« Cet espace nordique a un nom: Thulé. Thulé- Tele : loin; Thu-al : Nord (Celte); Tholos ou Tolos : brouillard (grec); Tula: balance (sanscrit); Tulor mexicaine est dans la tradition ésotérique, la Terre lointaine, l'Ile blanche, le Pôle des lumières, le Sanctuaire du Monde. Thulé, baie de l'Étoile Polaire, est à l'aplomb du Pôle céleste. Telle Jérusalem, pôle judéo-chrétien ou La Mecque, avec la Kaaba, pôle de l'Islam, Thulé est le pôle des hyperboréens.
En 1714, un anonyme décrit un voyage le conduisant du Pôle Nord au Pôle Sud par l'intérieur de la Terre : " Aux abords du Pôle, on observe beaucoup d'oiseaux à bec rouge. Au Pôle, un gouffre d'eau, un " grand tournant d'eau ". Nous approchant toujours du centre, nous reconnaissons que cette île prétendue n'était qu'une haute écume sur les eaux se précipitant et s'engouffrant dans cet abîme, formée sur la superficie ".
Au XVII( siècle, le Pôle Nord était souvent apprécié comme un gouffre d'eau où viennent confluer et disparaître à l'intérieur de la terre les eaux de la mer; mais aussi comme un lieu de renaissance et de mort. Au XIXe siècle, la géographie savante, notamment le célèbre géographe allemand Augustus Petermann, considérait que le Pôle Nord était - scientifiquement - une mer " libre de glace ", route de la Chine. Un des grands explorateurs américains de l'époque - 1.1. Hayes - a même écrit, au retour de son exploration du Nord du Groenland, en 1862, un ouvrage intitulé: " La mer libre du Pôle "
Au XIX' siècle, les Romantiques (Bernardin de Saint Pierre) évoquent l'axis mundi comme une véritable Arcadie, Jules Verne, un volcan d'où sort l'aurore boréale, Edgar Poe, une eau de naissance et de mort, Lovecraft, l' Atlantide, un pont jeté entre terre et ciel.
Second pôle: le Pôle magnétique qui a hanté les navigateurs. Troisième pôle, le plus essentiel: le Pôle céleste. L'Étoile polaire ~ référence de tous les navigateurs - est considérée comme le centre absolu autour duquel tourne le ciel; c'est le pôle de l'univers. Pour les Lapons, il est le " pilier ", le " moyeu " du monde. Pour les Yakoutes, le nombril du ciel. Dans de nombreuses populations altaïques, l'autel est tourné vers l'Étoile polaire.
Selon la tradition islamique, l'Étoile polaire et la Kaaba enfin sont reliées. Dans la tradition chrétienne, c'est une étoile qui a guidé les Mages vers le Fils de Dieu.
Il n'est peut-être pas inutile de rappeler que les mots-clés de cette mythologie fantastique recourent à une symbolique complexe ayant peu de rapport avec une géographie universelle. Les clés sont à rechercher sans doute ailleurs et une sémiologie des symboliques reste à décrypter dans le cadre d'une histoire globale. On ne manquera pas de noter que cette vision de l'écoulement du temps est contraire à l'idée occidentale de Progrès; la notion de Paradis perdu, do Age d'or au Pôle, de peuple primordial anté-diluvien présuppose qu'une humanité primordiale vivait au nord, dans l'hyperborée, qu'elle y vivait en symbiose avec la Nature et les Dieux. Voilà bien une notion d'écoulement du temps historique radicalement contraire à notre logique puisqu'elle repose sur l'idée que les peuples, en allant du nord au sud, vivent avec un avenir qui est déjà vécu.
