VAUDOU (4) LE CULTE
Transporté à Saint-Domingue, confronté à une nouvelle réalité sociale, le vaudou, élaboré par une société féodale, a survécu et s'est reconstitué dans un milieu paysan. Cette "ruralité" du vaudou haïtien et l'absence de tout clergé structuré ont profondément modifié le fond et la forme du message religieux retransmis. D'abord, la religion haïtienne, si elle sous-tend tout le système hiérarchique de la société paysanne, n'en est pas moins une religion résolument égalitaire, au sein de laquelle les rapports sociaux s'expriment de manière détendue. En outre, elle est faite pour englober tous les membres de la communauté, y compris - et surtout - les plus déshérités (au Dahomey, les rapports entre le prêtre et le fidèle sont des rapports de dépendance absolue ; de plus, seuls les initiés participent activement au culte).
En second lieu, le rituel lui-même, bien qu'il obéisse à des normes de base strictes, est très souple et présente, d'une région à l'autre, des variations plus ou moins importantes. Bien souvent les prêtres ont dû improviser, inventer pour remplir les blancs laissés dans la tradition par l'arbitraire de la traite négrière.
Enfin, le clergé vaudou se caractérise par une connaissance précise et minutieuse du gestuel religieux, des attributs, goûts et traits de caractère des dieux, du symbolisme et des vertus des feuilles et des plantes, mais aussi par une connaissance incroyablement pauvre de la mythologie. "Le mythe a beau reculer les événements dans un passé mystérieux, il reste la peinture d'une certaine société, il reflète les structures des lignages, la formation des chefferies, les règles de la vie communautaire. Or l'esclavage a détruit cette infrastructure. En conséquence, Ce n'est pas l'usure, c'est le changement de la société qui explique la perte des images"
La société esclavagiste a donc tué le mythe, mais n'a pas pu empêcher au corps de se souvenir du rite. C'est pourquoi nous pouvons dire du vaudou haïtien qu'il est une religion essentiellement "dansée", au sens le plus large, car tout ce qui s'est conservé l'a été par le corps. Le rite lui-même est souvent vidé de son contenu. Figé dans la répétition rigoureuse, il a été transmis à travers les générations à l'état de geste pur. Un exemple , ces longues formules rituelles "en langage" que personne ne comprend plus et qui, par conséquent, se dégradent, tout en gardant leur force mystique et la marque sonore de leur origine africaine. P. Verger a recueilli ainsi un chant rituel d'une fidélité exceptionnelle, chanté par des fidèles haïtiens qui ne le comprenaient plus, mais qu'un initié dahoméen a traduit sans hésiter
Rien ne distingue à première vue le sanctuaire (houmfort ou houmfô) de la maison principale du chef de famille. Le seul trait qui caractérise extérieurement le temple et le différencie de la maison ordinaire est son péristyle, sorte de hangar largement ouvert (ou de grande tonnelle) où ont lieu toutes les cérémonies publiques. Le sol du péristyle est toujours de terre battue ; le contact avec la terre est indispensable à la communion avec les esprits : elle reçoit des libations, elle absorbe le sang des sacrifices offerts aux dieux ; les reliefs des repas rituels y sont enfouis et les initiés ne peuvent fouler le sol du sanctuaire que déchaussés.
Péristyle.
Le péristyle est encore sacralisé par la présence du poteau mitan, pilier central qui soutient son toit et qui sert d'axe de communication entre les hommes et les esprits. C'est le pivot des danses rituelles ; tout se fait à partir de lui, autour de lui, il est le "chemin des esprits". Certains ont vu dans le poteau mitan une représentation stylisée de l'arbre sacré : l'arbre tient une place capitale dans le vaudou haïtien et dahoméen : chaque esprit a son arbre (dit, en Haïti, arbre reposoir) dont les feuilles sont douées d'un grand pouvoir. Ces arbres sont d'ailleurs nourris rituellement une fois par an, on y accroche également les offrandes quotidiennes des fidèles; l'arbre reposoir est un cadeau du dieu. Le poteau mitan, quant à lui, est un axe par lequel les esprits atteignent le sanctuaire. Le péristyle est attenant aux "chambres des mystères", le saint des saints du sanctuaire qui a gardé son nom africain de bagui Dans le bagui s'élèvent un ou plusieurs autels en maçonnerie Sur ces autels s'entassent les pots tête des initiés, les pierres symboliques des dieux (certaines d'entre elles ont été apportées d'Afrique par les esclaves), le hochet duprêtre, \ asson1, signe de sa puissance au moyen duquel il appelle les dieux, les govi\ cruches sacrées contenant une mixture qui permet aux dieux de s'y réfugier pour s'y "réchauffer" et où ils se manifestent quand on les invoque hors des cérémonies ; fichés en terre le sabre d'Ogoun. Le bagui "est aussi un vestiaire où les possédés viennent chercher les vêtements et les objets qui leur seront nécessaires pour représenter la divinité qui les habite" Ces accessoires du théâtre sacré pendent aux murs de même que les colliers des initiés (en tous points identiques à ceux du Dahomey).
hougan et mambo :
En Haïti, la fonction de prêtre peut être remplie indifféremment par un homme ou par une femme. La puissance des prêtresses haïtiennes, est même supérieure à celle de leurs confrères masculins.
