Suite des articles sur WARBURG
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CI DESSOUS . KACHINA HOPI SYMBOLISANT LE "PAPILLON.
On ne sait sI Binswanger a guéri Warburg. Celui-ci est persuadé que sa guérison coïncidera avec la possibilité retrouvée de se consacrer à son travail scientifique. D'où le pari qu'il lance : pour prouver sa guérison, il demande l'autorisation de faire une conférence à la clinique, «devant un public de non-spécialistes». Il la donne avec succès le 21 avril 1923. Elle porte sur le «rituel du serpent» et exploite tout le matériau anthropologique recueilli lors de son voyage chez les Indiens HOPIS, vingt-six ans auparavant. De cette conférence, qui explore les origines du paganisme et de la magie, jusqu'aux liens avec l'art du Quattrocento, Ernst Gombrich dira qu'elle «contient en réalité la formulation la plus explicite que Warburg ait jamais donnée de ses idées» .
Peut-être la maladie mentale avait-elle donné à Aby Warburg une capacité nouvelle de scruter les abîmes des états «primitifs» dominés par la nécessité de vaincre les peurs ancestrales, connues des civilisations comme de chaque individu. Il était certain, en tout cas, qu'à les décrire, il aurait retrouvé son équilibre. S'est-il sauvé ? A-t-il guéri miraculeusement de sa schizophrénie, ou, plus certainement, de son «état mixte maniaco-dépressif» ? Il sort de la clinique le 12 août 1924. A son frère Max, il écrit : «Voilà un symptôme clair que ma nature veut encore une fois se tirer elle-même de ce marécage.»
LES HOPIS
Peuple amérindien, ces Indiens Pueblo du Sud-Ouest, également appelés Moqui, vivent dans un petit groupe de villages indépendants les uns des autres, sur ou à proximité de hautes mesas du nord-est de l'Arizona. Ces villages, ou pueblos, dans lesquels la culture hopi fut longtemps conservée pendant la période de domination espagnole puis anglo-saxonne, firent l'objet de nombreuses études d'anthropologie. Le peuple hopi comprend l'unique branche du groupe linguistique shoshone qui ait réussi à s'adapter à la vie dans les pueblos. Dans leurs traditions, leur organisation sociale et leurs coutumes, les Hopi sont très semblables aux autres Amérindiens Pueblos, et à l'époque actuelle, leur culture est bien mieux préservée que celle des peuples vivant le long du Rio Grande. Les Hopi cultivent du maïs, des haricots, des courges ainsi que quelques fruits. Ils fabriquent aussi des paniers et des couvertures, et sont d'habiles potiers et sculpteurs. Les maisons hopis, construites par les femmes, sont faites de pierres grossièrement taillées et posées à sec, et sont finies avec un enduit au plâtre. Les plafonds, soutenus par des poutres et des mâts entrecroisés, se composent d'un mélange compressé de branchages et d'argile. Les sols sont parfois dallés et les murs intérieurs sont généralement blanchis au gypse, et parfois décorés de bandes géométriques simples. Dans les anciennes maisons hopi, les portes, qui étaient les seules sources de lumière, étaient parfois creusées en forme de T. Les maisons modernes possèdent généralement des fenêtres avec des vitres de verre et des portes avec des charnières
Les Hopis prétendent avoir été les premiers habitants de l'Amérique, et sans aucun doute leur village principal, Oraibi, est le plus vieil habitat occupé en permanence aux États-Unis. Tel la plupart des villages hopis, il est placé sur un escarpement rocheux dominant d'environ 200 m une haute plaine désertique. Il y a trois « Mesas » ou Plateaux hopis, et sur le Premier, à l'est, ont été construits les villages de Hano, Sichomovi, et Walpi ; sur le Second Plateau, au centre, sont groupés les villages de Mishongnovi, Shipaulovi, et Shongopovi ; et sur le Troisième Plateau, à l'ouest, sont disséminés les villages d'Oraibi, d'Hotevilla, et de Bakavi ; 80 km plus à l'ouest, il y a dans une vallée encaissée le village de Moencopi.