Rappellerai-je le mythe lapon ? Il y a longtemps, longtemps, l'homme vivait en alliance avec les animaux et la Nature. Mais l'homme s'est affirmé homme et a eu la funeste idée de conquérir le feu. Alors l'Animal, la Nature épouvantée ont fuit l'homme, car il avait, par cette connaissance, ruiné l'antique alliance. C'est retrouver le mythe de Chronos, dieu de l'âge d'or. Il parvint, on le sait, à maintenir l'équilibre en dévorant tous ses enfants issus de Rhéa, fille de la Terre et du Ciel. Zeus survécut, caché par sa mère dans une caverne. Les grands équilibres furent de ce fait perdus. Et c'est Zeus luttant contre les dieux nouveaux, qui punit Prométhée, voleur du feu céleste et dont l'invention dite " de progrès " a rompu définitivement Il est singulier que les Esquimaux du nord du Groenland auquel les Occidentaux ont voulu donner un destin en dénommant leur capitale Thulé, aient avec sagesse repris l'ancien nom de Qaanaaq et placé leur histoire sous la protection de leur dieu tutélaire: l'extraordinaire dent de narval, cette " licorne de mer " - narval antique - qui se reproduit tous les trois ans dans ces eaux arctiques de Thulé. Licorne: symbole de pureté, associé à la lune ? Elle est au Moyen Age associée à la Sainte-Vierge. Pour Saint Bonaventure, elle est " arbre de vie ". Elle vit, assure la tradition, chez le Prêtre Jean, à l'entrée du Paradis.
Dans la période troublée et menaçante que nous vivons, il n'est pas douteux que la conscience populaire accorde toujours à l'axe de la Terre, l'un des trois pôles Nord, un pouvoir d'équilibre. Porte du ciel, l'Étoile polaire est par ailleurs et selon la mythologie la plus sacrée, le siège de l'Etre divin, le trône du Dieu Suprême. Quaesivit arcana Polividet Dei (8).l'alliance antique entre l'homme et les dieux. » JEAN MALAURIE.centre d'études arctiques.
L'effacement de la différence entre thulé et les autres lieux mythiques fut, en particulier l'œuvre du suédois Olof Rudbeck , au XVIIIème siècle, à la fois savant, icône patriotique suédoise et linguiste délirant. Il écrivit en particulier 3000 pages d'une œuvre qu'il nomma Atlantica (Atland eller Manheim dans suédois) qui eut un grand succès et une abondante postérité , même si pour Diderot ce fut un exemple du mensonge des mythes. Rudbeck y prétendait que la Suède était l'Atlantide et que le suédois était la langue originelle
Rudbeck tout préoccupé par son panégyrique de la Suède introduisit un syncrétisme qui fit fortune par la suite. Il établissait une équivalence entre la Suède, l'Atlantide, L'hyperborée et Thulé, mêlant les mythes,celui du peuple des Atlantes, peuple heureux avant sa dégénérescence, et celui des Hyperboréens, qui menaient leur vie dans une nature idyllique, malgré leur situation septentrionale, dans une proximité étroite avec les dieux. Cette Suède mythique sous le patronyme de Thulé et de l'Atlantide eut une postérité où s'échangèrent habitants parfaits, civilisation matérielle avancée, relations privilégiées avec le divin, voire la même fin funestes en oubliant Pytheas et les racines antiques. Déjà la vision de Rudbeck fondait une conception nouvelle de l'histoire : il postulait un passé antérieur aux Hébreux, aux Egyptiens et aux Grecs, reconstitué grâce à des recoupements entre mythes relevant d'aires géographiques différentes. En même temps, il posait l'unité de la race humaine d'un point de vue différent du religieux en lui attribuant une patrie originelle commune, l'Atlantide/Thule, modifiant la représentation du passé et de la « terre primitive » non plus un lieu lié à l'enfance de l'humanité, mais le foyer d'une civilisation archaïque supérieure. Si le savant suédois se contenta d'exalter les racines antiques de la Suède et son ancienneté radicale, ses émules, en revanche, utilisèrent l'équivalence entre la Suède, l'Atlantide, l'Hyperborée et Thulé à des fins qu'il n'avait pas prévues. Ce fut le cas l'Allemand Georg Zschaetzsch dans « L'Atlantide, Patrie primitive des Aryens », 1922), les ufologues, les pseudo-scientifiques et autres occultistes (comme Antoine Fabre d'Olivet et son inspirateur Delisle de Sales, (Histoire du monde primitif ou des Atlantes, 2 vol., 1780). Les Atlantes seront tantôt présentés comme une civilisation supérieure dont le savoir immémorial aurait été transmis à l'humanité grâce à des sociétés secrètes tantôt comme des extra-terrestres influençant l'humanité depuis la préhistoire