On désigne le prêtre par le nom de Houngan : mot d'origine fon. En langue fon, gan veut dire chef. La (prêtresse (mambo) ne se retrouve pas au Dahomey. Peut-être parce que les femmes n'y atteignaient jamais ce grade.
Chaque prêtre est souverain dans son houmfort et n'est tenu à aucun contact avec ses pairs. "Houngan et mambo, bien qu'entretenant entre eux des rapports souvent étroits, sont loin de constituer un corps organisé : ce sont des chefs de confrérie ou de sectes autonomes, plutôt que les membres d'un clergé hiérarchisé. Sans doute le prestige d'un houngan peut-il s'étendre aux sanctuaires desservis par ses disciples, mais il n'y a pas subordination proprement dite d'un houngan à un autre. La profession a ses grades qui correspondent aux degrés d'initiation.
La profession de houngan est héréditaire, le sanctuaire et les loa doivent rester dans la famille. il ne s'agit cependant pas d'une hérédité stricto sensu ; le prêtre choisit, parmi les jeunes de sa famille (ses enfants, neveux, cousins, frères et sœurs), celui ou celle qui lui semble doué pour lui confier sa succession.
Les hounsi (initiés)
Un grand sanctuaire peut compter une bonne cinquantaine de hounsi (le suffixe si en langue fon signifie épouse. L'initié, quel que soit son sexe, comme au Dahomey, est "l'épouse du dieu") ; dans les sanctuaires plus modestes, leur nombre dépasse rarement la dizaine.
Dans les campagnes et même à la ville, quand les coutumes se sont conservées, chaque famille, selon la tradition dahoméenne, est affiliée à un hounfor où elle délègue un initié qui "remplit ses devoirs" vis-à-vis de ses loa protecteurs.
Mais un grand nombre de hounsi (et de plus en plus) ont décidé de leur propre chef de se faire initier pour des raisons de piété (assurer son salut, se rapprocher d'une divinité aimée), pour des raisons sociales ou de prestige, ou encore ce qui revient, à la limite, au même, la maladie, une série de déboires et les rêves, qui sont considérés comme des modes d'élection.
Comme dans tous les cultes de possession, la majorité des initiés sont des femmes : "Le mot hounsi évoque une image féminine - bien que ce titre soit commun aux deux sexes. De nombreuses hypothèses ont été avancées pour expliquer cette prépondérance féminine parmi les initiés des cultes de possession, notamment Le mot hounsi renvoie à une image domestique (proche de la vestale).
Le tambour :
Au commencement de tout rite, il y a le rythme.. Le rythme par lequel communiquent les hommes et les dieux, par lequel les loa descendent dans les humains, prennent possession d'eux, sous certaines conditions les libèrent et protègent. les tambours sont sacrés, et occupent une place centrale dans le vaudou. De là que maîtres des plantations, prêtres, hommes d'État, se soient acharnés à en proscrire l'usage. De là, aussi, que le batteur tenu pour un maître, respecté, capable par sa connaissance des rythmes de déclencher le tonnerre, de convoquer les dieux, de provoquer ou d'interrompre la transe des fidèles, par de brusques changements de rythmes, feintes et relances — art qui suppose un très long et minutieux apprentissage...
Sacré, le tambour est l'objet de multiples attentions. C'est lui qu'on salue en premier lors des cérémonies, avant même le poteau mitan, on baise la terre devant lui, on lui offre libations et sacrifices). Leur fabrication, pareillement, s'accompagne de rites minutieux pour qu'ils puissent devenir le réceptacle des loa. Ils reçoivent le baptême, habillés de "robes" aux couleurs des loa.
Les tambours du culte rada, d'inspiration dahoméenne, sont toujours groupés par trois, identiques de formes mais de tailles différentes : Le plus grand de tous, vénéré comme une idole, dépassant deux mètres et que l'on ne bat qu'en des circonstances exceptionnelles est Assoto, (la plupart ont été détruits par les prêtres catholiques au cours des diverses campagnes antisuperstitieuses). Taillé dans un bois spécial, "gorgé de sang", coupé à la pleine lune, recouvert d'une membrane à midi fixe, il est baptisé avant de recevoir en sacrifice un bouc blanc ou un taureau, avec le sang duquel le houngan tracera une croix sur le bois.
Apres le Bon Dieu je te baptise Tu as quitté la Guinée Pour venir voir les Créoles Nous sommes contents de te voir,
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