Dans les articles précédents, on a pu voir que toute dénomination (dont celle d’art premier) était une appropriation dominatrice dans une histoire des objets qui est celle de leur exposition et de leur interprétation.
Devenus sémiophores (successivement reliques, antiquités,merveilles ou œuvres d’art) ils sont pourvus d’une symbolique renvoyant à des valeurs parfois contradictoires.
Ainsi les objets « premiers », ethniques, objets de culte dans leur culture, puis objets ethnologiques dans les notre, au terme d’une collecte s’apparentant au pillage, tendent à devenir désormais œuvres d’art par leur entrée dans des institutions muséales prestigieuses .Les cultures dont ils sont issus paraissent donc bénéficier d’une reconnaissance définitive et échapper à l’ethnocentrisme.
La problématique abordé ici consiste justement à examiner si il n’y a pas un impensé ethnocentrique dans la notion même d’arts premiers et de chefs d’œuvre.
D’abord, parce comme on a pu le montrer, depuis « les gestes » de Duchamp et d’Andy Wahrol, c’est moins les qualités esthétiques propres de l’objet qui font l’œuvre d’art que son entrée dans un monde de l’art préexistant (musée, collections, expositions) qui lui donne signification et valeur (d’exposition).Les arts premiers ont ainsi été promus d’abord par nos artistes, puis par les collectionneurs et marchands sans compter le pouvoir politique toujours présent dans l’histoire des sémiophores. Ensuite, l’esthétisation de ces objets, leur présentation propre à susciter l’émotion esthétique d’un connaisseur, ne sont ils pas une alchimie réductrice qui méconnaît justement et une fois de plus les valeurs esthétiques de ces cultures.
Il y a une approche de la beauté (voire un culte chez les Navajo par exemple) dans les sociétés concernées mais celle-ci n’a rien à voir avec nos valeurs de contemplation pure ; il s’agit d’une beauté en acte, souvent éphémère,liée nécessairement à d’autres valeurs comme la santé,le culte, les ancêtres ,dans tous les cas une beauté agissante ,
La reconnaissance d’une culture au delà de toute forme d’ethnocentrisme ne conduit elle pas à prendre en compte et à respecter cette pensée indigène ?:
Chez les peuples sans écriture, ces objets « premiers » n'étaient pas d’abord tenus pour des " oeuvres" au sens où nous l'entendons. Habituellement, en dehors de certains travaux d'orfèvrerie ou d'ornementation dans les cours royales, ils n'étaient pas destinés à une pure contemplation. Les masques recueillis et montrés dans les musées occidentaux sans leurs attributs traditionnels (masque s’étend au feuillage qui recouvre le corps) ont été privés de toutes les vertus qu'ils étaient censés posséder dans les sociétés dites « primitives ». L'œil des Occidentaux n'est plus appelé à s'extasier que sur les qualités plastiques du bois sculpté.
Selon les ethnologues africains, comme roger some les peuples d'Afrique noire se refusent toujours à voir dans les statues, les masques, les objets sculptés, des « oeuvres » à exposer dans les musées, ce qui, explique ainsi la rareté des visiteurs dans les expositions qu'organisent les plus grandes villes africaines.
Dans l'impossibilité de tenir tous ces objets pour des « œuvres d'art », les populations des sociétés dites « primitives » n'avaient pas conscience de posséder des « artistes ». Ce qu'il leur fallait, c'étaient des artisans compétents, capables de répondre à leurs besoins et à leurs commandes. Elles les formaient à cet effet, par un système de maîtres et d'élèves. Certains, se révélant souvent meilleurs que d'autres, plus doués, finissaient par disposer de privilèges, travaillant auprès des hauts dignitaires et acquérant un pouvoir de magiciens, d'intermédiaires entre le visible et l'invisible. C’étaient moins des créateurs en notre sens, que « des passeurs de monde »Il leur était alors permis de prendre quelques libertés avec le symbolisme figuratif qui leur avait été transmis par la tradition, mais sans la démesure créatrice,qu’ont cru trouver le « primitivisme » et le surréalisme.
S’il y a bien excès, démesure, elle est moins dans l’objet sculpté que dans la parure, la « charge magique » mais surtout la fête (musique, danse, transe) qui accompagne sa sortie.
