« Au moment où les sociétés occidentales semblent avoir perdu leurs repères en ce qui concerne la sexualité, les rapports sociaux de sexe (ou genre), la division sexuelle des tâches, et la définition de l'individu et de la personne, de la parenté et de la famille, alors qu'elles ploient sous une accumulation exponentielle de textes, de théories et de découvertes scientifiques, aussi brillantes qu'éphémères, dans le domaine de la vie comme aussi de l'histoire, il est bon d'aller regarder du côté d'une société autochtone,qui vivait encore, il y a cinquante ans, de la chasse, de la trappe, de la pêche et de la cueillette, je veux parler du peuple inuit (ainsi qu'il se désigne lui-même, littéralement : « les vrais humains »).
Cette société, en apparence sans histoire, qui tire son savoir de la tradition orale, transmise par les aînés, et de son expérience de l'environnement, acquise durant l'enfance et l'adolescence, sous la gouverne attentive des adultes du groupe, a élaboré et mis en pratique une théorie de l'individu et de la personne, du sexe et du genre, de la parentalité et de la famille, qui n'a pas fini de nous étonner et de nous instruire[. » BERNARD SALADIN D'ANGLURE
« Si l'on dépouille la définition de l'animisme de ses corrélats sociologiques, il reste une caractéristique sur laquelle tout le monde peut s'accorder et que rend manifeste l'étymologie du terme, raison pour laquelle j'ai choisi de le conserver en dépit des usages contestables que l'on a pu en faire jadis : c'est l'imputation par les humains à des non-humains d'une intériorité identique à la leur. Cette disposition humanise les plantes, et surtout les animaux, puisque l'âme dont ils sont dotés leur permet non seulement de se comporter selon les normes sociales et les préceptes éthiques des humains, mais aussi d'établir avec ces derniers et entre eux des relations de communication. La similitude des intériorités autorise donc une extension de l'état de « culture » aux non-humains avec tous les attributs que cela implique, de l'intersubjectivité à la maîtrise des techniques, en passant par les comportements ritualisés et la déférence à des conventions. Toutefois, cette humanisation n'est pas complète car, dans les systèmes animiques, ces sortes d'humains déguisés que sont les plantes et les animaux se distinguent précisément des hommes par leurs vêtures de plumes, de poils, d'écaillés ou d'écorce, autrement dit par leur physicalité. Comme Viveiros de Castro le note à propos de l'Amazonie, ce n'est pas au moyen de leur âme qu'humains et non-humains se différencient, mais bien par leurs corps ». PHILIPPE DESCOLA.PAR DELA NATURE ET CULTURE.GALLIMARD (c'est moi qui souligne ici).
Les différents groupes inuit étaient liés non seulement par la langue, mais aussi par une culture et un mode de vie nettement semblables. Les chants, les danses, les mythes, et les formes d'art unissaient ces peuples dispersés et semi-nomades. Ils les ont probablement apportés avec eux en même temps que leurs méthodes de chasse, lors de leur migration à partir de l'Asie. Leurs chants et récits s'apparentent étroitement, tant par la langue que par le style, aux traditions sibériennes, finno-ougriennes et magyars (d'ancienne Hongrie). La langue et les mythes peuvent révéler ainsi des indices sur les anciens itinéraires de migration.
