« Cette hantise de la mort, chez les nations de l'Amérique moyenne, avait atteint un degré extrême, et c'est sans doute pourquoi elles furent tenues par les Conquérants venus d'Espagne pour des civilisations vouées au malheur et au désespoir - et sans doute pourquoi aussi elles furent aisément conduites à leur fin. Mayas, Toltèques, Tarasques, Aztèques vivaient dans l'attente pessimiste d'une catastrophe. Les Prophéties du Chilam Balam, les pronostics des prêtres, les légendes et les récits mythiques, tout proclamait la proximité de la mort. Les peuples indiens ont vécu les grands thèmes de la philosophie avec une acuité qu'aucune civilisation de l'ancien monde n'a jamais connue. Pour eux, la vie n'est qu'un bref passage, et le néant emporte le monde. C'est que ces thèmes, pour les Indiens, n'étaient pas seulement des idées philosophiques, mais aussi une religion qui donnait son sens à chaque moment de l'existence. Totalement à la merci des dieux, les hommes mortels vivaient avec une ferveur sombre en vue de l'instant suprême où ils seraient unis avec leurs ancêtres ,dans l'au dela intemporel
L'extraordinaire richesse des mythes mexicains est à l'origine du sentiment d'horreur et de fascination que ressent Bernardine de Sahagun. La religion des anciens Mexicains, au moment où les Espagnols la rencontrent, est avant tout une passion, et c'est cela qui trouble et émeut les évangélisateurs. Ce peuple, qui a su vaincre et maintenir sous son joug les nations qui l'entourent, et qui a su inventer l'une des civilisations les plus raffinées de l'Amérique moyenne, est aussi l'un des peuples les plus dévoués à ses dieux, entièrement tourné vers le surnaturel. Chaque geste de la vie, chaque pensée, semble dirigé vers les seuls dieux.
Les dieux, les mythes sont derrière chaque événement. Sur le Mexique règnent une ferveur, une splendeur mystique inconnues de l'Occident. Comme sur les civilisations mayas ou toltêques, plane l'ombre de la fatalité. Mais en contrepartie, il y a l'exaltation, l'ivresse, le partage. Les dieux indiens ne sont pas inaccessibles. Ils ne sont pas indifférents. Ils sont très proches, ils sont liés à la terre et aux êtres vivants par un pacte de sang. Ils se nourrissent d'offrandes, de fumée, du corps et du cœur des victimes. Tout ce qui est vivant leur plaît, tout leur est dû. La prière est avant tout un échange que l'homme fait avec l'au-delà, par lequel il cherche à apaiser les dieux et à détourner de lui le malheur. Comme Sahagun le rapporte, non sans raillerie, l'Indien, si son vœu n'est pas exaucé, n'hésite pas à adresser des reproches aux dieux, à les insulter.J.M.LE CLEZIO. LE REVE MEXICAIN.FOLIO
Le premier soin des conquérants espagnol fut de détruire les religions indiennes et de convertir les Indiens au christianisme. La nouvelle religion, d'abord subie par les indigènes, fut ensuite acceptée volontairement, surtout dans les régions à forte densité de population du Mexique central, où la conquête spirituelle eut lieu très tôt et de manière intensive. Elle se fit avec plus de difficulté en pays maya, dans les lointaines montagnes du Centre, dans les steppes du Nord. Quelques groupes échappèrent à la conversion, d'autres furent à peine touchés. Les Indiens christianisés, c'est-à-dire la grande majorité, n'adoptèrent pas la nouvelle religion sans la modifier plus ou moins, l'adaptant à leur manière de penser. On peut ainsi citer le syncrétisme des Chorti du Guatemala.L'église est le centre de la vie religieuse, bien qu'il n'y ait pas de prêtre résidant dans le village. Le plus important des padrinos, spécialistes religieux âgés et respectés, est chargé de faire venir la pluie à la fin du mois d'avril. Les padrinos sont censés avoir reçu la permission, à la fois de Dieu et des divinités païennes, de célébrer toutes les cérémonies en rapport avec l'agriculture et les rites de transition. Dieu est placé au sommet d'un panthéon qui comprend de très nombreux êtres surnaturels, parmi lesquels figurent Chiccham, serpent à la fois unique et innombrable, Ah Q'in, dieu du soleil, de la connaissance et des pouvoirs magiques, les saints patrons des villages et des familles, souvent associés aux divinités païennes. La représentation des dieux païens ayant disparu depuis longtemps, les saints sont les seules divinités qui existent sous une forme matérielle.
