« Or, ce n'est ni dans la nature, ni au-delà de la nature que le Merveilleux existe, mais intérieurement à l'homme, dans la région la plus lointaine en apparence, mais sans doute en réalité la plus proche de lui-même, celle dont les territoires échappent à cette atroce féodalité des causes qui déciment ses fiefs humains à grands coups d'édits rationnels et de potences pragmatiques. Car le Merveilleux n'est autre que le feu brûlant au cœur de l'homme, la lueur imaginaire d'absolu qu'il tire de son essence et projette sur les ternes événements dont les effluves se font jour jusqu'à ce qu'il est convenu d'appeler son esprit, par les pores de son corps. Il est aussi l'attrait puissant qu'exercé l'inexplicable, la poussée impérieuse qui fait souvent préférer la gratuité à toute espèce d'explication, la force primitive de l'esprit, enfin, celle qui se manifeste bien avant que se soit encore formé l'esprit critique, et qui ne peut trouver son origine que dans les profondeurs de l'inconscience ou dans la nuit des temps.» michel leiris
À Paul Éluard qui déclarait que les peintres surréalistes avaient pour objet de « montrer qu'il n'y a pas de dualisme entre l'imagination et la réalité », Leiris répondait en abondant dans son sens : « L'homme total est celui pour qui réel et imaginaire ne font qu'un ». Connaître la totalité, l'état total (comme l'écrit Leiris), serait-ce alors se mouvoir dans la surréalité qui, selon Breton, réconcilie rêve et réalité, atteindre à ce « point de l'esprit d'où la vie et la mort, le réel et l'imaginaire, le passé et le futur, le communicable et l'incommunicable, le haut et le bas cessent d'être perçus contradictoirement . Michel Leiris écrit
II y a longtemps que je considère comme seuls réellement valables les Œuvres à ambition «totalitaire», j'entends : ceux dans lesquels l'auteur vise à exprimer en totalité sa conception du monde ou de la vie» ou tout ce qu'il sait de lui-même. Or les livres «totalitaires» types sont les livres sacrés. »
Les surréalistes avaient retenu (partiellement) le message de Rimbaud dans ses deux lettres, dites du « voyant ». la poésie ne pouvait être un but en soi, mais un moyen de connaissance (le Grand Jeu), et aussi, dans le même mouvement, un moyen de transformation, moyen d’accéder à ce qu’on appelle aujourd’hui le Symbolique : le cercle de la Totalité, la sphère de l'identité absolue du cosmos et du logos, l'union des mots et des choses, des hommes entre eux, des hommes et de la nature, de l'être au monde. Le poète, celui qui crée au sens étymologique, détient par le Verbe la faculté d'agir sur les choses, de créer en nommant. C'est en ce sens que Rimbaud, dans une longue tradition a pu se croire l'« égal de Dieu », et son rival prométhéen : « le poète est vraiment voleur de feu ».
« Je dis qu'il faut être voyant, se faire voyant.
Le Poète se fait voyant par un long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens. Toutes les formes d'amour, de souffrance, de folie; il cherche lui-même, il épuise en lui tous les poisons, pour n'en garder que les quintessences.
Ineffable torture où il a besoin de toute la foi, de toute la force surhumaine, où il devient entre tous le grand malade, le grand criminel, le grand maudit, - et le suprême Savant ! - Car il arrive à l'inconnu ! Puisqu'il a cultivé son âme, déjà riche, plus qu'aucun ! Il arrive à l'inconnu, et quand, affolé, il finirait par perdre l'intelligence de ses visions, il les a vues !
En ce sens, Rimbaud serait le Poète par excellence parce que, plus que tout autre, il a voulu la poésie capable de changer la vie. Tant qu'il en a eu la force, il a couru derrière l'idée d'une "poésie objective", qui lui permettrait de comprendre le monde et d'agir sur le réel, de "relever" les Déluges, de "réinventer l'amour", d'accomplir "la magique étude du bonheur". Il a voulu "trouver une langue" faisant appel à tous les sens, ouverte à tous les jeux. Il s'est ingénié à retourner et détourner les vieilles maximes pour les jeter à la tête du « Vieux Monde ». la Révolte et l'Utopie.