« Si cette reconstitution de la genèse du genre humain avait été conçue par le savant botaniste essentiellement pour promouvoir l'Atlantide-Suède, conformément au gothicisme ambiant, elle fut par la suite réutilisée avec des arrière-pensées bien différentes du propos initial. Les occultistes et autres théosophes se précipitèrent en effet dans la voie ouverte par Olof Rudbeck en se référant à leur tour à un passe idéalisé et à un paradis des premiers temps, désormais disparu. Mais ils entendaient, pour leur part, réagir contre le matérialisme et le positivisme de leur époque et d'aujourd'hui; c'est pourquoi ils prônaient le retour du sacré et le dépassement des clivages religieux au profit d'une Philosophie Esotérique « qui concilierait toutes les religions, dépouillerait chacune de ses vêtements extérieurs, humains et montrerait qu'elle a la même racine. » Monique Mund-Dopchie. Op.cité
Je voudrai citer un exemple concret de ce syncrétisme mêlant les mythologies et les étymologies par un extrait d'un site web, intéressant, en ce sens qu'il véhicule et résume tout ce que mêle la tradition occultiste concernant Thulé : bel exemple de textes sur des textes, à l'infini des mythes ou les diverses mythologies sont rapprochées en dehors du contexte et où le texte est saisi d'emblée comme révélation d'une vérité cryptée. D'où l'héritage de Rudbeck visible par les jeux perpétuels sur l'étymologie, rendus possible, on l'a dit, par le fait que, depuis Goethe, Thule était d'abord et seulement un nom.
« Le terme Thulé semble inexplicable par les racines germaniques. Cependant il figure dans leur textes sous forme de Thulur "catalogue" et Thular "énumération" (saga). Mais Thula en vieux germanique et Thulr en vieux norois ont le sens de "poète*, chant, proser". Le surnom Fimbulthulr est un attribut de Wotan*, ce qui nous amène évidemment à Thuler qui signifie "initié*" et c'est beaucoup plus évocateur : Il est le Suprême Initié ! Remarquons aussi le verbe gotique thulan "ramasser" qui nous fera penser à nouveau à Wotan le Fimbulthuler, l'initié-initiateur qui "ramassa" les Runes* secrètes au pied de l'Arbre* du Monde (cf. art. Irminsul*).
« Thulé, l'hyperboréenne, Île au delà du Temps. Demeure des Immortels et des Élus de Fimbulthul – et la vôtre, un jour, peut-être, si vous savez barrer votre Navire au delà des icebergs et des tempêtes de votre mental. Et n'allez pas croire qu'elle ait été l'apanage des Grecs et des Germains : chacun partout pouvait l'atteindre et l'Ægyptien la connaissait aussi, lui qui l'appelait Benben ; et cette Île surgie des eaux du Noun céleste et sur laquelle l'oiseau Phœnix avait, à l'Aube des Jours, pondu l'Embryon d'Or duquel le monde était éclos. Cet Oiseau Phœnix, Héron cendrédes Ægyptiens, mais à Délos, un Cygne immaculé glissant comme une étoile au ciel au fil des eaux de la Voie Lactée – tout au Nord du monde, et juste sur le cercle du pôle…« Et c'était bien là, la grande Délos du Ciel que Poséidon jadis avait fait surgir de la Mer et se fonder, nous disent les vieux récits, sur une Colonne surgie des Profondeurs afin que Létô puisse enfanter hors d'atteinte de Python…
« Et ce furent Artémis et Son Frère Apollon, le Seigneur Pythien, Maître du Chaudron, de l'Holmôs ou du Graal*, et qui naquirent tous deux, comme Létô, sur cette Île au delà des regards que les Grecs nommèrent "l'Île-batie-par-le-Ciel" et nous Thulé, la Bienheureuse…»Racines Et Traditions En Pays d'Europe :
http://racines.traditions.free.fr/
Dans l'esprit du texte ci-dessus,on peut situer plusieurs œuvres du 20ème siècle, qui eurent et ont encore un grand succès public.