Un peuple est l'architecte de sa mémoire et il réinvente son passé pour mieux se projeter dans le présent et l'avenir. L'histoire des peuples de littérature orale se construit à partir d'un corpus légendaire se déstructurant, ou se restructurant constamment .Ce sont les rêves, les peurs, les passions, la vie subjective de ces chasseurs et de leurs femmes dans leurs iglous qui sont responsables de ces reconstruction comme de ces oublis. Des moments et des faits essentiels de la longue histoire inuit en sont absents, comme si le temps et les hommes avaient voulu les occulter. (Occultation des échanges et des emprunts par exemple tels, que la rencontre avec les Vikings ou celle des premiers explorateurs).D'autres évènements historiques ou archéologiques seront modifiés dans les récits. Ainsi dans le mythe de Sedna, celle-ci envoie ses enfants peupler l'espace selon les points cardinaux (Ijirait invisibles, indiens, blancs, Tunit); en fait le mythe inverse la réalité archéologique : les Tunit présentés comme des êtres forts, sortes de géants sont en fait les premiers habitants (sans doute la civilisation du Dorset) ayant précédé les Inuits. D'autres récits inversent le sens de la migration réelle venant d'Asie. De nombreux restes préhistoriques parsèment toute la région et évoquent des cultures proches, mais différentes de celle des Inuit historiques, qui descendent de chasseurs de baleines boréales venus il y a un millier d'années, les Thuléens, comme les désignent les archéologues. L'existence des divers esprits, de type humain, nains, géants et autres monstres, visibles seulement par les chamanes, renvoie à ces anciennes humanités.
« À leur manière subtile, ces sages silencieux, qui ne sont pas toujours faciles, m'ont parfois adopté comme l'un des leurs. La sensibilité extrême de ces hommes et femmes, leur mémoire sollicitée par le questionnement anxieux de leur jeunesse, leur terreur devant les mystères de la nature, leur crédulité, à mieux dire, leur porosité, m'ont aidé à les lire... L'absolu est indicible... Et avec ma nature impatiente, ce dialogue intime m'a toujours été impossible. Les dieux panthéistes des Inuit, eux, par contre, savent vous interpeller, vous envelopper et s'insinuer en vous. Ce sont des dieux multiformes, omniprésents et parfois impérieux. Des dieux, ce serait beaucoup dire. Dans la solitude du blizzard, la banquise se crevasse sous vos pieds ; les chiens, dans leur détresse, vous interrogent de leurs beaux yeux bruns ; les dieux alors, je les invente, tout comme eux, les Inuit. C'est une force, l'appel d'un vide glacé, dans l'épouvante d'une nature déchaînée qui paraît vous ouvrir à l'éternité Le soir venu, dans la sérénité suscitée par la petite flamme de la lampe à huile de phoque, la raison ordonne la pensée ; mais l'émotion sur la piste a été trop forte
Frère-Soleil. sœur-Lune. frère-Vent, sœur-Eau, frère-Feu : le Cantique des créatures, un des plus beaux textes de notre littérature médiévale, nous interpelle jusqu'à ces hautes latitudes pour que nous renversions notre regard : c'est l'appel des extrêmes. La Terre, la Mer, les Animaux paraissent vivre dans la fraternité de tous les êtres vivants. Dans un renversement révolutionnaire de la vision du cosmos, l'Homme retrouve son identité dans le divin : il est une part du divin. Toutes choses étant en une force unitaire : l'ordre caché de la Nature.
Divin : dénomination de « Blanc ». Avec « eux », il conviendrait de parler avec moins d'arrogance et de dire simplement pierre, vent, souffle, eau. Les Inuit, dans leur langage perdu, ne pensent pas autrement que des panthéistes, et ce depuis 10 000 ans. »JEAN MALAURIE.L'APPEL DU NORD
Les Inuits ont principalement recouru aux anciennes traditions orales pour transmettre et conserver leurs idées et croyances, parfois renforcées par de petites sculptures illustrant peut-être les événements racontés. De plus, les chants et les danses rehaussent le sens des mythes qui soutiennent le système existant, renforcent les coutumes traditionnelles de la société et énoncent les notions du bien et du mal. Il se peut que ces premiers contes précèdent toute la structure du chamanisme sibérien et esquimau qui est élaborée à partir d'eux.