Cette quête de la totalité présente chez Rimbaud et chez Leiris se renverse pourtant en découverte de la dualité et du déchirement : la dualité est la condition même de l'existence individuelle ; naître, c'est déjà se séparer du Tout pour s'insérer dans un univers où règne la division, le morcellement. La dualité, abordée sous cet angle, est l'image même de la tension propre à toute existence séparée, propre à la vie, donc ; aussi ne peut-on connaître la totalité que sous forme de simulacre, sous peine de passer dans la mort sans retour ; ou, pour être plus précis, il faut dire que la totalité, pour mériter son nom, doit elle-même conjuguer vie et mort.
Comment rendre nécessaire le désordre d'une vie ? Comment doter de sens ce qui est le fruit du hasard. En effet, là où l'œuvre d'art vise à l'accomplissement et à la justification le sujet se découvre voué à l'inachèvement et à la déception : « je est un autre » . l’entreprise autobiographique de Leiris sera ainsi la révélation de ce personnage pourtant tué, par chacune des confidences qu'il fait à son propos : un nécessaire et joyeux massacre : Le moi social, le moi domestiqué, , le moi mythologique qui fabrique des illusions de grandeur et de puissance afin de se cacher ses terreurs et sa dépendance, le moi soumis au temps et à la mort, chaque fois « double » abusif qu'il s'agit de ridiculiser et de vaincre .si l’on veut veut parvenir à l’ âge d'homme ». le moi est alors l'ennemi intime. On n’en finit jamais de renouer les fils de sa propre vie !
« Toujours la même chose : je n'existe pas, je ne suis pas un homme, puisqu'il n'y a pas un homme, puisqu'il n'y a rien qui puisse me faire oublier que je dois mourir et rien non plus pour l'amour - ou le goût - de quoi je sois capable d'affronter la mort. La question est ainsi posée par moi : rien ne peut valoir que je meure, puisque c'est précisément le fait qu'il y ait ma mort qui dévalorise tout.
Je n'ai plus aucun espoir d'échapper à cet imbécile dilemme. »leiris. journal
Toute l'œuvre autobiographique de Michel Leiris témoignera ainsi d’un savoir paradoxal qui naît de ce défaut de maîtrise. Il voudra percer sa réalité, l'encorner,(miroir de la tauromachie) pour à la fin la jouer, la mettre en scène car, où mieux qu'au théâtre, ou dans l'arène, ne se dira selon lui la vérité dans l’illusion dans les masques, dans les mises en scène ou dans les rituels vus également comme une forme théâtrale. Leiris a compris qu'il est impossible de montrer la totalité de l’être dans la platitude Il faut bouger autour du JE, il ne faut pas se placer toujours au même endroit pour le considérer. Mais comment tourner autour de soi ?
Il y avait chez Rimbaud une même exigence de vérité et de liberté quoique d’une totale radicalité. : « »Posséder la vérité dans une âme et un corps ». Pendant ses années d'apprentissage, il a conduit sa vie et son œuvre comme une fable sur la difficulté de vivre à la hauteur de ses rêves. La poésie n'était pas une occupation qui puisse s'ajouter à une autre, un de ces suppléments d'âme à l'aide desquels les hommes cherchent à compenser une vie "monotone et imméritée». Il ne concevait pas la littérature comme un reflet de la vie mais comme une arme pour la changer, une mesure de salut. Et, probablement, à défaut d'une révolution sociale dont l'espoir s'était éloigné avec l'écrasement de la Commune, était-elle devenue peu à peu pour lui une vie de substitution, un refuge. Il s'y était engagé tout entier : la poésie était l'échappatoire à "nos horreurs économiques" l'"occasion unique de dégager nos sens" Aussi, lorsque Rimbaud eut fait l'amère expérience de l'inefficacité de cet instrument, sous le triple rapport de la révolte sociale, de la vie affective et de la subsistance matérielle, il ne pouvait liquider l'entreprise qu’avec la même farouche détermination qu'il avait mise à s'y lancer. Il ne pouvait, et dès l’âge de 20ans, que jouer la scène de sa mort littéraire, selon le scénario que ses textes avaient depuis longtemps préfiguré : Le Bateau ivre, l'Adieu d'Une Saison en enfer, le Départ des Illuminations, ... La lettre du Voyant, déjà ... : Qu'il crève dans son bondissement par les choses inouïes et innommables: viendront d'autres horribles travailleurs; ils commenceront par les horizons où l'autre s'est affaissé. Il en fut bien ainsi : "Je ne m'occupe plus de ça !" (déclaration de Rimbaud à Delahaye en 1879, au témoignage de ce dernier).
Mais, vrai, j'ai trop pleuré ! Les Aubes sont navrantes.