Dans cette plaine aride, élevée, couvrant partiellement les États de l'Arizona, du Nouveau-Mexique, du Colorado, et de l'Utah, l'endroit le plus inhospitalier est la Réserve indienne hopi, environ 10 000 km2, complètement encadrés par les immensités sauvages des 64 000 km2 de la Réserve indienne navajo. Là les hommes ont à parcourir chaque jour environ 15 km pour aller cultiver leurs petits champs de maïs pendant que les femmes, les jarres d'eau sur la tête, sans cesse gravissaient les falaises conduisant aux villages. Depuis des temps immémoriaux le centre désertique de ce continent a été leur pays.
LES DANSES KACHINAS : le mythe
http://fr.wikipedia.org/wiki/Kachinas
Pour bien comprendre le kachina, il faut mieux connaître la cosmographie et la cosmologie hopis. Cette planète terre est le quatrième des mondes matériels dans lesquels l'homme a vécu. Il y en eut trois ; il y en aura trois. Ce monde a son propre soleil, sa lune, et ses satellites, le tout étant un petit système solaire Mais Au-delà de notre univers minuscule, nous pouvons voir dans cet espace infini les grandes constellations formant six autres univers, ou six autres systèmes solaires, constituant les étapes de notre "Route de Vie".
Les hopis ont en effet établis une théorie particulière de l'existence, sans doute inspirée par leur environnement à la fois grandiose et hostile. Selon un principe de réciprocité universelle, les éléments du cosmos sont unis entre eux et interdépendants. En vivant en harmonie avec l'univers par le respect des rites ancestraux, l'individu permet le parfait fonctionnement de l'univers. Par ses "bonnes pensées", il influencera positivement le cours des évènements et favorisera non seulement l'harmonie cosmique mais aussi la vie de son peuple, le succès des récoltes, les cycles de reproduction.
Le culte des ancêtres et de leurs esprits est particulièrement important. Les Hopis croient en une vie post-mortem. Selon eux, l'esprit du défunt quitte son enveloppe charnelle au bout de 4 jours et se rend dans le "Monde d'En Bas", pour une nouvelle vie, semblable à celle connue sur terre, mais en ordre inversé. En suite le défunt renaîtra sous une forme éthérée, un esprit qui viendra rendre visite aux vivants. Selon le mythe originel, les Hopis, pour venir sur terre traversèrent quatre mondes souterrains.
Lors des rites funéraires, le défunt, dont le visage est recouvert d'un masque, est congédié par ces mots : "Tu n'es plus un Hopi, tu es devenu un kachina, Reviens-nous sous forme de nuages"
Chaque festivité est associée à une Kiwa et à un clan qui accomplissent les rituels pour le bien de tout le peuple hopi. Un calendrier élaboré selon les positions solaires et lunaires fixe pour chaque année les cérémonies qu'elles soient secrètes ou publiques. Elles ont lieu dans les kivas et durent de 9 à 17 jours. Prières, offrandes, chants et danses se succèdent.
Parmi les cérémonies importantes, l'entrée du jeune homme dans une kiva qui permet de renouer le contact avec les habitants de la terre et ceux des mondes souterrains, le rituel du Feu Nouveau qui ouvre les festivités Kachinas à chaque automne, les fêtes Flûte et Serpent en août qui célèbre les moissons et est aussi l'occasion d'une spectaculaire danse de clotûre.
Toutes ces cérémonies participent à la protection des Hopis. Mais le culte le plus important, respecté par tous les hopis est celui des Kachinas, auquel tous les enfants sont initiés dès l'âge de 7 ans. Le mot kachina désigne tout à la fois, les Esprits, les hommes qui les personnifient, et les poupées sculptées les représentant.