Dans une telle société, qui ne connaissait pas l'écriture jusqu'au début du XXe siècle,, les savoirs s'acquéraient par imitation, expérience sensorielle ou transmission orale ; par le rêve aussi, ou le contact avec les esprits. La mémoire en était l'outil de fixation; elle s'appuyait sur des procédés mnémoniques, enseignés à l'enfant dès le premier âge, pour lui permettre de se repérer dans son groupe de parents (termes de parenté), dans son espace environnant (toponymie) et dans le temps (mémoire généalogique et histoires de vie). Mais les esprits avaient également, selon les Inuit, la capacité d'instruire les humains qu'ils rencontraient en rêve ou dans les zones peu fréquentées. Ils pouvaient aussi provoquer des trous noirs dans leur mémoire afin d'effacer toutes traces de leur présence et de leur rencontre. On leur prête le don de se rendre invisibles à volonté. Ils ne se montraient aux humains ordinaires que pour les séduire ou se venger d'eux. Des circonstances particulières, comme l'approche de la mort, ou une maladie grave, permettaient cependant aux Inuit de se remémorer ces expériences occultées. Les chamanes, choisis par les esprits, entretenaient des relations suivies avec eux. Bernard Saladin D'Anglure .Etre Et Renaitre Inuit. Gallimard .
II n'existe cependant pas de grand mythe d'origine du monde et des humains dans l'Arctique central et oriental, mais seulement de courts récits recueillis par les premiers ethnographes qui séjournèrent dans cette partie du monde. Franz Boas et Knud Rasmussen, en particulier. Grande fut surement leur déception, au vu de la pauvreté de leur collecte. Après avoir compilé les données qui étaient disponibles, à l'époque, pour les autres régions de l'Arctique inuit, Boas résume ainsi la cosmologie des Inuit : «Le monde a toujours été comme il est maintenant, et, dans les histoires peu nombreuses racontant l'origine d'animaux et de phénomènes naturels, il est rarement indiqué de façon précise que ceux-ci n'existaient pas auparavant. » Ailleurs il écrit que leur folklore contient également quelques épopées héroïques et des récits d'événements accidentels sans portée générale.
Les mythes inuit se présentent en général comme de petits récits dramatiques traitant de la genèse et de l'existence de leur monde : la création, les relations ambiguës des humains avec les animaux et avec les esprits célestes, la naissance, l'amour, la chasse, le partage de la nourriture, la polygamie, le meurtre, l'infanticide, l'inceste, la mort et les mystères de la vie après la mort. Même de nos jours, les conteurs inuits remodèlent les anciens mythes en foncion des problèmes rencontrés et créent de nouveaux récits en déguisant subtilement l'identité véritable des personnages mis en scène.
Les récits inuit de genèse sont apparus à une époque très ancienne, il y a plusieurs millénaires. Ils témoignent d'une compréhension de ces temps de la genèse comme d'un simple constat géologique. Les inuit n'ont donc pas de religion au sens habituel du terme.Il n'y avait pas eu pour eux de chaos ou de vide initial d'où aurait émergé le monde, lequel existe simplement, sans créateur divin. . Il n'y a pas non plus de punitions éternelles dans l'au-delà .La terre à l'origine est une, mais le destin de l'homme est d'assister et de s'adapter à sa fragmentation progressive. Dans le brouillard matriciel des Origines, le cosmos n'était pas prisonnier de formes immuables, figées à jamais. Tous les êtres pouvaient se métamorphoser, jonglant entre l'animal et l'humain : c'était le temps primordial de l'indifférenciation où toute fracture ontologique interrègne était proscrite.
[...] il n'y avait pas de lumière sur la terre. Tout était ténèbres et l'on ne voyait pas d'animaux. Et pourtant, il y avait sur la terre des hommes et des animaux. Mais il n'y avait pas de différence entre eux. On vivait pêle-mêle. Un homme pouvait devenir animal et un animal, homme. Il y avait des loups, des ours et des renards. Dès qu'ils s'étaient transformés en hommes, ils étaient tous semblables. Ils pouvaient avoir des habitudes différentes, mais ils parlaient la même langue, ils habitaient les mêmes maisons, chassaient de la même façon. C'est de cette époque que datent les formules magiques. » Cité Par Knut Rasmussen.