Toute lune est atroce et tout soleil amer :
L'âcre amour m'a gonflé de torpeurs enivrantes.
Ô que ma quille éclate ! Ô que j'aille à la mer ! le bateau ivre
Assez vu. La vision s'est rencontrée à tous les airs.
Assez eu. Rumeurs des villes, le soir, et au soleil, et toujours.
Assez connu. Les arrêts de la vie. — Ô Rumeurs et Visions !
Départ dans l'affection et le bruit neufs !
Ma journée est finie. Je quitte l’Europe. L’air marin brûlera mes poumons. Les climats perdus me tanneront. Nager, broyer l’herbe, chasser, fumer, surtout ; boire des liqueurs fortes comme du métal bouillant ! ILLUMINATIONS
En octobre 1873, la vie littéraire de Rimbaud est apparemment finie .Il veut être précepteur, ingénieur ; le commerce et les sciences l'attirent. En mars 1875,il est à Stuttgart où il étudie la langue allemande, Les années ultérieures seront marquées par de perpétuels déplacements - Vienne, Java, Stockholm, Chypre... –il semble que désormais l’anime un constant désir d’aller plus loin comme si l'horizon géographique sans cesse repoussé devait livrer un secret, résoudre l'énigme de sa vie. Il partit, en effet, pour aboutir en Abyssinie, à Harrar, vivant de hasards, sans argent, bonimenteur de cirques nomades, débardeur dans les ports, racoleur de troupes coloniales, soldat lui-même en Malaisie, puis déserteur, marchand, ouvrier Donc il part. Il court. Il marche. Il navigue. en Orient, dans les îles, vagabond de tous les chemins. II veut savoir tout le visage de la terre.
J'ai tous les talents! - Il n'y a personne ici et il y a quelqu'un: je ne voudrais pas répandre mon trésor. - Veut-on des chants nègres, des danses de houris? Veut-on que je disparaisse, que je plonge à la recherche de l'anneau? Veut-on? Je ferai de l'or, des remèdes . lettre de l’enfer
Dans son beau livre, RIMBAUD EN ABYSSINIE ,alain borer combat les interprétations traditionnelles, celles qui, méprisent ce Rimbaud ,surtout celui d'Abyssinie : « un Rimbaud de l'ombre, traître à ses idéaux de jeunesse, contraire en tous points au révolté de la Commune, au nègre qui criait son innocence et son horreur des valeurs occidentales ». Quand Rimbaud cesse d'écrire, il cesse d'intéresser. Poète maudit, on le célèbre, mais « négociant » ! il est disqualifié. On s'interdit même de chercher à savoir, comme si la question était réglée d'avance, ou comme si, sachant déjà, il fallait se cacher quelque partie honteuse. « il ne fit plus rien, dira Verlaine, que de voyager terriblement et de mourir très jeune. »
Borer refuse l'institution d'une coupure entre celui qui fait de la « littérature » et celui qui n'en fait plus, entre celui que l'on peut « comprendre » et celui que l'on
ne comprend plus, « l’africain ». « Ce faisant, ce n'est pas celui qu'elle dit ne pas comprendre ,qu'elle ne comprend pas: c'est l'autre, le «poète», sur lequel elle se méprend, dès qu'elle veut exercer son métier ». Pourtant, ce qui frappe en Rimbaud, vie et œuvre mêlées, c'est moins la dualité du personnage qu'au
contraire l'implacable rigueur, la parfaite consistance entre le texte, le corps et le
destin. On s'étonne que Rimbaud ait effectué à la lettre ce que son texte énonce de toutes parts : le départ en mer, le désert, la marche, le fardeau... » « tout indique bien que c'est le même Rimbaud qui poursuit son destin, tel qu'il l'a décidé à la fin d'Une saison en enfer, celui qui, s'étant cru doué un moment de pouvoirs surnaturels, se disait « rendu au sol, avec (...) la rugueuse réalité à étreindre».