Aujourd'hui, il n'existe donc pas une seule religion dans cette zone, mais plusieurs formes de vie religieuse : catholicisme, catholicisme teinté de paganisme, catholicisme sans polythéisme mais transformé, polythéisme. Quel que soit leur univers religieux, tous les Indiens sont extrêmement pieux et observent avec ferveur leur religion.
Les Indiens polythéistes restent une infime minorité. Parmi eux, les lacandons, d' il y a une trentaine d'années, lorsqu'ils pratiquaient encore leur culte, d'où une riche mythologie orale, à préserver.
Le panthéon lacandon comporte à ma connaissance une trentaine de divinités. Cela ne signifie pas que tous les campements lacandons possèdent tous ces dieux, ni même qu'ils en soupçonnent l'existence. Dans tel ou tel groupement, on ignore jusqu'au nom des dieux vénérés quelques kilomètres plus loin. Je ne veux pas dire non plus qu'un culte est rendu à toutes ces divinités : dans une région déterminée, certaines d'entre elles ont une place dans la mythologie, mais ne figurent pas dans le temple et ne font l'objet d'aucun culte. Elles ont peut-être eu à cet endroit-là une importance plus grande autrefois, importance qu'elles ont gardée dans tel autre caribal. Enfin) alors que certains dieux sont localisés géographiquement, d'autres ne sont pas situés d'une manière précise. Ainsi, suivant la région, le caractère des dieux change, leur histoire est différente, leur importance varie, leur localisation n'est pas la même, non plus que le culte qui leur est rendu. Autrement dit, nous nous trouvons devant une religion, une même religion, certes, pour toute la zone étudiée, mais à l'intérieur de laquelle les différences locales sont très marquées.
Chez les Lacandons, la société est donc tellement réduite et morcelée qu'un individu peut agir sur la religion : il peut l'appauvrir ; il peut aussi la transformer et l'enrichir
Cet aspect instable n'est-il pas un signe révélateur, dans cette tribu, d'une profonde décadence ? Nous avons admis, avec Morley, le caractère archaïque de cette religion. Cependant, l'importance de l'action individuelle et la faiblesse du groupe en matière religieuse amènent à penser que cette société est en train de se dégrader. Sommes-nous donc en face d'une société archaïque ou en face d'une société en décadence ? Telle est la question que suggère l'étude des Lacandons, aussi bien celle de leur religion, que celle des autres éléments de leur culture. A cette question, il nous est évidemment impossible de répondre. Les Lacandons sont trop peu nombreux pour que la connais sanceq ue l'on peut avoir de leur société soit concluante. D'autre part, leur passé nous est inconnu et l'on ne peut faire à ce sujet que des suppositions
Archaïques ou décadents, ou peut-être les deux à la fois, les Lacandons sont des paysans maya. Leur religion est celle d'une population rurale maya. Elle est relativement simple et ne comporte pas de classe sacerdotale. Ses caractères généraux sont propres à toute l'aire maya. On en retrouve tel ou tel trait dans tel ou tel groupe et à telle ou telle époque. C'est sur ce fond idéologique commun au monde maya que s'est élaborée la grande religion maya classique, infiniment complexe, au sein des hautes civilisations du Chiapas, du Yucatan et du Guatemala, en même temps que ces civilisations atteignaient leur apogée.". GEORGETTE SOUSTELLE. Observations sur la religion des Lacandons du Mexique méridional.Persée.