Souvent les producteurs des objets sont demeurés (parfois par une opération de méconnaissance volontaire) inconnus en Occident. Ils n'ont pas signé leurs productions. Celles-ci n'ont été répertoriées dans les musées d'ethnographie et chez les marchands d'art que sous le nom de la région ou de la tribu dont ils provenaient. Ces objets n'étaient que des ustensiles courants, ou bien ils étaient à usage religieux. Leur fabrication était intégrée à l'ensemble des valeurs sociales : ils servaient à des cérémonies publiques, à des rituels, au culte des ancêtres. A travers ceux qui les fabriquaient, c'était la société elle-même qui s'exprimait. Les signer aurait été considéré comme une hérésie.
Qu'en est-il donc par exemple des masques, donnés à percevoir, chez les collectionneurs ou dans les musées, comme des sculptures sous vitrine ? Dans la tradition africaine, ils ne sont que des accessoires de danses et de costumes. Leur fabrication, le plus souvent, est soumise à l'ensemble d'un cérémonial où la communauté est impliquée. Tout d'abord, une croyance, celle que l'esprit des végétaux est doté d'une éternelle survie, conduit à préférer le bois à toute autre matière. Ce bois est rituellement choisi et coupé. Puis le sculpteur se voit imposer plusieurs journées de jeune. Quand il commence son travail, une défense rigoureuse d'approcher de son atelier est instaurée jusqu'à ce qu'il ait terminé. Le but est de faciliter son inspiration suprême, afin qu'il parvienne à la création la plus haute : réaliser une image à travers laquelle tout le monde percevra le sacré, c'est-à-dire les esprits, ou l'esprit des ancêtres. Masques de guerre à figures de bêtes fauves, masques d'initiation appelés à inspirer le respect, masques destinés à se concilier certaines forces néfastes : ils ont tous un sens et ils accompagnent des danses d'exorcisme. À partir du moment où l'officiant porte un masque avec le travestissement adéquat qui le complète, il perd sa propre personnalité, il n'est plus que l'incarnation de l'esprit qui est en lui. Ce sont les entreprises coloniales , la valorisation ethnologique , le tourisme désormais ,qui ont modifié les rapports des indigènes à tous ces objets, comme ont peut le montrer sur l’exemple des masques dogon (voir les articles concernés).
Ce sont andré malraux , claude roy et j kerchache qui ont théorisé l’esthétique récente des arts premiers qui fait du musée le détenteur de toute gloire, le lieu d'une véritable consécration
« Les idoles, écrit Malraux deviennent des œuvres d'art en changeant de référence, en entrant dans le monde de l’art que nulle civilisation ne connut avant la nôtre». L'entrée dans l'espace de l'art, c'est-à-dire, très concrètement, dans l'espace du musée, ne dégraderait pas une œuvre, elle la ressusciterait et l'élèverait au contraire au statut d'œuvre d'art, elle provoquerait donc une métamorphose accomplissant ce qui, en elle, était en puissance : elle deviendrait alors œuvre d'art en échappant à son temps et à ses créateurs qui n'en comprenaient pas vraiment le sens, elle transcenderait ses limites culturelles pour acquérir une pleine universalité. En nous permettant d'accommoder notre vue sur l'essentiel, en éliminant toute contingence et en nous libérant de ces « idées » avec lesquelles nous appréhendons les choses, elle nous feraitvoir ce que nul n'avait vu jusqu'ici. « Sans la réduction de l'ancêtre africain à la statue nous ne verrions pas la statue, seulement ce qu'elle représente».si en effet bien souvent nous ne savons rien des cultures, rien des génies, rien des espèces de dieux qui ont produit telle ou telle idole, cela ne nous empêcherait pas de vibrer et d'être ému, bien au contraire ! Car le musée la délivre de tout ce qui n'était pas elle en la révélant comme pure forme indépendamment de la fonction qu'elle pouvait revêtir, si bien que l'on peut dire que chaque œuvre n'est pleinement elle-même qu'au sein du musée imaginaire
Pour reprendre un vocabulaire du sacré, (le notre se réduit justement à l’art de nos temples/musées) c’était semble t’il délivrance ou rédemption qu'accomplissaient les missions occidentales, puisque pour la première fois elles ont fait entrer au musée les arts les plus étrangers à notre propre tradition. Ce ne serait que dans le silence des musées et sous le feu de leurs projecteurs que masques et statuettes surgiraient vraiment, dans leur splendeur sacrée, comme des apparitions saisissantes, immobiles et soudaines. Dans ce cas de figure, les informations ne sont jamais qu'un écran entre les œuvres d'art et la fraîcheur de notre sensibilité.