La réalité Rimbaud va l’étreindre dans une quête infinie du provisoire, attendant chaque fois l’occasion de repartir à l’aventure. ayant signé un contrat a Aden, il demande aussitôt à partir pour le Harar tente, de là, des expéditions pour chercher de l'ivoire ; il envisage la possibilité de devenir explorateur ou correspondant d’un journal .La photographie est un autre de ces projets et lui rapportera pense –t-il une petite fortune. Il organise une caravane d’armes pour le roi Ménélik puis renonce au commerce des armes pour fonder une agence commerciale à Harar .Commerçant, Rimbaud a une nouvelle idée par jour : créer une race supérieure de mulets, importer des draps de Sedan, etc. Les premiers mots de la première lettre que l'on puisse lire de lui Afrique, écrit a.borer, et qui déconcerte tant littérateurs et biographes — doit être entendue comme autant d'idées et de projets un moment poursuivis... une page entière, totalisante, de titres de livres qu’il réclame « où s'entendent la détresse dans l’énumération, l'ennui dans l'action, la dérision du savoir pratique, l'absence aride de littérature, le paradoxe de l'élève « surdoué » et du poète « génial » croyant naïvement s'instruire comme avec des cours par correspondance : Mais où s'entendent aussi la continuité du fourmillement des idées et leur succession surprenante, et, intactes, sa curiosité, la boulimie d'action, l'intensité d'énergie dépensée, la dispersion ou la consumation de soi. ».
J’ai le sentiment écrit encore borer que Rimbaud, à Harar, est absent de tout lieu : des maisons où il vécut et qui furent emportées par les pluies, des boutiques et du marché où chevauche notre imaginaire, autant que de cette maison inventée, « Rimbo house » ! qu'il eût peut-être aimé habiter, qui représente son imaginaire à lui, son château poursuivi(il s’agit d’une maison qu’on présente fictivement come celle du poète)
Le lieu de Rimbaud sera à la fois quelque part et nulle part, juste marqué dans sa correspondance par l’indice multiplié des « ici » .La première mention de l'Abyssinie apparaît dans une lettre de 1880 postée d'Aden, le 17 août : « Je suis venu ici » ; Rimbaud arrive à Harar : « Je suis ici » ; il veut partir l'année suivante : « Je ne compte Pas rester1 longtemps ici. » Ici, c'est encore l'Egypte en 1887, ou les derniers jours à Marseille : « j'aurais vite fait ici de prendre le bateau » ( le bateau celui dont il demande l'heure du départ avant de mourir). En tout lieu rêvant de l’ailleurs, Rimbaud semble partout au même endroit, non situé, indifférent. Sa correspondance répéterait-elle à sa façon : « nous ne sommes pas au monde » ? Rimbaud se déplace sans arrêt, mais, au fond, il ne voyage pas. « Au revoir, ici; n'importe où. » Ses voyages sont des abstractions. ».
« Quand repars-tu ? — Le plus tôt possible », répond Rimbaud (jambes étirées sous la table, chapeau, grand verre d'alcool — dans un dessin de Delahaye). Partir. A chaque départ, une nouvelle chance d'exister. Quand on commence à voyager, on ne finit jamais. Après les montagnes, d'autres montagnes… Toute sa vie, Rimbaud cherche. Quoi ? Nous l'ignorons, comme lui sans doute. La quête n'est pas un problème pathologique. Il ne cherche pas quelque chose, mais existe par le seul acte de chercher. Indéfiniment Rimbaud se précède, déporté dans son propre avant. Il est en exode, mais de soi : dépossédé, continûment. La vie de Rimbaud n'apparaît pas comme une construction. Mais ses projets multiples ont une logique de relais. Il se déplace comme le cavalier sur un jeu d'échecs……
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Ne pourrait on pas sur l’exemple de Rimbaud concevoir toute une philosophie du « déménagement » (plutôt que du voyage) au sens que lui donna plus tard Leiris, comme réponse à la totalité toujours désirée et toujours perdue.