La pratique rituelle des indiens Lacandons s'inspire de diverses traditions religieuses pré-cortésiennes. Après la chute de la civilisation maya classique, au Neuvième siècle de notre ère, les habitants de la forêt qui survécurent au cataclysme(ou les nouveaux venus dans la région) continuèrent à visiter les centres abandonnés et à y pratiquer d'humbles rites. Comme l'on sait, la forêt du Chiapas et du Petén est parsemée de monuments en ruine (temples, pyramides, stèles...) qui furent érigés par les anciens Mayas durant l'époque classique (250-900 après J.C.). pour les Lacandons ces constructions sont justement l'œuvres de ces êtres surnaturels qu'ils appellent qu'ils appellent k'ul , les « dieux ». Ceux-ci qui auraient vécu jadis sur terre, ont laissé derrière eux leur maisons les grandes ruines mayas sont donc pour les lacandons « la maison des dieux » S'ajoutent aux ruines, des grands rochers du bord des lacs, où l'on allait autrefois en pèlerinage, et des grottes, anciens ossuaires sacrés des tribus qui les ont précédés.les os seraient ceux des dieux désormais invisibles .Leur esprit reste enfouis sous les rochers ou sont montés au ciels comme dans le grand site maya d' Yaxchilán.ils ont laissé aux hommes des encensoirs en terre cuite pour pouvoir communiquer avec eux déposés dans des huttes temples, qui sont aussi des maisons des dieux.
"Dans ce caribal du Sud, dont les habitants sont venus, si j'en crois le vieux chef, des jungles du Guatemala, le culte du Soleil et celui de la Forêt dominent toute la religion. Chez les autres Lacandons, une multitude de divinités occupent à la fois les trois cieux superposés, les encensoirs qui les représentent dans les temples, et certains lieux déterminés.
Kanank'ash, par exemple, « protecteur de la forêt », réside dans une falaise que j'ai pu entrevoir quelques instants, perdue dans la jungle qui sépare le fleuve Chocoljâ de la rivière de La Arena ; toute la forêt, autour de cette falaise, lui appartient, et mon guide lacandon m'interdit de couper ou de briser le moindre branchage. Itsanohk'ou, « le grand dieu Itsana », où l'on peut reconnaître, je crois, l'Itzamna des Maya classiques, habite lui aussi dans une falaise qui domine le lac Peljâ. Les Indiens qui vivent au bord de cette lagune l'appellent d'ailleurs « le lac d'Itsa-nohk'ou ». La haute muraille calcaire est marquée de pétroglyphes analogues à ceux du lac Metsaboc, d'empreintes de mains ouvertes, et d'un dessin représentant un serpent à plumes dont la facture, nettement différente de celle des pétroglyphes, s'apparente à l'art maya ancien. Enfin d'autres dieux hantent les ruines de Yaxchilân, la grande cité maya qui brilla de son plus vif éclat au vu" siècle sur la rive gauche de l'Usumacinta." JACQUES SOUSTELLE. LES QUATRE SOLEILS.TERRE HUMAINE.
Selon la cosmologie des indiens, Il y a plusieurs mondes et plusieurs cieux hiérarchiquement superposés, un nombre variable selon les groupes Lacandons (de trois à cinq). dans chacun il y a un soleil et au dessus du dernier une nuit éternelle . Il y a des dieux dans chacun des cieux. Les dieux qui vivent dans le premier ciel sont soumis aux dieux du deuxième ciel qui, à leur tour, dépendent des dieux du troisième ciel. Tous ces dieux ont à leur service des gens de race blanche,(gente) c'est-à-dire semblables à nous.
Dans CONTES ET MYTHOLOGIE DES INDIENS LACANDONS, l'anthropologue belge DIIDIER BOREMANSE, s'est efforcé de recueillir toute la tradition orole des Lacandons,avant la disparition complète de leur culte : il rapporte le mythe d'origine ci-dessous :
« Au commencement était Ka'koch. Ka'koch n'est pas le dieu de tous ; les Vrais Hommes ne le connaissent point. Notre Vrai Père, Hach Ak Yum, lui, connaît Ka'koch ; celui-ci est son dieu. Ka'koch créa la terre. Il ne fit pas une bonne terre. Elle n'était pas dure. Il n'y avait point de forêt, ni de pierres. Il n'y avait que de la terre et de l'eau).