Les Hopis disent que les kachinas vivent au sommet des Pics San Francisco. Ils viennent dans les villages chaque hiver au milieu de l'été. En fait, ils pensent que les kachinas viennent de bien loin, des plus proches étoiles, de constellations trop lointaines pour être visibles, et même de mystérieux mondes spirituels.
Des quatre coins de l'Univers :
De l'Est, car le rouge est sa couleur ;
Du Nord, car le blanc est sa couleur ;
De l'Ouest, car le jaune est sa couleur ;
Du Sud, car le bleu est sa couleur ;
Dans le sens inverse du mouvement de Tawa Taka, le
Soleil Père,
Vinrent les quatre races de couleur différente de l'humanité, chacune avec ses chefs, chacune avec sa destinée. D'abord elles se combattront, suivant la prophétie, mais un jour elles seront unies.
Alors les hommes se souviendront que Taiowa est leur Père Esprit ; que Sotuknang est leur Père adoptif ; et que Femme-Araignée est la matrice qui tous les unit.
De nombreuses tribus amérindiennes ont un mythe de l’émergence : entrée dans l’histoire de l’homo sapiens( le lieu mythique serait le grand canyon ). De manière symbolique, dans chaque kiwa(chambre de culte souterraine) une petite ouverture au centre est un rappel de l’ouverture originelle.
Le mythe hopi de la création peut, ou non, être considéré comme un récit d'événements préhistoriques, mais, c’est un d’abord un drame cosmique : un univers aux mondes multiples avec ses grands cataclysmes géologiques.un drame à valeur mystique et morale.. L'homme est créé parfait, à l'image de son Créateur. Puis « fermant la porte » — c'est-à-dire de l'état de grâce se laissant aller à l'expression naturelle de sa propre volonté humaine — il entreprend une très lente ascension vers le retour à la perfection. Il a en lui plusieurs centres psychiques, et à chaque étape de son évolution l'un d'eux a un rôle prédominant. Pour chacune de ces étapes, un monde nouveau, adapté au développement du corps humain est créé pour lui permettre d'évoluer. Lorsqu'une période de développement s'achève par une destruction catastrophique du monde et de l'humanité, l'homme passe à l'étape suivante. sur cette route de vie, qu’il suit de sa propre volonté , bonne ou mauvaise, il pourra découvrir ce qu’il est (partie finie de l’infini.)
L'homme, à chaque émergence, recommence dans la pureté. Mais le monde nouveau se corrompt par le mal et il doit être détruit. L'homme alors émerge dans le monde suivant. Il s'agit d'une longue et lente route sur laquelle péniblement et sans répit l'homme s'avance.
Celui qui observe la loi des lois et se conforme à l'image pure et parfaite établi par le Créateur devient à sa mort un kachina. Immédiatement, il accède au monde suivant, sans avoir à passer difficilement au travers des mondes intermédiaires, en quelque sorte des étapes sur le chemin de la vie. De là, après un voyage dans les vastes immensités de l'espace interstellaire, il vient périodiquement avec tous les kachinas des autres formes de vie pour aider l'homme dans la poursuite de son voyage évolutionnaire.
Au-delà de ces sept univers, dont chacun constitue une étape importante dans l'évolution sur la Route de Vie, il y a deux autres univers auxquels l'homme n'a pas accès.
Les kachinas n'étant pas exactement des divinités n'en sont pas moins des esprits respectés, ainsi que leur nom même l'exprime (ka : respect, china : esprit). Ils sont esprits des morts, esprits des minéraux, esprits des plantes, esprits des oiseaux, esprits des nuages, esprits des autres planètes, et même esprits des étoiles qui ne sont pas encore connues ou visibles dans notre ciel. En fait ils sont les esprits de toutes les forces invisibles de la vie. Ils peuvent être invoqués . Il leur est alors demandé de faire usage de leurs pouvoirs bienfaisants pour permettre à l'homme de poursuivre son voyage éternel. Ils ne sont pas des dieux, mais des intermédiaires et des messagers. Leur rôle principal est de provoquer la pluie, de rendre les récoltes fructueuses et d'assurer la continuité de la vie.