Si donc, le monde était là dès l'origine, sans créateur surnaturel mentionné
Désertifiée, par les catastrophes cosmiques » NUNA, la matrice terre » réengendra finalement deux hommes adultes nés de la tourbe dont l'un se métamorphosa en femme par une transformation sexuelle.
« L'un d'eux [Uumarnituq] fut pris par l'autre [Aakuluj-juusi] pour épouse et tomba enceint; son ventre devint proéminent. Lorsqu'il fut sur le point d'accoucher, voyant qu'il n'y avait pas d'issue, son compagnon composa un irinaliuti (chant magique) :
« Cet être humain, ce pénis, qu'il s'y forme un passage vaste et spacieux, passage, passage, passage ! » et voilà que le pénis se fendit et qu'un bébé mâle en sortit, et vit le jour.
Les humains avaient ainsi découvert la nécessité d'un sexe féminin pour la reproduction humaine.(et aussi le pouvoir des paroles et de la magie) Le mythe répond ici à une interrogation ontologique : la différence des sexes : pourquoi faut-il des femmes, alors qu'il pourrait n'y avoir que des hommes? Les deux premiers humains ne sont ils pas deux adultes mâles, sortis de terre ? La réponse du mythe est très précise à ce sujet : c'est pour répondre au désir de se multiplier plus rapidement. Les deux premiers mâles explorent donc la voie d'une grossesse masculine, mais elle conduit à une impasse anatomique. .par la suite les femmes sans enfants dit le mythe continuèrent pourtant à profiter des enfantements de la terre en cueillant des enfants sur la plage(les Inuits pratiquent souvent l'adoption !)
La femme, plus tard, alla simplement pêcher et extraire de trous dans la glace,en péchant, les différentes espèces animales terrestres (qui préexistaient ?) dont les caribous et les loups(pour réguler les caribous.)
Tous les récits posent surtout et en termes voisins, le problème des relations de l'homme avec les forces de la nature génitrice. Ainsi, le père tutélaire des Inuit est un animal-homme, en crotte de chien, dans un cocon de boyaux. A l'origine de la vie inuk, un contrat a été établi entre les espèces mais il n'a pas toujours été respecté. Aussi Sedna, »celle qui ne voulait pas se marier » découvre qu'elle a épousé un goéland déguisé et prend peur en découvrant ses yeux affreux qu'il masquait avec des lunettes. Les histoires traditionnelles imbriquent les rituels et tabous , qu'il faut respecter impérativement dans un univers de précaution et de protection. On cite souvent, à ce propos, la réponse d'AUA, le chaman guide de KNUD RASMUSSEN, comme celui-ci l'interrogeait sur ses croyances : selon lui les Inuits ne vénéraient rien mais avaient peur.
« On a peur de Sila, l'esprit qui donne les tempêtes...
On a peur de la mort et de la faim en nos froides maisons de neige.
On a peur de Takanakapsaluk, la femme géante du fond de la nier,
maîtresse de tous les animaux marins.
On a peur de la maladie qui chaque jour nous entoure.
Non de la mort, mais de la souffrance.
On a peur des esprits mauvais de l'air, de la mer, de la terre.
Ils aident le mauvais chamane à faire du mal aux siens.
On a peur des âmes des morts, et de celles du gibier qu'on a tué... »
La vie rude et hasardeuse dans l'Arctique conduisait les Inuits à craindre constamment des forces invisibles. Une succession d'événements fâcheux suffisait en effet à condamner la communauté entière, et implorer des « puissances »potentiellement courroucées et vengeresses au nom de la survie quotidienne est la conséquence naturelle d'une existence précaire, y compris dans nos sociétés modernes. Pour un Inuit, offenser un anirniq (esprit)revenait à risquer l'extinction. Dans la société, le rôle principal du chaman (ANGAKOQ) était de conseiller chacun et de rappeler à tous l'obéissance aux rituels et tabous, afin d'apaiser les esprits que lui seul pouvait voir et contacter.