dans Fibrilles ce denier multipliera les formules signifiant l’amoureux du mouvement soucieux de satisfaire son désir de totalité comme de distanciation : « jeu de bascule », « mouvement pendulaire », « balancements », « alternance » également . « prendre en chaque cas mes distances, soit avec l'ethnologie quand je pratique la littérature, soit avec celle-ci quand je me tourne vers celle-là, et [...] changer de cap suivant l'horaire mais diriger toujours une pointe contre l’une ou l'autre de ces activités ». le déménagement, ce n'est pas seulement le déplacement d'un être dans un autre décor : c'est un moment de perturbation générale pour l'individu qui le vit, les rapports aux choses, aux êtres mêmes, nos gestes, nos mots s'en trouvent affectés. C'est le triomphe de l'hétéroclite, du saugrenu, du disparate, de l'imbroglio. Les choses se trouvant associées, non plus par l'effet de notre volonté, mais d'une contiguïté due au pur hasard, les liens qu'elles ont tissés entre elles, indépendamment de nous, nous les font ressentir comme hostiles, comme conjurées contre nous. Privé de ces repères familiers, de ces « points fixes », le moi se voit isolé, coupé non seulement du lieu et des objets qui l'entourent, mais aussi d'autrui, seul le je subsistant, retranché « dans son alvéole » « face au il ou aux ils des objets devenus menaçants ». Sombrant même dans l'indistinction faute d'avoir le « môle d'autrui » devant lui, faute de limites (humaines ou définies par des objets) qui lui conféreraient « une existence en tant que corps séparé ». Or cette absence de contours, de frontières, est le signe même d'une sorte de mort,
« Que se passe-t-il quand autrui fait défaut dans la structure du monde ? se demandera g.deleuze à propos de robinson dans son ile. Seule règne la brutale opposition du soleil et de la terre, d'une lumière insoutenable et d'un abîme obscur : « la loi sommaire du tout ou rien ». Le su et le non-su, le perçu et le non-perçu s'affrontent absolument, dans un combat sans nuances ; « ma vision de l'île est réduite à elle-même, ce que je n'en vois pas est un inconnu absolu, partout où je ne suis pas actuellement règne une nuit insondable. »logique du sens
Mais cette mort n'est que provisoire : au désordre succède un nouvel ordre. Le déménagement n’est il pas finalement un rite de passage (ou son simulacre): moment de désordre, séparation du monde des humains, perte provisoire de son identité, mort et résurrection symboliques, tout semble le suggérer. Le mouvement, le voyage, est alors une manière d'entretenir la vie en prenant ses distances d'avec ce qui la ferait sombrer dans la monotonie, dans la léthargie, la division qui minait l'existence. . a borer décrit ce mouvement perpétuel de Rimbaud dans rimbaud et l’abyssinie
« Les grandes jambes faisaient avec calme des enjambées formidables, se souvient Delahaye ; les longs bras ballants rythmaient les mouvements très réguliers, le buste était droit, la tête droite, les yeux regardaient dans le vague, toute la figure avait une expression de défi résigné, un air de s'attendre à tout, sans colère, sans crainte. » La marche satisfait sa nature impatiente : qu'il soit « l'expansion de l'infini du moi et sa perte dans le monde », ou au contraire « l'expérience solitaire, coupée du monde, orientée vers la quête du nouveau »
C'est de l'idée que lui vient l'excitation : la montagne suggère l'autre côté ; la mer, l'embarquement ; le désert, l'aventure, tout l'appelle au-delà. Mais l'« ici », paysages ou mœurs, il ne les regarde pas. Ce que l'on aurait pu voir de l'Abyssinie a sombré en lui, à la façon de ce grand navire chargé des merveilles de l'Orient qui venait en France pour l'Exposition universelle, et qui a fait naufrage au fond de la mer Rouge. « Rimbaud ne fut jamais en mesure d'accepter la vie telle qu'elle se présente, écrit Enid Starkie ; il trouvait insupportables les conditions qu'elle impose, et haïssait la vie de ne pas être ce qu'il avait imagin3. » On sent en lui un halètement à combler quelque chose de vacant et qui se déplace, un mot qui manque, le secret toujours cherché et introuvable, et qui n'est secret que de le rester. Mais la terre est silencieuse. Et Rimbaud continue de marcher, il est le marcheur de la lame du tarot, mordu au genou par un chien : son cheminement vers le repos se voit sans cesse entravé par la pensée, qui en empêche l'accès. Alain borer.
Cette " quête d’un absolu à travers la multiplicité du Réel , qui passe aussi par la connaissance de soi (" Je est un autre "), par la nécessité d'" inspecter l'invisible et d’entendre l'inouï ", n'est ce pas finalement et sous une forme différente la " révélation poétique ", le brusque éclair par où " s'amorce l'intuition d'une réalité située en deçà des limitations de la nôtre ». Ainsi nous dit Leiris dans fibrilles : L'espoir de trouver ce que je cherche, s'est, pour moi, réduit à celui de trouver, non pas la chose que je cherche, mais exactement la chose que je voudrais trouver…A la limite, j'en viendra à me demander si, ne cherchant même plus à savoir quel est l'objet recherché, je ne chercherais pas tout bonnement à chercher, couloir après couloir, le cœur toujours battant, dans l'attente jamais de la trouvaille... je savais que mon choix est la poésie, Tout s'est gâté, parce que je me suis mis définir ce qui - par définition pourrait-on dire - ne se définit pas. La valeur supême suprême n'est-elle pas analogue au maître mot, terme souverain par rapport auquel les autres prennent leurs sens, de sorte qu'il est celui qui de ne peut être défini, si ce n'est par lui-même ?