Il y plus d'un demi-siècle, J. W. Fewkes en identifiait 220. Leur nombre, d'après les anthropologues, serait d'au moins 335. En fait, ils apparaissent et disparaissent aux flux et reflux du temps, telle la vie elle-même, et leur nombre est aussi grand que leurs formes sont infinies. A coté des esprits immuables comme ceux de la pluie par exemple, de nouveaux personnages sont créés à chaque saison.
Leur forme est physique seulement pendant les six mois où ils vivent sur cette terre. Les hommes qui les personnifient sont aussi des kachinas car ils perdent leur propre personnalité tout en devenant imbus de l'esprit de leur modèle. Pendant ce temps-là, ils doivent être irréprochables, chastes, ayant aussi peu de contact que possible avec les Blancs, ne se disputant pas et n'ayant que de bonnes pensées. Si l'un d'eux trébuche ou tombe en dansant, sa faiblesse n'est pas seulement révélée ; il cause ainsi l'annulation de la cérémonie. Une des conséquences peut être la sécheresse.
Les masques des principaux kachinas sont imprégnés de pouvoirs spirituels, et le droit du port est héréditaire. Ils sont décorés selon un rite et ils bénéficient du soin donné au objets les plus précieux. La renommée de l’un d’en eux repose sur l'élégance de son costume, la grâce de sa danse, et la beauté de son chant A la mort du propriétaire le masque est enterré car son pouvoir surnaturel doit retourner d'où il vient. Les Tuvi'ku, les masques, sont de 5 types : masque facial, demi masque, masque rond fait en vannerie, masque sac, masque heaume en peu de daim ou de bison. Les masques sont entretenus, repeints et redécorés chaque année. Le danseur revêt aussi un costume spécifique et son torse est orné de peintures rituelles.
Les statuettes données aux enfants pour représenter les participants aux cérémonies sont soigneusement sculptées dans une racine de peuplier et décorées de manière très exacte. Mais ce ne sont que des « poupées », nommées kachinas, servant uniquement à familiariser l'enfant avec les masques, les costumes, et les noms des vrais kachinas. Elles n'ont aucun pouvoir spirituel. L'enfant doit les connaître car à six ou huit ans il sera initié dans l'une des sociétés Powamu ou Kachina.
Pendant 6 mois, les cérémonies kachinas vont se succéder, avec des temps forts, comme la célébration du solstice d'hiver, le Powamun ou fête-du-haricot où sont plantées des graines de maïs, suivie d'une procession et de danses.
Le Niman ou "Danse du retour" clôt la saison. Pour l'occasion les plus beaux masques, fraîchement décorés et peints de couleurs éclatantes dansent toute la journée, avant de raccompagner les kachinas vers le pic de San Francisco Plus aucun masque ne sortira mais, en souvenir de cette période, les poupées kachinas orneront les autels de kivas et murs des habitations.
Texte de warburG extrait de la conférence de 1923.LE RITUEL DU SERPENT(eds.MACULA.)
« C'est à partir de là que je pus faire mes véritables excursions vers les villages troglodytiques situés sur trois plateaux rocheux qui s'étendent parallèlement, du nord au sud. Je vis d'abord le curieux village de Walpi. Avec ses maisons en gradins, il occupe une position romantique sur une crête rocheuse, comme une masse de pierre empilée sur des rochers
Oraibi, où je pus observer la danse humiskatcina, a une situation d'ensemble tout à fait comparable. En haut, sur la place du marché de ce village troglodytique, où le vieillard aveugle est assis avec sa)y on a arrangé un lieu de danse. Cette danse humiskatcina est la danse de la croissance du maïs. La veille de la danse à proprement parler, j'étais dans la kiway où ont lieu les cérémonies secrètes. Il n'y avait pas d'autel à fétiches. Les Indiens étaient simplement assis là et se livraient au cérémonial du tabac. De temps en temps on voyait apparaître en haut de l'échelle une paire de jambes brunes, suivies par l'homme tout entier.