La vie inuit étant sans cesse soumise au risque de la faim, aux terribles tempêtes de neige et de vent, et aux dangers de la chasse, sa mythologie en traduit bien la violence. Des êtres puissants dominent le panthéon. Sila, l'univers, l'extérieur des choses, est une force invisible partagée entre tous les êtres vivants et c'est aussi un esprit personnifié. Nommé, Naarjuk «Gros-Ventre « ou encore Silaap inua (l'esprit-maître du Sila, dans le langage des chamanes, il est considéré aussi comme le maitre du climat et de la tempête .Ses mouvements paradoxaux et ambigus, faits à la fois de régularité cyclique, ordonnée et prévisible, de turbulences imprévisibles et de tensions antagonistes, donnent lieu à des avatars multiples qui transcendent les frontières et les échelles, et commandent les mouvements du ciel et la dynamique de la vie. Sedna est la maîtresse de la mer et de la terre. Les fautes des humains imprègnent ses cheveux comme de l'ordure. Pour les punir, elle éloigne d'eux les animaux marins dont elle est « la mère ». « L'homme de la lune » est chasseur, gardien de l'observance des interdits et source de la clairvoyance des chamanes... il y a des maitres de l'ours ou du caribou, etc.
Pour les Eskimos polaires du Groenland les esprits habitent un univers à étages, et dans tout monde à étages, il y a des problèmes de voisinage : toute une cosmologie céleste ou souterraine peuplée d'êtres mystérieux, bénéfiques ou maléfiques sur la santé, la chasse, la fécondation, etc.
Les IJIRAIT (pluriel de Ijiraq), dont le nom signifie «les invisibles», seraient un peuple d'apparence humaine qui mène une vie parallèle à celle des Inuit, mais à l'intérieur des terres. Ils vivraient principalement dans les plaines montagneuses de Baffin, et tiennent leur nom de leur aptitude à se rendre invisibles. Grands chasseurs de caribous, on dit qu'ils sont capables de les rattraper à la course et de les assommer d'un coup de pierre sur le crâne, qu'ils peuvent se transformer en caribou et possèdent une capacité visuelle exceptionnelle. Remplis de compassion pour les humains malheureux, ils cherchent à nouer avec eux des relations affectives. Les chamanes inuit étaient heureux de les avoir comme esprits auxiliaires
Les TUPILAIT, (singulier tupilak) sont eux les esprits mauvais parmi les morts, remplis à craquer de sang, ronds, causent des maladies et le mauvais temps. Le même nom est donné à des objets de sorcellerie faits d'os et de tissus ( et aujourd'hui à certaines statuettes). Maléfiques et monstrueux, ils étaient responsables des expéditions de chasse ratées et des outils cassés. Ils pouvaient posséder les humains. Capables de métamorphose, ils apparaissaient alternativement sous la forme d'humains, de loups, de renards, d'orques ou épaulards. Les chamans étaient capables de les combattre, de les exorciser, ou de les éloigner par des rituels, mais ils pouvaient aussi les capturer et les asservir comme « esprits auxiliaires »
Si L'ANGAKOK pratique le chamanisme, L'ILISITSOK à l'inverse, est le sorcier noir, il agit dans l'ombre, il use de son pouvoir néfaste avec l'aide d'un Tupilak composé d'un assemblage hétéroclite de morceaux d'oiseaux, de phoques, de chiens et de parties d'enfants tels que : dent de lait, placenta, cheveux, etc. Fabriqué dans le plus grand secret le Tupilak prend forme dans le temps. C'est un auxiliaire de la mort qui par sa puissance de métamorphose peut approcher sa victime sous des formes variées et s'adonner au meurtre sous l'apparence d'un banal accident, ce qui est fréquent dans l'Arctique polaire.