Ils présentent la même méthode comparatiste, arrachant textes et mythes de leur contexte et les sollicitant. Ainsi René Guenon (1886-1951), présenta Thulé, dans un livre le « Roi Du Monde », comme le centre ou s'incarnerait Manu le principe ordonnateur du monde. La encore il jouait sur l'étymologie qui ferait ainsi matière de preuves en invoquant le sanscrit où le mot signifierait la balance.(le signe zodiacal)plus une tradition chinoise où la balance céleste serait justement le lieu stabilisateur du monde et symbole de justice..L'étymologie permettait par assonance d'invoquer aussi une Tula mexicaine(le site de Tulum )et un mythe qui verraient les fondateurs venir d'une ile au milieu des eaux (aztlan)qui ne pouvait être que l'Atlantide, si l'on en croit le jeu des assonances.
« Un autre nom de la « contrée suprême » est probablement plus ancien que celui de Paradêsha: Tula, dont les Grecs firent Thule.
Cette Thulé était vraisemblablement identique à la primitive « île des quatre Maîtres ».
Le nom de Tula a été donné à des régions très diverses: on le retrouve de nos jours en Russie et dans l'Amérique centrale. La Tula mexicaine doit son origine aux Toltèques. Ceux-ci venaient d'Aztlan, « la terre au milieu des eaux » (Atlantide), et ils avaient apporté le nom de Tula de leur pays d'origine.
Il faut distinguer la Tula atlante de la Tula hyperboréenne. Cette dernière représente, en réalité, le centre premier et suprême pour l'ensemble du Manvantara actuel. Toutes les « îles sacrées » ne furent que des images de celle-là.
Le mot Tulâ, en sanscrit, signifie « balance », et désigne en particulier le signe zodiacal de ce nom. D'après une tradition chinoise, la Balance céleste a été primitivement la Grande Ourse. Note: « La Grande Ourse aurait même été appelée « Balance de jade », le jade étant un symbole de perfection. Chez d'autres peuples, la Grande Ourse et la Petite Ourse ont été assimilées aux deux plateaux d'une balance. – Cette balance symbolique n'est pas sans rapport avec celle dont il est question dans le Siphra di-Tseniutha (le « Livre du Mystère », section du Zohar): celle-ci est « suspendue dans un lieu qui n'est pas », c'est-à-dire dans le « non-manifesté », que le point polaire représente pour notre monde; on peut d'ailleurs dire que c'est sur le Pôle que repose effectivement l'équilibre de ce monde. » (p. 83)
La Grande Ourse est, dans l'Inde, le sapta-riksha, c'est-à-dire la demeure symbolique des sept Rishis. Ceci est conforme à la tradition hyperboréenne, tandis que, dans la tradition atlante, la Grande Ourse est remplacée dans ce rôle par les Pléiades, qui sont également formées de sept étoiles. On sait que pour les Grecs les Pléiades étaient filles d'Atlas, et comme telles, appelées aussi Atlantides. Tula est encore appelée l'« île blanche » (couleur de l'autorité spirituelle). Dans les traditions américaines, Aztlan a pour symbole une montagne blanche. Dans l'Inde, l'« île blanche » (Shwêta-dwîpa) est placée dans le régions lointaines du Nord, et regardée comme le séjour des Bienheureux.« Les faits historiques eux-mêmes, et surtout ceux de l'histoire sacrée, traduisent en effet à leur façon des vérités d'ordre supérieur, en raison de la loi de correspondances qui est le fondement même du symbolisme, et qui unit tous les mondes dans l'harmonie totale et universelle. » (p. 86) René Guénon ,Le Roi Du Monde
Il faut ajouter évidemment et plus récemment le journaliste et écrivain régionaliste normand Jean Mabire dont le livre « Thulé, Le Soleil Retrouvé Des Hyperboréens" se présente comme une quête des origines :
Chantre du « paganisme « nordique, l'auteur déplore l'inversion des valeurs due selon lui au christianisme où les esclaves seraient devenus les maîtres. « Nos ancêtres hyperboréens, européens avant la lettre, paysans et guerriers, avaient la hantise passionnée de l'individualisme et de la liberté. Ils avaient la sagesse de savoir qu'il n'y a pas de véritable individualisme sans ordre, sans hiérarchie, bref, sans « aristocratie populaire, car tout repose sur la sagesse et le courage, dans la grande assemblée des hommes libres »…. « Les hommes de Thulé ne peuvent que déclarer la guerre à toutes les internationales qui rêvent d'universalisme égalitaire ».