« Avant de vous exprimer, ecrivait J.kerchache, ne cherchez ni la signature ni la date. Attitude - que stigmatise J.-M. Drot - de la pensée systématique, étiqueteuse du monde occidental. Les sculptures africaines ne portent pas de signature et sont hors de notre chronologie. Retenez avec votre œil ».
Dans cette optique, le collectionneur, bien loin d'être simplement un maniaque, un pervers serait celui qui rêverait d'un monde où, comme le dit Benjamin, «la corvée d'être utile (serait) épargnée aux choses». En collectionnant les œuvres il les reconnaîtrait, pour la première fois, comme bonnes à rien, c'est-à-dire comme ayant, simplement, une valeur en soi. La collection aurait donc bien un caractère quasiment et paradoxalement « fétiche ». Avec elle, à la valeur cultuelle se serait substituée la valeur d'authenticité qui en serait la sécularisation.
P. Rivet en 1938 fondateur du musée de l’homme voulait, au contraire,éviter aux objets de devenir des aérolithes étranges et détachés de tout .où ils seraient isolées, soclés, éclairées, astiquées intégrées à une certaine idée de l'art inventé par les Grecs ; Quand le cultuel enraciné dans un temps et dans un lieu, fondé sur le rituel, se dégrade en culturel, quand la valeur d'exposition devient prépondérante, elle dépouille l'objet, disait Benjamin, de son aura, apparition unique d'un lointain qui excède et brûle le caractère d'image. L'objet cultuel n'est pas exposé, on le soustrait aux regards pour préserver sa force car son pouvoir est d'autant plus grand qu'il se donne moins à voir. On le laisse reposer dans le secret de la maison ou au fond du bois sacré, on le promène, on le vêt, le dévêt, on le lave. Son efficacité magique dépend de son occultation, son aura est relative à ce jeu entre le don et le retrait, la manifestation et la révélation. Ce n'est pas « de l'art», ce n’est pas une fiction c'est une idole (nos missionnaires en étaient très conscients qui ont fait brûler des bois sacrés Senoufo pour cette raison) qui actualise une modalité du divin, qui présentifie des puissances. Bien loin de représenter le monde humain, l'idole étrange et primitive vaut par sa matière plus que par sa forme, elle est présence et non représentation (Vernant, 1983).
L’esthétisation risque paradoxalement de porter à sa perfection le mouvement d'annexion et de réduction propre au 19ème et risque bien de finir par perdre ce qu'il prétend sauver. Car comment un fétiche à clous pourrait-il jamais devenir une •simple «statue»? L'artiste africain, disait Frobénius, est l'officiant d'un culte qui répond au mystère de la mort. Ces fétiches, aujourd'hui, sont devenus silencieux.
Le conflit entre esthétique et ethnologie reste dévastateur : comment pourrait-on en faire abstraction du contexte de production (ne définit il pas également chez nous l’œuvre d’art, comme la montré Danto dans son analyse de la chute d’icare) Sans doute la fonction ne détermine pas entièrement les caractères d'un masque ou d'une statue, il y a toujours un certain jeu entre la forme et la fonction mais, généralement, le «meilleur» masque est généralement le plus efficace et cette efficacité provient à l'inverse de la plénitude de son style.
On se trompe sur la valeur d’usage en la réduisant à une simple fonction utilitaire pour mieux en consacrer la valeur d’exposition. Le masque a sans doute une valeur d'usage puisqu'en un sens il était utile, mais cette utilité ne renvoyait pas à un profit mais à une dépense, elle faisait partie d'une économie de fête. L'art africain, ici, est en effet un art total, il est toujours intégré à la performance qu'est la fête, à un acte, un rituel ou une cérémonie. C'est donc un art qui modifie la vie, qui est au-delà des œuvres d'art et qui renvoie à une économie sacrificielle et à cette violence qui est au cœur du sacré. Il y a donc d'une opposition plus radicale, opposition de deux économies: une économie usuraire de conservation et une économie sacrificielle.