« Depuis que les esprits du ciel ont créé les hommes sur la terre, ils ont également créé d'autres esprits, bienveillants ou malveillants. Ces esprits sont partout, surtout dans toutes les forces de la nature, dans les airs, dans la terre, dans la mer, dans les rochers, dans la glace, dans la banquise... C'est pour cela que nous devons toujours respecter les forces qui nous entourent. Pour les animaux, c'est un peu la même chose, sauf que ces êtres vivants, lorsqu'ils sont chassés et tués, sont réincarnés. Si, par exemple, on tue un ours, il ne faut jamais emporter sa tête, mais, au contraire, la poser bien en évidence sur la banquise pour que l'âme de cet ours puisse assez vite retrouver un autre corps d'ours dans lequel habiter. Cependant, beaucoup d'âmes ne retrouvent pas de corps, alors, selon leur valeur, elles se déplacent de ciel en ciel jusqu'au septième, là où généralement se réunissent les meilleures âmes.
«La nature est peuplée de nombreux esprits bienveillants ou malveillants, avec lesquels il faut compter à chaque instant. Seul l'angakok, le chamane, qu'il soit homme ou femme, prêtre ou médecin, peut, à l'occasion de ses moments de transe, entrer en contact et traiter avec eux. Il arrive que les hommes soient confrontés directement avec les mauvais esprits, ensorcelés, ils deviennent alors des victimes. C'est pour cela qu'il est important d'avoir pris la précaution de coudre sur ses vêtements des toupilek, ces petites sculptures taillées dans la défense du narval, ou bien d'en avoir dans sa poche. Chacun de ces esprits ne réagit pas de la même manière, c'est pourquoi les toupilek sont de formes différentes et sont indispensables pour se défendre contre les fantômes. Les fantômes sont ces esprits qui, circulant librement dans le ciel, sont apportés par le vent. Il y a aussi les ekridit, les êtres de nos origines, dont ceux restés moitié-homme, moitié-chien ne dorment jamais, surveillant tout, se tenant toujours prêts à entrer dans notre corps pour nous anéantir. Daniel Pouget.L'esprit de L'ours.Pocket
Jean Malaurie, lors d'une de ses expéditions, a soumis des autochtones aux projections psychologiques du test de Rorschach.La vision des formes que l'inuit a dans les planches de Rorschach rappelle profondément celles dont on gratifie les esprits maléfiques, les Tupilait: « Enfant à moitié dévoré par les chiens, homme coupé en deux, esprit assis sur une pierre, sexe démesuré »:
« Le Tupilak symbolise l'ambivalence éprouvée par l'Eskimo. L'identité n'est jamais totalement acquise. C'est le monde du double. Le processus du renversement (changement dans le contraire, inversion des relations) décrit par Freud dans l'analyse des rêves rejoint ici celui du mythe sur la dualité des sentiments. Le chaman peut se doubler de l'Ilisitsok. Les pouvoirs bénéfiques de l'un se contrarient des pouvoirs maléfiques de l'autre. Les expressions contenues à l'examen des tests de Rorschach sont significatives du trouble du double : « Une méchante femme, un homme menace notre terre… Deux femmes font un effort pour s'envoler dans le ciel en emportant des corps sans tête… Deux hommes… peut-être dansent-ils, ils dansent agenouillés… Deux oiseaux ont pris l'air d'un être humain… Deux femmes s'étant rencontrées pour parler de leurs enfants et de leur vie familiale » Bernard Saladin D'Anglure .Etre Et Renaitre Inuit. Gallimard .
LES METAMORPHOSES DE SILA : MYTHOLOGIE ET CHAMANISME DES INUIT Bonjour Yvan,
Je suis une artiste visuelle et mon projet en cours a notamment pour thème le chamanisme et particulièrement la culture inuit. Votre article est magnifique. J'aimerais utiliser certaines images, mais je ne voudrais surtout pas travailler sans m'assurer d'en avoir l'autorisation ou que les images soient libres de droits
Est il possible de connaître la provenance des documents visuels que vous utilisez ?
Merci !
Marcelle
Rédigé par : Marcelle Hudon | lundi 21 mai 2012 à 23h18
Merci,
Je n'ai pas vos références pour vous répondre
regardeloigné@orange.fr
Rédigé par : YVAN ETIEMBRE | mardi 22 mai 2012 à 18h40