Les jeunes gens étaient occupés à peindre leurs masques pour le lendemain. Ils réutilisent indéfiniment ces grands casques de cuir, car il serait trop onéreux de s'en procurer de neufs. Cette peinture se faisait ainsi : ils prenaient de l'eau dans la bouche, la projetaient sur le masque de cuir où ils écrasaient les couleurs.
Le lendemain matin le public tout entier, parmi lequel deux groupes d'enfants, était déjà sur le mur La relation des Indiens avec les enfants est extraordinairement attachante. Ils sont élevés avec beaucoup de tendresse, mais très correctement, et ils sont très serviables quand on a quelque peu gagné leur confiance. Les enfants étaient donc rassemblés sur la place du marché, graves et attentifs. Car ces danseurs, avec leur tête factice, leur inspirent une terreur d'autant plus grande qu'ils connaissent déjà ces masques sous forme de poupées, immobiles et très effrayantes). Qui sait si à l'origine nos poupées n'étaient pas, elles aussi, des démons de ce genre ?
La danse fut exécutée par environ vingt à trente hommes et environ dix danseurs féminins, c'est-à-dire des hommes qui représentaient des figures féminines. Cinq hommes constituent la tête du dispositif chorégraphique sur deux rangées. Bien que la danse se déroule sur le marché, ils ont un point fixe architectonique : le petit édifice de pierre devant lequel on a planté un conifère nain auquel on a accroché des plumes). C'est un petit temple, devant lequel on implore une divinité par la danse des masques et les chants qui l'accompagnent. De toute évidence, le culte émane de ce petit temple, qui en est le centre.
Le masque des danseurs est vert et rouge, traversé en diagonale par une bande blanche, sur laquelle sont alignés trois points blancs. Ce sont, à ce qu'on m'a dit, les gouttes de pluie, et la symbolique du casque représente encore une fois le cosmos étage, avec le dispensateur de pluie, toujours caractérisé par des nuages semi-sphériques d'où partent des traits brefs .
Ce même symbolisme se retrouve sur les bandes tissées qui enveloppent les corps : des ornements rouges ou verts sur fond blanc, au tissage très délicat. Les danseurs masculins ont à la main un instrument de musique, une sorte de grelot fait d'une courge évidée emplie de cailloux . Et leurs genoux portent une carapace de tortue d'où pendent des cailloux, de sorte que les genoux produisent le même cliquetis.
Le chœur exécute deux actions différentes. Ou bien les jeunes filles sont assises devant les hommes et jouent leur musique sur des crécelles avec un bout de bois, tandis que les hommes exécutent une figure chorégraphique qui consiste simplement à tourner sur eux-mêmes l'un après l'autre; ou bien les femmes se lèvent et accompagnent les mouvements des hommes pendant qu'ils tournoient ainsi. Deux prêtres étaient occupés à répandre sur eux de la farine consacrée.
Le costume de danse des femmes consiste en une étoffe qui enveloppe entièrement la silhouette, ne serait-ce que pour ne pas montrer que ce sont des hommes. Le masque porte en haut sur les côtés cet étrange ornement de coiffure en forme de fleur de courge qui est la parure spécifique des jeunes filles pueblos; des crins de cheval teints en rouge pendent des masques et symbolisent la pluie. Sur les fichus et les bandeaux on retrouve la même ornementation relative au thème de la pluie.
Pendant la danse, un prêtre saupoudre les danseurs de farine sacrée ; ils sont alors constamment reliés au petit temple par la tête de la formation chorégraphique. La danse dure depuis le matin jusqu'au soir. Durant les intervalles les Indiens sortent du village pour se rendre sur une avancée de rocher et s'y reposent un moment). Quiconque voit un danseur sans masque, meurt.