Ka'koch créa la tubéreuse), pour avoir des adorateurs. On ne sait comment il les fit. Il les créa, les transforma dans la tubéreuse. Il les créa tout d'un coup. D'abord, il créa Sukunkyum, le Frère Aîné de Notre Père; ensuite Ah Kyantho ; enfin il fit le puîné, Hach Ak Yum, Notre Vrai Père). On raconte qu'une fois écloses les fleurs de la tubéreuse, ils naquirent. Ils n'eurent point de mère. Ils naquirent des fleurs de la tubéreuse, ce fut leur mère. Elle avait beaucoup de fleurs. Celles-ci s'ouvrirent, et ils en sortirent. D'abord les trois frères ne virent que la tubéreuse ; il n'y avait point de forêt. Sukunkyum vit que la terre n'était pas vraiment bien faite, et il ne dit rien. Ah Kyantho non plus ne dit rien ; mais il vit que ce n'était pas bon. Ils ne descendirent pas de la tubéreuse. Hach Ak Yum sortit de la fleur et il posa son pied sur le sol. Il marcha et dit :
— Ah ! pourquoi la terre n'est-elle pas dure ? Ce n'est pas bien ! La terre était bourbeuse, on s'y enfonçait. C'était comme un grand marécage.
— Je ne m'y habituerai point ! dit Notre Vrai Père. Comment ferai-je ?
Il prit du sable et le jeta sur la terre ; il l'y répandit. Elle devint sablonneuse ; il y eut des pierres. Notre Vrai Père attendit.
— Ai-je bien fait de jeter le sable ? Nous allons voir... se dit-il. La terre devint dure partout. Il l'examina en marchant, et dit à ses frères
:
— Fort bien, Seigneurs ! Maintenant, c'est de la terre ! Elle est très dure !
Voyant que la terre était bonne, Hach Ak Yum fit la forêt. Il créa tous les arbres. Il fit des lacs et des collines. Très bien ! Et rien que de la forêt. Il n'y avait ni serpent, ni oiseau, ni faisan, ni pécari, ni singe, rien. Il vit surgir les pierres. Il y eut des pierres (7) dans la forêt. C'était bien. Quand il eut fini de créer la forêt, tout fut en ordre. Désormais, la terre était bonne.
Cinq jours après naquirent les autres dieux, les assistants (8) de Notre Père : Itzana ; Sak Ah Pouk ; K'ulel, le balayeur ; K'ayoum, le Seigneur du chant ; Bor, l'échanson ; K'in, le joueur de flûte. Tous naquirent de la tubéreuse, mais on ne sait pas quel était leur lignage (9). Hach Ak Yum et ses frères sont du lignage « Singe-araignée ». D'une autre tubercule naquirent les dieux du lignage « Pécari » qui vivent ici, dans la forêt (10) : Mensabâk, le faiseur de suie ; Ts'ibatnah, qui peint les maisons ; Itzanohk'uh, le faiseur de grêle ; et Kanank'ax, le gardien de la forêt ; ainsi que K'ak, le dieu de la chasse et du courage, qui est du lignage « Chevreuil ». Ensuite naquirent les dieux mineurs. Ils sont très nombreux. Il n'y a personne qui les connaisse tous.
Dix jours plus tard naquirent de la tubéreuse les épouses de Hach a]j; Yum, Sukunkyum et Ah Kyantho.
Auparavant, Ka'koch avait créé le maïs pour Notre Vrai Père, et celui-ci montra à son épouse comment préparer des galettes et de la bouillie. Il fabriqua la pierre à broyer le maïs et lui enseigna à moudre les grains pour faire la pâte. Ensuite, Notre Mère fit les galettes de maïs sur une feuille de bananier et les cuisit sur le cornai (11). Après avoir fait les tortillas, elle apprit à préparer la bouillie de maïs (
Hach Ak Yum vivait à Palenque. Il avait fini de refaire la terre, et il songeait. Il avait réarrangé la terre, créé les arbres et la forêt. La terre était bonne. Notre Vrai Père était assis, et pensait. Puis il créa Kisin. Il le créa, et lui donna son nom : « Kisin » Il le créa dans la fleur « écume de nuit » ). C'est la fleur d'un arbre. Elle éclot durant la nuit et son parfum est délicieux. C'est la « tubéreuse » de Kisin, car c'est là qu'il naquit.
