de ce fait le pouvoir qu’ elles avaient hérité de la tradition.
Le contrôle de l’administration était dominé par la Belgique, sans organe démocratique pour les habitants. Le chef de l’État restait en toutes circonstances le roi des Belges, mais la gestion journalière était dévolue au Gouverneur général qui régnait sur neuf provinces qui avaient chacune à leur tête un gouverneur. Si les noirs n'avaient pas le droit politique de s'occuper de leur pays, il en était de même des colons et administrateurs blancs qui n'avaient pas le droit de vote. Diverses autres restrictions affectaient les Congolais. Dans les villes construites par les colonisateurs, les populations noires étaient refoulées dans les banlieues, souvent organisées en « cités indigènes », tandis que les centres villes étaient réservés aux seuls Blancs. Les Noirs n’avaient pas le droit de quitter la cité indigène de 21 heures à 4 heures du matin. Ils ne servaient, en fait, que comme main d’œuvre au colon ou à l’administration coloniale (serviteur, artisans, mineurs, caissiers, mécaniciens, etc.). Les supermarchés, tous situés aux centres villes, étaient interdits d’accès aux noirs, on leur avait réservé une fenêtre par laquelle ils pouvaient faire leurs achats. La seule coexistence entre Blancs et Noirs était tempérée par la tolérance accordée aux prêtres catholiques noirs représentant un véritable clergé local.
Avec le Congo, la Belgique obtint des matières premières peu chères. L’administration coloniale recruta des travailleurs forcés pour les plantations et pour les mines et imposa même en 1926 la conscription générale. Elle négociait pour se faire, avec les différents dignitaires congolais pour qu‘ils leur fournissent des hommes comme travailleurs (10 francs par tête). Les chefs politiques se débarrassaient en général des gens qu’ils n’aimaient pas dans leurs communautés. Les travailleurs étaient emmenés jusque dans les mines où ils travaillaient pour 10 à 15 francs par mois. De nombreux travailleurs mouraient de fièvre à tiques, de grippe, de pneumonie, d’épuisement ou à la suite des éboulements, à tel point que ce système, qui succédait aux exactions léopoldiennes et à la Première Guerre mondiale, risquait de dépeupler de nombreuses régions. Les autorités essaieront de résoudre la crise en imposant des restrictions aux recrutements forcés (par exemple, le décret de 1933 limita en effet à 60 jours la durée du travail forcé dans les plantations.
« La recherche hégémonique dans laquelle s'est rapidement lancé le colonisateur s'appuyait sur l'évidence de la force : celle de l'époque esclavagiste, mais aussi celle, privée, des compagnies concessionnaires et celle, publique ou semi-publique, de l'administration et de ses auxiliaires indigènes. Le recours systématique au massacre, à la déportation, au travail forcé, à la puissance des armes à feu, aux châtiments corporels, à l'emprisonnement, à la peine de mort, et la nature très autoritaire de la plupart des institutions sociales de la colonisation - la mission, l'école, l'hôpital, la mine, la plantation, par exemple, sans même parler des camps de concentration ou de regroupement pendant la guerre Anglo-boer ou la rébellion Mau-Mau - nous rappelleraient, s'il en était besoin, que cette dernière a d'abord été une occupation militaire, bien qu'elle ait vite reposé sur des fondements complémentaires…. Les figures imaginaires de l'Afrique politique sont éminemment coercitives. Les spécialistes du Zaïre ont en particulier souligné la généralité de l'identification de l'État contemporain à l'image terrifiante de Bula Matari, qui s'était imposée dès les premières années de la pénétration belge, et la diffusion de la représentation picturale de la « Colonie belge » dans les intérieurs urbains, tableau mettant en scène le travail forcé des indigènes et la flagellation des récalcitrants sous l'œil impavide d'un administrateur. Pareillement, en Afrique du Sud, le système de l'apartheid a jusqu'au bout gardé le visage d'une domination sans fard. Et le monde de la nuit est riche de symbolisations qui élaborent les relations de prédation entre les sociétés africaines anciennes et leurs partenaires étrangers : ainsi, l'ombre menaçante de la traite esclavagiste hante la sorcellerie de l’ekong, au Cameroun. JF BAYART/ L’ETAT EN AFRIQUE FAYARD.
GENOCIDE HERRERO NAMIBIE
Les colonisateurs ont fait montre d’ambivalence à l’égard des pouvoirs qui les avaient précédés : les interventions européennes avaient des objectifs contradictoires, visant simultanément à la transformation et au maintien de l’ordre dans des sociétés profondément bouleversées par la conquête. Des réponses multiples ont donc été apportées au gré des conjonctures, des échecs et des réussites pour aboutir à la formation d’une série de « despotismes décentralisés » exercés au travers des chefs traditionnels. Les autorités traditionnelles avaient été initialement perçues comme hostiles par les colonisateurs. Mais ces autorités sont vite apparues utiles pour la gestion des vastes territoires conquis. La politique du colonisateur fut multiple en ce sens. Il a pu coopter les lignages dominants, comme les Britanniques avec le royaume Ashanti en Gold Coast, le califat de Sokoto ou les royaumes yoruba au Nigeria ; comme les Français avec les « grands commandements » de l'Afrique de l'Ouest ou les lamidats foulbé du nord du Cameroun, comme les Belges avec les royaumes du Burundi et du Rwanda. Soit qu'il ait créé de nouveaux pouvoirs de toutes pièces en cooptant des personnalités qu'il avait identifiées, en les nommant « chefs de canton » (dans la terminologie française) et en fondant de la sorte des dynasties de notables en particulier dans le contexte des sociétés lignagères qui n'étaient pas dotées d'institutions politiques centralisées . Les chefs traditionnels sont ainsi devenus des auxiliaires chargés de mobiliser les populations pour les besoins de l’autorité coloniale, fomentant des renversements de dynastie si le tenant du trône ne collaborait pas. Ces stratégies ont engendré une intensification des luttes de factions pour accéder à ces postes. La collecte des impôts, le recensement, l’organisation des corvées, mais aussi le contrôle politique local leur ont été délégués. De façon symptomatique, les autorités coloniales ont d’ailleurs généralement réussi plus facilement à coopter les pouvoirs centralisés des royaumes que les réseaux de pouvoir plus labiles organisant les sociétés décentralisées, où une résistance de basse intensité aux intrusions coloniales s’est prolongée. En général chefs et monarques sont souvent sortis renforcés et autonomisés de leurs sociétés, mais parfois aussi coupés d’elles.
Les carnavals masqués , continuent à rendre hommage aux mythes anciens un peu partout . Habillé sous forme de chèvre, de diable, d’ours ou de monstre avec mâchoire en acier, « l’homme sauvage » appartient au monde de ces mythes.
Le photographe Français Charles Freger découvre le Krampus ) à Salzburg lors d’une mascarade. - créature démoniaque, née dans des pays comme l’Autriche, la Bulgarie ou la Slovénie. Fasciné par la rencontre, il se mit à la recherche des divers figures du mythe dans une chasse photographique à travers, ce qu’il appelle « l’Europe tribale ».
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