Le petit temple est le véritable pivot des figures chorégraphiques. C'est un arbuste auquel on a accroché des plumes. C'est ce qu'on appelle les nakwakwocis. J'avais été frappé de la petite taille de l'arbre. J'allai trouver le vieux chef, qui était assis au bout de la place, et je lui demandai pourquoi l'arbre était si petit. Il me répondit : « Autrefois nous avions un grand arbre, maintenant nous en avons pris un petit, parce que l'âme de l'enfant est petite. »
Nous sommes donc ici dans le domaine du culte de l'arbre et des âmes sous sa forme achevée, tel que nous le connaissons depuis les travaux de Mannhardt ; on le trouve de façon continue dans le paganisme européen, et il a survécu dans les coutumes actuelles qui accompagnent les récoltes ; c'est une pensée religieuse des peuples primitifs, propre à l'espèce humaine. Il s'agit d'établir entre la force de la nature et l'homme une connexion, c'est-à-dire le symbolon, l'élément de liaison, l'acte magique qui établit des liens concrets — en déléguant un médiateur, dans ce cas un arbre, plus proche de la terre que l'être humain parce qu'il s'enracine en elle. Cet arbre est le médiateur donné, qui conduit vers le monde souterrain.
Le lendemain on porte les plumes en bas dans la vallée, près d'une certaine source : on les plante ou on les suspend comme des offrandes votives. Elles sont censées exprimer la prière de fécondité, afin que le grain de maïs devienne gros et large.
[Les clowns]
En fin d'après-midi les danseurs étaient revenus, infatigables, avec leur gravité solennelle, exécutant leurs mouvements de danse monotones.
Mais lorsque le soleil fut sur le point de se coucher, nous eûmes l'occasion d'assister à un spectacle surprenant qui nous montra, avec une clarté impressionnante, combien cette sérénité silencieuse et solennelle tire ses formes cultuelles magiques du fonds originel de l'humanité élémentaire. Ce qui montre bien que notre habitude trop facile et restrictive de ne voir dans ces cérémonies que le processus spirituel est une méthode d'explication partielle et beaucoup trop pauvre.
Nous vîmes apparaître six figures, trois d'entre elles enduites d'argile jaune, des hommes presque entièrement nus, leurs cheveux attachés pour former une corne. Ils n'étaient vêtus que d'un pagne. Puis trois hommes en costume de femme. Et tandis que le chœur et ses prêtres continuaient tranquillement à exécuter leurs mouvements chorégraphiques sans se laisser déranger dans leur recueillement, ils exécutèrent une parodie extrêmement grossière des mouvements du chœur, mais qui ne faisait rire personne. Cette grossière parodie n'était pas perçue comme une dérision comique, mais plutôt comme une sorte de renfort apporté par ces clowns déchaînés pour obtenir une année de récoltes fécondes .
Pour peu que l’on connaisse un peu la tragédie antique, on retrouvera ici la dualité du chœur tragique et du jeu satyrique, « greffés sur une seule branche ». Le cycle de la vie et de la mort de la nature apparaît dans les symboles anthropomorphiques - non pas dans un dessin, mais dans la danse magique qui est véritablement vécue de façon dramatique.
Les [anciennes] cérémonies religieuses mexicaines montraient sous une forme terriblement poignante l'essence de la pratique consistant à se glisser par magie dans l'essence de la divinité pour s'approprier une part de sa force surhumaine. Au cours d'une fête, une femme représentant la divinité du maïs est vénérée pendant quarante jours comme une déesse, puis elle est sacrifiée, et le prêtre se glisse dans la peau de cette pauvre créature.
Tout ce que nous avons observé chez les Pueblos présente certes quelques affinités avec cette tentative insensée, très grossière, pour approcher la divinité ; mais sous une forme infiniment raffinée, sans que l’on ait à vrai dire la garantie qu'en secret ce culte ne se nourrisse encore de ces racines sanglantes. Après tout, la terre qui porte les Pueblos a également été le théâtre des danses guerrières des Indiens nomades sauvages et de leurs actes de cruauté, qui culminaient dans le martyre de leurs ennemis. »
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