Or moi, bateau perdu sous les cheveux des anses,
Jeté par l'ouragan dans l'éther sans oiseau,
Moi dont les Monitors et les voiliers des Hanses
N'auraient pas repêché la carcasse ivre d'eau ;
Libre, fumant, monté de brumes violettes,
Moi qui trouais le ciel rougeoyant comme un mur
Qui porte, confiture exquise aux bons poètes,
Des lichens de soleil et des morves d'azur ;
Qui courais, taché de lunules électriques,
Planche folle, escorté des hippocampes noirs,
Quand les juillets faisaient crouler à coups de triques
Les cieux ultramarins aux ardents entonnoirs ;
Moi qui tremblais, sentant geindre à cinquante lieues
Le rut des Béhémots et les Maelstroms épais,
Fileur éternel des immobilités bleues,
Je regrette l'Europe aux anciens parapets !
J'ai vu des archipels sidéraux ! et des îles
Dont les cieux délirants sont ouverts au vogueur :
- Est-ce en ces nuits sans fonds que tu dors et t'exiles,
Million d'oiseaux d'or, ô future Vigueur ?
« Avec le temps, y a des Rimbaud qui fuient écrire ailleurs », chantera Yves Simon
« C'est loin l'Abyssinie, et c'est loin »...
L'inédit de Rimbaud est un faux !
L'auteur d'un des coups montés les plus audacieux de ces dernières décennies s'est manifesté sous le nom d'emprunt "Jean Daude Rit" (allusion douteuse au pseudonyme adopté par le jeune Rimbaud lui-même "Jean Baudry"). De source indiscutable, l'imposture a été prouvée auprès d'un certain journaliste parisien collaborant à la rédaction d'une célèbre revue littéraire (et qui a préféré -on le comprend- garder l'anonymat). Le faux a été effectué grâce à la recomposition frauduleuse d'archives anciennes à l'aide de vieilles feuilles vierges (authentiques celles-là) ajoutées à la revue en question qui aurait été ensuite "retrouvée" chez un bouquiniste de Charleville-Mézières. Affaire à suivre...
Piégé comme les autres, Nabe hier soir dans l'émission de Taddéi sur France 3 a pour la première fois lu ce faux à l'adresse de millions de crédules :
LE RÊVE DE BISMARCK
C'est le soir. Sous sa tente, pleine de silence et de rêve, Bismarck, un doigt sur la carte de France, médite ; de son immense pipe s'échappe un filet bleu.
Bismarck médite. Son petit index crochu chemine, sur le vélin, du Rhin à la Moselle, de la Moselle à la Seine ; de l'ongle, il a rayé imperceptiblement le papier autour de Strasbourg : il passe outre.
A Sarrebruck, à Wissembourg, à Woerth, à Sedan, il tressaille, le petit doigt crochu : il caresse Nancy, égratigne Bitche et Phalsbourg, raie Metz, trace sur les frontières de petites lignes brisées, et s'arrête…
Triomphant, Bismarck a couvert de son index l'Alsace et la Lorraine !
- Oh ! sous son crâne jaune, quels délires d'avare ! Quels délicieux nuages de fumée répand sa pipe bienheureuse !
Bismarck médite. Tiens ! un gros point noir semble arrêter l'index frétillant. C'est Paris.
Donc, le petit ongle mauvais, de rayer, de rayer le papier, de ci, de là, avec rage, enfin, de s'arrêter… Le doigt reste là, moitié plié, immobile.
Paris ! Paris ! Puis, le bonhomme a tant rêvé l'œil ouvert, que, doucement, la somnolence s'empare de lui : son front se penche vers le papier ; machinalement, le fourneau de sa pipe, échappée à ses lèvres, s'abat sur le vilain point noir…
Hi ! povero ! en abandonnant sa pauvre tête, son nez, le nez de M. Otto de Bismarck, s'est plongé dans le fourneau ardent… Hi ! povero ! va povero ! dans le fourneau incandescent de la pipe…, Hi ! povero ! Son index était sur Paris !… Fini, le rêve glorieux !
Il était si fin, si spirituel, si heureux, ce nez de vieux premier diplomate !
- Cachez, cachez ce nez !
Eh bien ! mon cher, quand, pour partager la choucroute royale, vous rentrerez au palais
Voilà ! fallait pas rêvasser !