En partant du mot même de Thulé, terre du Nord, il lui fallait donc retrouver le chemin parcouru par tous ceux qui auraient été guidés par ce mot comme par un mystérieux mot de passe. Thule représentait à la fois un symbole et un lieu : « c'est le bout du monde, mais c'est aussi le but de la vie » une sorte de Graal une aventure intérieure alimentée par la recherche de l'île sacrée par excellence pourvue d'un étrange pouvoir de mobilisation engendré par son caractère religieux et qui servirait d'antidote à l'incroyance engendrée par les idées révolutionnaires et par les découvertes scientifiques
"J'ai travaillé assez longtemps à ce livre pour découvrir quel pouvoir magique contiennent ces deux syllabes insolites Thulé. De les prononcer devant le feu qui brûle dans une cheminée, et aussitôt les yeux s'emplissent de quelque rêve surgi du fond des âges. Cinq mille ans d'errance héroïque se réduisent en un seul instant fugitif. Soudain, tout redevient possible. Les Hyperboréens revivent parmi nous."…
J'ai choisi d'évoquer le mythe de Thulé sous la forme d'une véritable « Quête », personnelle et passionnée (…). Que ceux que le sujet intéresse fassent donc comme moi et qu'ils partent, à leur tour, à la recherche de l'île sacrée des Anciens. Ils auront, sans nul doute, la chance, par la merveilleuse conjonction du travail et du hasard, de voir peu à peu des certitudes surgir de la nuit de l'Histoire. Et ce n'est pas dans les bibliothèques que nous pourrons retrouver Thulé, mais d'abord au plus profond de notre instinct – et par un véritable pèlerinage vers les hauts lieux de notre monde, qui n'ont cessé, depuis le voyage de Pythéas-le-Massaliote, d'attirer ceux qui situaient au Nord de l'univers le pays-source des Hyperboréens.
Premier guide, Pythéas, considéré par l'auteur, comme navigateur « inspiré » bien plus qu'astronome, parti ,si l'on en croit Hérodote (qui n'en disait pourtant pas tant et qui ignorait jusqu'au nom), à la recherche de Thulé " une île de glace, située dans le grand Nord, où vécurent des hommes transparents" ;il sagirait pour lui, non de vérifier de quelconques calculs, mais de répondre à une sorte d'appel et de rechercher l'ambre, pierre magique par excellence. A la suite de Pythéas commença un long périple spatial et temporel vers les « portes de lumière » avec des jalons connus. Des noms comme Gobineau ou Wagner, des lieux comme Héligoland, .(l'auteur sans hésiter, situe l'Atlantide autour d' Héligoland ,terre sacrée selon l'étymologie,) , Stonehenge,etc. « Je savais qu'il existait une énigme, et donc un réponse, dans le comté anglais du Hampshire. Les pierres dressées de Stonehenge, le plus prodigieux temple solaire de notre monde, parlent toujours à ceux qui savent entendre les voix du granit et du vent ».
Pour l'auteur, l'univers atlanto-hyperboréen n'a pas disparu dans les cataclysmes universels. Il aurait survécu et l''esprit continuerait à vivre dans le secret d'Ordres chevaleresques ou de groupes initiatiques, dont le plus connu sera justement La Société De Thulé, fondée à Munich en 1918 et dont le grand maitre Rudolf von Sebottendorf, serait ainsi le dernier avatar de Pythéas-le-Massaliote. La société aurait eu parmi ses adeptes, certains dignitaires nazis dont Rudolf Hess et Alfred Rosenberg.
