BATEBA
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cf .dans les liens, l'album LOBI .
Les Lobis sont un peuple important de cultivateurs, qui vivent au sud-ouest du Burkina Faso, au nord de la Côte d'Ivoire, et au nord-ouest du Ghana. La population actuelle est d'environ trois à six cent mille personnes (selon les sources). Les hommes sculptent des objets en bois, forgent le fer et fondent le cuivre, pendant que les femmes fabriquent de magnifiques poteries.
Ils vivent dans de grandes maisons en pisé. Les toits sont plats et sont utilisés pour dormir et pour faire sécher les récoltes. Dans chaque foyer lobi,un ancien, exerce son autorité sur tous les membres de la famille.
Chaque cuor ou maisonnée du chef de famille comprend non seulement sa ou ses femmes, mais les fils mariés, leurs épouses, et les enfants d'où qu'ils viennent. Le cuor est subordonné à un thil, génie tutélaire invisible qui transmet ses exigences par l'intermédiaire des devins et des sorciers. C'est le thil qui dicte les interdits et exige la création d'une nouvelle figure de bois pour le sanctuaire du village ou de la maisonnée. Si l'ordre n'est pas suivi, des calamités peuvent accabler le village (épidémie, sécheresse), la faute d'un individu pouvant retomber sur la collectivité. L'homme peut avoir plusieurs thila, le premier étant le chef des
autres ; à la mort du propriétaire, il sera hérité par les fils tandis que les autres seront abandonnés (désormais vendus aux collectionneurs ou a leurs rabatteurs). Chaque maisonnée a son propre autel et ses protecteurs individuels entretenus par le chef de famille qui consulte régulièrement le devin. Les thila se comportent comme des personnes avec leurs caprices : ils peuvent exiger une chasse collective, ou bien un buur, initiation coûteuse qui se fait à l'intérieur de la maisonnée et qui nécessite l'intervention du devin.
Ces esprits transmettent aux devins (thildar) les lois que les adeptes doivent suivre pour recevoir leur protection, et ces lois religieuses constituent le ciment social de la communauté. Ces esprits sont représentés par des sculptures en bois ou en bronze, appelées des boteba (ou batéba).
les statues lobis apparaissent comme des êtres vivants qui parlent et agissent. elles sont perçues comme des êtres mi-hommes, mi-dieux. Sculptées à l'image de l'homme, elles tiennent leur caractère humain de leur morphologie et leur caractère divin de la possibilité de réaliser des actions hors des limites du génie humain. Parmi ces actions, il y a la faculté de communiquer avec des êtres invisibles, communication dont le résultat ne peut être transmis qu'au devin parce qu'il est seul capable de comprendre le verbe divin.
Ainsi, dans la divination, elles sont chargées de transmettre au devin les réponses aux questions qu'il pose à ses thila1 afin de découvrir non seulement le motif pour lequel le consultant s'est présenté à lui (ce motif n'est jamais révélé au devin ; c'est à lui de le trouver), mais encore les prescriptions destinées à résoudre le problème qui a fait l'objet de la consultation. C'est pourquoi parmi les éléments (clochette en fer, petit sac fait de la peau de la patte avant d'un fourmilier, cauris, coquillages, cailloux, etc.) qu'utilisé le devin lobi, il y a des bateba.
Outre la divination, elles assument beaucoup d'autres fonctions. Ainsi, il en existe qui assurent la fécondité des femmes ("la femme à l'enfant ) les Lobis matérialisent la fécondité en sculptant le port d'un enfant de côté au niveau de la hanche ou sur le dos (par une femme. De la même manière, la statue lobi dite "bêtise lobi" qui, par sa forme, montre une scène d'accouplement traditionnel (mise sur socle à la verticale, elle semble exprimer le côté "pervers" de l'acte sexuel car les autochtones l'accomplissent couchés et non pas debout), est une statue destinée à procurer une épouse à un homme qui éprouve des difficultés à se marier. À ces attitudes s'ajoute, par exemple, celle de "la femme aux funérailles" dont la position des bras indique le type de parenté qui la lie au défunt : lorsqu'elle pleure en étendant son bras droit, cela signifie que le défunt était un parent agnatique ; lorsque c'est le bras gauche, c'est le signe qu'elle a perdu un parent utérin. Lorsque les deux bras sont levés, il s'agit d'un parent utérin et agnatique à la fois.
Bien entendu, la forme des statues lobi ne détermine pas la fonction qui n'est pas toujours immédiatement lisible. Cependant, il est vrai qu'elle est très souvent en rapport avec la destination de la statue. Ainsi, par exemple, une statue dont le rôle est de lutter contre les sorciers en les empêchant d'entrer dans la maison, ne peut avoir le visage souriant Il en va de même pour les bateba tristes qui sont des statues propitiatoires, capables de s'approprier le malheur pour éviter aux hommes la souffrance, la tristesse ; d'où leur attitude triste.
La forme et l'expression des statues lobis n'est pas le fait d'un travail libre du sculpteur. Elles résultent de la volonté des thila. En effet, ces êtres que Dieu a envoyés pour protéger les hommes de la faim, de la maladie, de la souffrance, sont les responsables de la forme que doit prendre la statue. Ce sont eux qui, par l'intermédiaire du devin, déterminent la forme, la taille, le sexe et l'attitude de la statue à sculpter ; Ces "objets" qui vont des autels aux formes individualisées sont des «réceptacles» de forces destinées à libérer leur énergie en faveur de l'homme, cet être dont la vie n'est rien sans le concours du surnaturel
En d'autres termes, la statuaire lobi n'a d’abord de sens que par rapport à la religion comme principe organisateur de la société. l'ordre social est établi par le divin ; c'est à lui que revient l'autorité publique et familiale, autorité qui s'exprime à travers un ensemble de règles de conduite perçues par les membres de la communauté comme des "lois" dont la transgression est passible d'une "peine".
À travers la présentification et la représentation, le divin a acquis une proximité avec les humains tout en gardant quelque chose de son éloignement. Dans son inaccessibilité, il y a de l'accessible. C’est la définition de « l’aura » au sens de W.Benjamin : « l’apparition unique d’un lointain, si proche soit-il »
Cette intervention des êtres surnaturels dans la détermination de la forme de la statue nous conduit à reprendre la problématique de l’article précédent: quelle place pourrait-on accorder à la créativité du sculpteur lobi ? Si l'on admet, comme dans notre philosophie de l’art que la création s'exprime dans la liberté d'initiative et de conception individuelles comme caractéristiques de l'artiste, peut-on considérer le sculpteur lobi comme étant un artiste ?
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