(Rimbaud)
Rédigé par : Raphaël Zacharie de Izarra | mardi 20 mai 2008 à 14h11
Après vérifications et confirmations, l'inédit de Rimbaud était bien un faux !
Un premier article suspect mais assez intriguant (reproduit ci-après) était apparu sur le NET à l'annonce de la découverte d'un texte inédit de Rimbaud :
L'auteur d'un des coups montés les plus audacieux de ces dernières décennies s'est manifesté sous le nom d'emprunt "Jean Daube Rit" (presque anagramme douteux du pseudonyme adopté par le jeune Rimbaud lui-même "Jean Baudry"). De source indiscutable, l'imposture a été prouvée auprès d'un certain journaliste parisien collaborant à la rédaction d'une célèbre revue littéraire (et qui a préféré -on le comprend- garder l'anonymat). Le faux a été effectué grâce à la recomposition frauduleuse d'archives anciennes à l'aide de vieilles feuilles vierges (authentiques celles-là) ajoutées à la revue en question qui aurait été ensuite "retrouvée" chez un bouquiniste de Charleville-Mézières. Affaire à suivre...
Piégé comme les autres, Nabe hier soir dans l'émission de Taddéi sur France 3 (le 19 mai 2008) a pour la première fois lu ce faux à l'adresse de millions de crédules !
Cet article publié sur plusieurs sites officiels était demeuré anonyme.
Puis dans un second temps le falsificateur -ou prétendu tel- s'est dévoilé dans les termes suivants à travers un autre article, dûment signé cette fois :
Voilà : je suis l'auteur de cette imposture qui est en train de prendre des proportions énormes. J'en frémis d'horreur. Et d'aise. Je n'en suis pas à mon coup d'essai il est vrai : j'avais déjà fabriqué des faux documents littéraires à propos de Maupassant et de Hugo, pour ne parler que des plaisanteries un peu consistantes (publiées sur support papier "authentique", donc)... Bien entendu mes potacheries n'avaient jamais marché, du moins pas au point de déranger les cercles officiels. Jusqu'à ce que je m'essaye à un "faux Rimbaud". Cette fois la supercherie a été prise au sérieux, trop. Beaucoup trop, à hauteur inconsidérée de la folie furieuse des médias souvent prompts à s'emballer à la moindre alarme littéraire !
Les seuls responsables sont les "spécialistes" crédules relayés par les journalistes pressés de vendre de l'information et non l'auteur de cette malicieuse falsification. Je ne me considère pas comme un faussaire au sens judiciaire du terme mais comme un aimable gredin qui a ouvert sa cage à plumes que le vent médiatique a emporté plus haut que prévu. La blague sera de toute façon utile : elle permettra de remettre les pendules à l'heure chez les prétendus spécialistes de Rimbaud.
Pour la partie strictement littéraire la rédaction du texte "à la Rimbaud" fut l'étape la plus facile et la plus plaisante de l'entreprise. Un peu plus complexe -mais à la portée de tout bon faussaire un peu habile- fut de confectionner un faux matériel sur vieux papier. Le faire entrer ensuite dans un circuit classique afin de lui donner la "patine onirique" nécessaire à sa crédibilité (grenier de particulier, bouquiniste, antiquaires) à travers un protocole plausible ne demande pas une grande imagination, au contraire ! Découvert par un cinéaste sur les traces de Rimbaud (comme le hasard fait bien les choses, n'est-ce pas ?) le document fut fatalement récupéré "dans les règles de l'art". La presse n'avait plus qu'à prendre le relais.
Et voilà comment un gentil farceur se retrouve avec une méchante affaire sur les bras !
Raphaël Zacharie de Izarra
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2, Escalier de la Grande Poterne
72000 Le Mans
FRANCE
Téléphone : 02 43 80 42 98
Freebox : 08 70 35 86 22
Rédigé par : Raphaël Zacharie de Izarra | mercredi 21 mai 2008 à 00h03
*** Rimbaud et ses faux embrouillages ***
L'histoire pourrait sembler très complexe.
Elle est simple. Absurdement simple. On avait découvert en avril 2008 un joli texte inédit de Rimbaud dans une bouquinerie de Charleville-Mézières publié sous le pseudonyme de Jean Baudry (presque anagramme de Rimbaud). "On", c'est à dire le cinéaste Patrick Taliercio qui était justement en repérage sur les lieux où avait grandi Rimbaud pour un projet de long métrage consacré au poète. Un témoin clé que personne n'a jamais vraiment entendu puisqu'il a "une frousse bleue de la télévision"... On a donc laissé ses intermédiaires s'émerveiller de la trouvaille.