« L'entrée dans l'espace apollinien du musée, écrit Francois Wautrin répond sans doute à une modification de notre regard désormais libéré de la croyance. Mais ces « choses belles ici savamment assemblées » n'étaient pas faites pour être vues par les hommes mais par les dieux; enfants de la peur et de la nécessité, elles venaient hanter les vivants et faisaient partie du monde dionysiaque et cultuel de la vie des corps. Elles sont maintenant, par un jeu d'idéalisation et de transposition, dépouillées de leur aura, mises en cage derrière des vitrines, objets de délectation à l'intention des esthètes: des objets de plaisir esthétique après avoir été des objets de spéculation »-
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Dans son étude des masques sulka de Papouasie, Monique Jeudy-Ballini montre que La fabrication de ceux ci impose à ceux qui s’y livrent un certain nombre d’interdits sexuels et alimentaires renvoyant au double souci de préserver les hommes de toute contamination par les objets rituels et de préserver ces objets de toute contamination par les hommes. On suppose au masque , à sa beauté (éclat,brillance lumière)un « pouvoir » , une « chaleur » (manakaen) qui rend le contact avecl ui dangereux s’il n’est pas neutralisé par les magies appropriées. C’est pourquoi (à l’inverse du prix de nos entrées de musées ou du prix d’achat d’objets de collection) ce sont les spectateurs « pris » par l’émotion esthétique qu’il faut au contraire dédommager pour la violation subie : A la force polluante des masques on attribue notamment les fausses couches, les malformations congénitales, les jaunisses et les affections des voies respiratoires. Mais ces objets redoutables apparaissent en même temps éminemment fragiles, puisque si un homme peut contaminer sa femme après avoir omis de se purifier du contact avec un masque, il risque en retour d’endommager définitivement ce masque après avoir omis de se purifier de rapports sexuels avec elle.
Chez les humains des deux sexes, les principaux canons esthétiques se définissent comme une peau saine, une carnation peu foncée, un nez droit et une robustesse physique faisant légèrement saillir la chair autour des bracelets enserrant bras ou mollets. Pour un homme et une femme, une manière usuelle de rehausser son apparence consiste à s’oindre le corps de substances oléagineuses et à se frictionner avec des herbes odoriférantes. On attribue à l’acte de s’embellir un effet régénérateur revivifiant pour le corps,; la capacité d’embellissement n’est donc jamais elle-même qu’une manifestation de santé et de bonne condition morale.
Il s’agit d’une beauté totale qui intègre d’autres valeurs qui transcende l'esthétique stricte ; se lient, par exemple,esthétique et jardinage :
différentes sortes d’herbes aromatiques, et de cordylines sont plantées dans les essarts pour garantir et protéger magiquement la croissance des cultures vivrières. Des chants correspondant à d’anciennes magies de jardinage et réalisés de nos jours au cours des cérémonies disent l’émotion éprouvée à la contemplation de ces plantes quand le soleil avive leurs couleurs par transparence ou qu’un vent léger les met en mouvement. Leur présence éclatante, la puissance de leurs effluves, la répartition équilibrée des cultures, la disposition soignée des plantations ou les effets visuels jouant sur les teintes et les formes de leur feuillage attestent déjà de la fertilité de la terre. Il faut qu’un jardin soit beau pour être fertile, mais il n’est beau que pour autant qu’il est fertile. Dans les représentations locales, un rapport de solidarité absolue fait de la beauté et de la fertilité deux conditions nécessaires l’une à l’autre. L’aspect des choses laisse préjuger de leur qualité interne et, plus encore, l’authentifie. » La beauté n’est jamais trompeuse. Nulle contradiction, par conséquent, entre réalité sensible et réalité non perceptible : l’apparence renseigne sur l’essence et tout ce qu’on dit « beau » (ayar) s’entend par définition comme bon, sain, apte, conforme ou efficace »...