Hach Ak Yum prit de la terre et du bois pourri, et il les mit dans la fleur « écume de nuit », et Kisin en sortit à la tombée de la nuit. Ainsi naquit Kisin, et sa femme naquit en même temps que lui. «
Les lacandons pratiquaient le totémisme et l'exogamie. il existait pour se différencier dix noms d'animaux totems et deux noms de phratries (groupes différents qui permettent le mariage exogame): Karsiya et Kobo. Un système d'identification qui a pratiquement disparu sauf dans les groupes du nord ouest ou qui se réduit à un ou deux totems . Alors que la notion de clans totémiques est limitée aux hommes et aux animaux, l'on retrouve celle de phratries pour le monde surnaturel . Les « dieux » appartiennent à l'une ou à l'autre des deux phratries .Le soleil et la lune sont ainsi tous deux de la phratrie Karsiya, donc de la même phratrie, bien que mari et femme ;dans de nombreuses mythologies américaines, le mariage du soleil et de la lune correspond à l'inceste. Le soleil et la lune sont ainsi mariés. Ils sont tous deux blancs comme la «gente», comme les humains qui ne sont pas des Lacandons. La lumière que répand le soleil provient de sa tête. Il a dans le ciel un chemin bien ouvert, sans végétation, pour aller du levant au couchant. Quand le soleil arrive au couchant, Usukunkyum vient le chercher et le porte sur ses épaules, au moyen d'une planche. A minuit, le soleil se repose un instant et prend du pozol, puis Usukunkyum le transporte de la même manière jus qu'au levant.
Dans tout le Nord-Ouest, le monde souterrain est régi par un dieu bon Hachâkyum; par un dieu mauvais : Kisin. Le premier, accompagne le soleil dans son voyage nocturne. C'est lui le grand dieu bienveillant du monde souterrain, puisqu'il soutient les poteaux sur lesquels la terre est appuyée lorsqu'il y a un tremblement de terre, lequel est l'oeuvre du dieu mauvais, Kisin,le seigneur de la mort et de la putréfaction. Le mythe d'origine raconté ci-dessus évoque son nom dont l'étymologie reflète sa nature ambigüe : elle évoque « quelque chose qui pue »,l'odeur de la putréfaction ;une autre origine traduit celui par « qui cause la mort ».
Dans la mythologie Kinsin finit par vouloir tuer Hach Ah Kun,,devenu vieux lequel lui échappa en trouvant ou non de l'aide auprès des hommes( en récompense ou en punition le maïs deviendra beau ou la terre stérile). Il finit par se fabriquer un double trompeur que Kinsin tua. Ce mythe est rapporté par Didier Boremanse :
« Le double de Hach Ak Yum était moribond. Mais le véritable Hach Ak Yum pensait à toute autre chose ; il était allé faire le Monde Souterrain. Il était parti avec ses frères aînés, Sukunkyum et Ah Kyantho, et ils firent les piliers qui soutiennent la terre. Et puis ils firent la poutre transversale. Comme pour le toit des huttes, il y a une poutre transversale qui supporte la terre, pour qu'elle ne s'effondre pas. Ils firent aussi des maisons. Il y a des maisons, il y a de la forêt dans le Monde Souterrain ; il y a des arbres, il y a du gibier (mais il s'agit des âmes des animaux abattus sur la terre)). Ils firent la demeure de Sukunkyum, le gardien de Kisin. Hach Ak Yum créa Metlan), le feu où Kisin brûle nos âmes. Et il confia à Son Frère Aîné la garde du Monde Souterrain. »…
Cependant Hach Ak Yum avait fini de créer le Monde Souterrain. Alors il fit éclater la terre (Celle-ci se crevassa, s'ouvrit, et Kinsin s' y engouffra avec tout ce qui lui appartenait. Le sol se déroba sous ses pieds, il tomba, et la terre se referma au-dessus de lui. C'est ainsi Hach Ak Yum fit un sentier qui mène de la terre au Monde Souterrain (c'est par là qu'il en sortit), mais Kisin ne le connaît point. Lorsque Kisin se fâche, il donne des coups de pied sur les piliers qui soutiennent la poutre transversale sur laquelle repose la terre, afin qu'elle s'effondre. La terre tremble, mais ne s'affaisse pas. Le Frère Aîné de Notre Père ne le permet pas. Kisin remue et la terre vibre, mais c'est seulement pour nous effrayer, car elle ne s'écroule pas vraiment.