Cette société trouva un écho dans un livre encore plus célèbre à sa parution, Le Matin Des Magiciens, (1974) des journalistes Louis Pauwels et Jacques Bergier. La nature des thèmes traités dans cet essai est contenue dans la dimension paradoxale que revêt l'expression "réalisme fantastique". Ce dernier considère les réalités du monde – politiques, économiques, culturelles, scientifiques, littéraires etc. – à l'aune de l'occultisme et de la science-fiction. Plus généralement, il s'agit d'un mélange entre des domaines propices à une interrogation scientifique et ceux qui relèveraient de l'imaginaire, voire d'une forme de contre-culture qui aurait pour nom "ésotérisme". Les productions de l'humanité sont envisagées selon une conception de l'Histoire qui englobe le surnaturel, les sociétés secrètes et même les intrusions extra-terrestres. Selon ces auteurs, le nazisme n'était pas seulement une doctrine politique et économique, elle procédait surtout d'un retour au paganisme primitif, une « pensée mystique et magique opposée à l'ordre humaniste et rationnel du monde occidental. A en croire Pauwels et Bergier, Hitler sous l'emprise de courants occultistes, se considérait comme un voyant doté d'une perception magique du monde et comme l'annonciateur d'une nouvelle humanité dont la naissance était inscrite dans les lois du temps .Or ces convictions ne seraient pas venues de lui, elles lui auraient été inspirées justement par la Société De Thulé.Jean Mabire qui n'a jamais explicitement défendu le nazisme n'est pas loin des thèmes de Pauwels quand il écrit : « Cette enquête me donnait soudain un regard neuf sur la dernière guerre. Je comprenais tout ce qui séparait le Führer du Maître de Thulé : il avait transformé en lutte politique et en conquête militaire ce qui était d'abord une révolution spirituelle. Sebottendorf s'était voulu un Porte-Torche et Adolf Hitler un Porte-Glaive »
Pour éviter toute confusion sur le sens de mes propos (je reconstitue seulement l'histoire d'un nom et des mythes qu'il a suscité au cours du temps ;Lévi-Strauss a justement à propos de la mythologie défini une position dont j'essaie de m'inspirer ,celle de « passeur de sens » ,à l'instar de l'artiste qui propose une œuvre au public sans gloser dessus)), et parce qu'abondent sur le web des sites panégyriques des œuvres évoquées je laisse le lecteur juger de la signification profonde des thèses ci-dessus, en regardant et écoutant la vidéo suivante d'un proche de jean Mabire ,Pierre Vial,justement consacrée à la société Thulé.
« Cette histoire d'un mythe ne montre pas comment meurent les mythes, ce qui est en général leur sort, mais comment ils survivent, et même prospèrent, en se transformant »P.VIDAL NAQUET. ..
« Cette citation me semble éminemment transposable à la fortune de l'ultima Thule dans la mesure où notre île, à l'instar de l'Atlantide, n'a pas été conçue d'emblée comme le sujet d'un mythe, au sens le plus traditionnel et le plus répandu de ce terme, mais qu'elle a fini par le devenir. Ni l'une ni l'autre n'ont en effet été diffusées essentiellement à travers des récits anonymes, venus du fond des âges, qui ont été reconstitués par accumulation d'indices et par comparaison avec des récits analogues, mais sont au contraire les produits de textes datables et pourvus chacun d'un auteur-créateur, qui revendique véridicité et rationalité. Est-il besoin de rappeler que Platon nous offre un récit (celui de l'Atlantide) composé avec des accents hérodotéens et des indices thucydidéens, tandis que Pythéas a inscrit sa Thulé dans un traité scientifique ? Mais l'une et l'autre sont devenues peu à peu des mythes tels que la plupart des Anciens les pensaient, à savoir qu'il s'agissait d'un noyau de vérité historique dissimulé sous des couches superposées de merveilleux et d'affabu lations . » . Monique Mund-Dopchie. op.cité
Mais l'histoire a pourtant son ironie propre et prend sa revanche ; loin des débats des géographes depuis Pytheas, et loin de la mythologie parfois délirante ou pire que Thulé a suscité, le nom magique a fini par acquérir une localisation humble mais bien réelle et ce, par la vertu d'un seul homme. L'explorateur polaire Knud Rasmussen(voir les articles concernant les Inuit) renversa la tradition en décidant de nommer Thulé un endroit précis et déshérité au lieu de le rechercher de manière plus ou moins nostalgique.il fonda donc un comptoir de ce nom au village inuk Ummannaq, («Cœur de Phoque »), situé dans la baie de l'Etoile Polaire au Groenland .Son projet était d'accoutumer les inuit qui avaient acquis des besoins matériels nouveaux mais soumis aux aléas des rencontres au contact des explorateurs, marins et baleiniers, à des échanges réguliers et profitables : matériel moderne contre fourrures.. Ce comptoir devait également, dans l'esprit de son concepteur, servir de base à des expéditions ethnologiques menées chez les mêmes inuit. avec l'aide de ceux-ci, pour faire connaître et apprécier leur culture par les Occidentaux et par les Inuit eux-mêmes.(il en mena sept pour sa part) Il restait pourtant dans la tradition de « l'ultima Thule « puisqu'il faisait du comptoir et de ses habitants « l'avant-poste » de l'humanité.