« La beauté ne se pense qu’en termes d’emprise. Les femmes, les enfants et ceux des hommes initiés n’ayant pas participé à la construction des masques n’ont révélation de leur aspect qu’au moment des cérémonies. On dit que ce jour-là ce sont les femmes qui, par la puissance et la beauté irrésistibles de leurs chants, les poussent à sortir de la forêt et les « tirent » jusqu’au village où leur apparition éclatante fait l’effet d’un soudain « embrasement »
Il semble important d'admettre que le bagage culturel qui informe notre regard devant une œuvre d'art comporte une dimension esthétique. Confrontés à des formes d'art inconnues, nous avons donc besoin d'en savoir plus non seulement sur l'environnement socio-économique, rituel et symbolique, mais aussi sur le cadre esthétique - c'est-à-dire les idées sur la forme, la ligne, l'équilibre, la couleur, la symétrie, etc., qui ont contribué à sa création. Car la documentation sur l'art du monde entier montre à l'évidence que les objectifs esthétiques des créateurs et des critiques sont tout sauf universels : examiner un masque africain avec les critères esthétiques de notre culture revient en gros à appliquer à un tableau de Mirô les critères esthétiques de Michel-Ange. L'existence de connaissances et de perspectives culturelles communes aux amateurs d'art Occidentaux participe de l'illusion que c'est la qualité esthétique, pure et inaltérée qu'ils
apprécient dans une œuvre d'art. Quand les connaissances et les perspectives culturelles sont implicites et non explicites, les jugements esthétiques prennent une aura d'autorité qui paraît éternelle, mais qui n’est qu’un impensé ethnocentrique : Ce contexte favorise l'émergence de ce que Gary Schwartz a appelé « l'axiome selon lequel l'œuvre elle-même est le point de départ, le principe directeur et la destination finale de l'histoire de l'art » ; or cet axiome déjà faux dans notre propre histoire de l’art est arbitrairement réducteur quand il s’agit d’un masque dogon ou d’une peinture de sable
Dans cette perspective, un énorme fossé se creuse entre ce que l'on considère généralement comme la raison d'être de la recherche en histoire de l'art et en anthropologie « L'anthropologie écrivait un critique nie le caractère unique de l'objet d'art ». La « valorisation » récente de l'Art Premier vient en grande partie de ce que l'on a simplement enlevé certains chefs-d'œuvre d'un domaine pour les faire passer dans l'autre, sans jamais chercher à réduire le fossé qui les sépare.
Sally Price dans "ARTS PRIMITIFS REGARDS CIVILISES", propose une troisième voie, située quelque part entre ces deux extrêmes, et qui peut donner une image plus réaliste à la fois de la nature de l'expérience esthétique et de la nature de l'art dans les sociétés "Primitives".Pour ce faire, elle avance deux principes.
Le premier, c'est que l'« œil » du connaisseur, même le plus naturellement doué, n'est pas nu, mais qu'il perçoit l'art à travers le prisme de la formation culturelle Occidentale.
Le second, c'est que de nombreux Primitifs (y compris les artistes et les critiques) ont eux aussi un « œil » raffiné -également muni d'un dispositif optique qui reflète leur formation culturelle.
Dans le cadre de ces deux principes, la contextualisation ethnologique représente, non pas une accumulation fastidieuse de coutumes exotiques qui concurrence la « véritable expérience esthétique », mais plutôt un moyen d'étendre l'expérience esthétique au-delà d'une ligne de vision étroitement liée à notre culture.. La contextualisation, le respect de la pensée indigène n'est plus alors un lourd fardeau de croyances et de rituels ésotériques qui détournent notre psychisme de la beauté des objets, mais plutôt une nouvelle paire d’yeux qui nous apporte un nouvel éclairage
.
Pour moi, écrivait sally price, la prochaine étape, dans l'approfondissement de la nature de l'expression et de la réception artistiques doit se faire dans deux directions : compléter le discours esthétique sur l'Art Occidental par une analyse en profondeur de son environnement socio-historique, et compléter le discours ethnographique sur l'Art Primitif par une enquête sérieuse sur la nature des cadres esthétiques spécifiques où il reste vivant
Dans un tout autre domaine, celui de l’action politique et publique hannah arendt ne disait pas autre chose. présentant une toute autre conception de l’universalité que celle qui, inconsciente de ces présuposées, impose en fait son point de vue unique
Comprendre, toutefois, ne signifie pas nier ce qui est révoltant et ne consiste pas à déduire à partir de précédents ce qui est sans précédent ; ce n'est pas expliquer des phénomènes par des analogies et des généralités telles que le choc de la réalité s'en trouve supprimé. Cela veut plutôt dire examiner et porter en toute conscience le fardeau que les événements nous ont imposé, sans nier leur existence."
Car si le monde commun offre à tous un lieu de rencontre, ceux qui s'y présentent y ont des places différentes, et la place de l'un ne coïncide pas plus avec celle d'un autre que deux objets ne peuvent coïncider dans l'espace.
Le monde commun prend fin lorsqu'on ne le voit que sous un seul aspect, lorsqu'il n'a le droit de se présenter que dans une seule perspective. "
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