Là où l'affaire devient complexe, ou plutôt limpide, c'est lorsque dans la foulée est apparu le nom d'un certain Raphaël Zacharie de Izarra...
Qui ne connaît pas ce faussaire hors pair au culot monstre ? Dans le cercle des collectionneurs, on fuit comme la peste ce roi de l'entourloupe littéraire.
Capable du pire en allant jusqu'à élaborer des mises en scène très sophistiquées parfois préparées des années à l'avance (ce qui fut le cas pour cet inédit de Rimbaud) grâce à des complicités toujours discrètes, ce Narcisse invétéré affectionne les feux médiatiques.
Sa spécialité : ridiculiser ceux qu'il aime à définir comme les "exégètes de la cause littéraire". C'est son credo, son délire, sa folie furieuse. Chacun ses obsessions... Bref, dès que les vrais amateurs ont su qu'il était mêlé à la découverte, les enthousiasmes les plus vifs sont retombés dans des bruits d'enclumes. La "Plume" avait fait son oeuvre.
(Une "Plume" avec une majuscule, c'est ainsi que s'est auto proclamé notre Machiavel des bibliothèques).
Il faut au moins lui reconnaître ce talent inné pour débusquer les imposteurs. Mais à quel prix ?
Le personnage ne fait jamais dans la demi-mesure et même plutôt dans le char d'assaut. C'est ce que je lui reproche.
Raphaël Zacharie de Izarra a poussé la (mauvaise) plaisanterie jusqu'à laisser s'auto gonfler la baudruche médiatique, décidément très extensible, sans qu'elle n'éclate jamais.
Du moins pas encore.
Le plaisantin est si redoutable qu'entendre ne serait-ce que l'écho de son nom devant une montagne de lingots d'or, c'est l'assurance de trouver du plomb derrière une pellicule dorée. Amateur de trésors retrouvés, si vous oyez le nom de ce faussaire ou simplement entrapercevez l'ombre de ses initiales, le reflet de sa particule -dont il est particulièrement fier-, les contours de sa plume suspecte, perdez toute illusion ! Il est mouillé dans tant de tentatives ratées mais surtout d'entreprises réussies de fabrications de faux, et non des moindres, que vous pouvez êtres certains d'avoir été bernés.
Le spécialiste français de Rimbaud Jean-Jacques Lefrère qui, comme beaucoup de ses confrères a foncé tête baissé aurait dû faire preuve de plus de prudence et de professionnalisme dès lors que le nom de Raphaël Zacharie de Izarra a commencé à circuler.
L'inédit de Rimbaud est un faux. Vous voilà prévenus. Je ne m'ingénierai pas comme certains à rendre complexes des choses simples. Le faussaire est si pernicieux dans sa volonté d'embrouiller les esprits que ce serait lui faire trop d'honneur que de tenter de dénouer à grands cris ce qui s'avère n'être que du vent.
Les naïfs qui pour toute caution se réfugient derrière les ors d'une "académie verveuse" relayée par la télévision dans des émissions littéraires et adoptent encore la version rassurante pleine d'érudition d'un Jean-Jacques Lefrère imperturbable s'en mordront les doigts.
Jacques Quentin pour "Ouest France", novembre 2008
Note de l'auteur au sujet de Raphaël Zacharie de Izarra :
Il y a encore trop de journalistes crédules victimes des machinations de ce faussaire sans scrupule qui diffusent en toute bonne foi mais sans aucune conscience professionnelle ses fausses nouvelles toujours spectaculaires. Il est urgent de dénoncer l'imposture de ce faussaire certes talentueux mais qui semble ne connaître aucune limite. Je connais Raphaël Zacharie de Izarra à travers ses frasques médiatiques rapportées depuis plusieurs années par les quotidiens de l'Ouest (il est du Mans, je suis de Rennes). Il s'est spécialisé depuis une quinzaine d'années dans le faux littéraire et à déjà produit quelques "inédits" célèbres.
JQ
Rédigé par : Jacques QUENTIN | lundi 17 nov 2008 à 12h33
je est un autre , il est un faussaire donc pas de probleme de faux rimbaud en ce qui me concerne.
Boddhidharma : je ...ne sais pas.
Rédigé par : rimbaud | jeudi 28 juin 2012 à 03h21