L'histoire eut encore une ironie cette fois plus tragique : le gouvernement danois qui administrait le district accepta l'installation d'une base américaine. A la colère de l'ethnologue Jean Malaurie, qui dénonça le fait dans Les Derniers Rois De Thulé, en l'espace de deux mois (juin-juillet 1951), cinq mille Américains débarquèrent à Thulé et privèrent les Esquimaux polaires de 25% de leur territoire de chasse sans la moindre compensation. Un événement dramatique marqua finalement l'histoire du district de Thulé: le 21 janvier 1968, un B52, porteur de quatre bombes à hydrogène, s'écrasa à quelques kilomètres de l'aéroport. Il fallut plus de mille hommes (dont on ne connait pas le sort) pour décontaminer le site. Dès la fin de la guerre froide la base américaine plia simplement bagages.
« Silencieusement, comme respectueusement, le navire .s'avance. L'ancre est jetée le 23 juillet devant la montagne de Thulé où dans les brumes, dit-on, la glace et le roc se confondent. La fabuleuse Thulé devient pour tous enfin réalité.
Plus tard, lorsque le monde sera
Plus vieux, un moment viendra où
L'Océan déliera les liens des choses.
Une terre immense s'ouvrira et Thêtis
Découvrira des continents nouveaux.
Alors, Thulé ne sera plus la dernière des terres.(citation de Sénèque)
« ... Lieu dernier de ce pays glacé..., les doctes doutent de ton assiette... ». Le jour se lève. Ce point mystérieux du globe se découvre au travers de la brume sans le moindre fard. Le décor est hostile, sévère, sans pitié. Une plage rocailleuse et sale, un petit hôpital, une vingtaine d'iglous noires aux hauts murs de tourbe, quelques demeures danoises colorées de rouge et de jaune, des chiffons et des débris de caisse épars sur la grève, des ossements et de vieilles casseroles. Les commentaires sont désabusés, Thulé, ultima Thulé... Qui ne l'a célébrée ? Virgile, Pythéas. Thulé de Pythéas où, selon César, « la nuit régnait cent jours de suite au moment du solstice d'hiver ». Dicuil, Procope ont honoré ces rois de Thulé auxquels, en 512, les Hérules ont voulu s'allier. Thulé fut enfin le mythe des mages et des ésotéristes d'une Germanie en folie, puisque Ahnenerbe stiftung du Dr Scheffer devait être en 1933 à la base même du nazisme. Et il me revient en mémoire la singulière Thulé Gesellschajt du baron von Sebottendorff.
Je songe aussi aux avertissements que formulait, dès 1618, Pierre Bertius, cosmographe du Roy Très Chrestien. « La froidure y est indomptable... et... en tue plusieurs. L'hiver y dure neuf mois sans pleuvoir... Les plus riches se défendent... par le feu ; les autres par ,se frotter les pieds et les autres par la chaleur des cavernes de la Terre. Tout ce pais est plein d'ours cruels avec lesquels les habitants ont une guerre continuelle. Il y a aussi... si ce qu'on dit est vray, des licornes. Tous tiennent qu'il y a des hommes appelés pygmées... Les pygmées ont, paraît-il, une forme humaine, chevelus jusques au bout des doigts, barbus jusques aux genous, mais brutes sans parole et sans raison, sifflant à la façon des oyes... »
— « Hahinang Sounainn ! » Salut à vous !
Engoncés dans nos chandails, nous nous précipitons aux rambardes. La coque du navire annuel est ceinturée d'une dizaine de kayaks dont les occupants nous dévisagent. Petits, la face jaune et plate, éclairée d'un énigmatique sourire, ils examinent, en attendant leur heure, de quoi et de qui est faite la cargaison saisonnière » Jean Malaurie. Les Derniers Rois De Thulé. Terre Humaine
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