Après avoir envoyé Kisin sous la terre, Hach Ak Yum était content. Alors il s'en alla au ciel pour créer le firmament. Ka'Koch le dieu de Notre Père, avait déjà fait un ciel ; Hach Ak Yum en fit un autre. Il fit un ciel plus proche de la terre, celui de Ka'Koch est plus haut. Sous le ciel de Ka'Koch, Hach Ak Yum accrocha le ciel de I T'oub, et en dessous, il fit le sien
I l créa la sphère céleste en faisant monter de la fumée — comme des nuages qui montent à l'horizon et s'accumulent — de chaque extrémité du ciel jusqu'au zénith. Il fit se rencontrer ces nuages tout au-dessus. Ainsi se forma la voûte du ciel, dont la base est de pierre, dure. Hach Ak Yum courut voir au-dessus de cette voûte de fumée, et il vit... la forêt. Il y avait des arbres Il y construisit sa maison. Notre Mère-épouse-de- Hach Ak Yum et T'oub l'y suivirent, ainsi que tous ses assistants). Tous montèrent au ciel.
— Allons-nous-en, désormais nos créatures resteront sur terre. !
C'est pourquoi les Vrais Hommes se trouvent ici, sur la terre. »
Ka'Koch n'est pas bon. Chaque année, il voilait le soleil et causait ainsi la fin du monde L'humanité mourait de froid.
— Mes pauvres créatures ! disait Hach Ak Yum, elles ne sont guère nombreuses et Ka'Koch n'arrête pas de les détruire. Les jaguars dévorent sans cesse les terriens ; si je n'interviens pas, Ka'Koch les aura bientôt exterminés.
Hach Ak Yum parla à l'encensoir de Ka'Koch en vain. Voyant que ses efforts étaient inutiles, il monta voir son dieu et lui dit :
Ka'Koch avait couvert le soleil d'un voile noir.
__ Enlève-le ! lui dit Hach Ak Yum.
Ka'Koch ôta le voile, et le soleil reparut.
__Bien, dit Hach Ak Yum, ne cache point son visage.
Mais Ka'Koch continua de détruire le monde et les hommes en causant des éclipses. Alors, un jour, Hach Ak Yum déclara :
— Oh ! ce sont mes créatures, après tout. Moi, je vais créer un soleil pour qu'il éclaire les terriens. Et je n'ordonnerai point la fin du monde
Notre Vrai Père fit alors celui-qui-nous-chauffe, et il le plaça au milieu du firmament. Ce nouveau soleil, il le donna à T'oub. T'oub est le gardien du soleil, car il n'a point d'épouse. Quand son père lui en donnera l'ordre, il couvrira d'un voile le visage du soleil, et causera ainsi la fin du monde.
Le nom du soleil est K'in, et son épouse est Notre Mère, la lune (28). K'in est un Blanc qui a une boule de feu sur la tête. Lui et Ah Kyantho sont les seuls dieux qui soient blancs, mais K'in, lui, porte une tunique que lui tissa son épouse.
K'in sait que les jaguars de Kisin essayeront de le dévorer. C'est pourquoi il emporte toujours son arc et ses flèches avec lui. Quant à Notre Mère, elle emporte son métier à tisser pour frapper les jaguars au cas où ils s'approcheraient d'elle. Le soleil suit son sentier, qui va d'une extrémité du monde à l'autre. A midi, Sukunkyum lui apporte de l'atole et des tortillas. Au bout du jour, quand le soleil atteint son but, Sukunkyum va le chercher et le porte chez lui dans un hamac). C'est pourquoi quand il fait nuit sur terre, il fait jour dans le Monde Souterrain. Le soleil se repose et se restaure dans la maison de Sukunkyum, et puis celui-ci va le reconduire à l'autre bout du sentier pour qu'il reprenne sa course.
Hach Ak Yum créa aussi les choses-du-ciel) : les étoiles. Il vit que, lorsque Notre Mère était absente, la terre était très obscure. Aussi créa-t-il les choses-du-ciel. Il fit les étoiles avec du sable de pierres. D'abord il les sema, et dit :
— Ah ! les racines que j'ai semées seront des racines d'arbres. Toutes les racines des choses-du-ciel sont des racines d'arbres.
Les étoiles que nous voyons sont les racines des arbres que Notre Vrai Père a plantés dans la forêt du firmament. Lorsqu'un de ces arbres tombe, il cause la chute d'une étoile dans le ciel). Après qu'il eut créé les étoiles, il y eut de la clarté dans la nuit. Il ne faisait plus aussi obscur.
•— C'est très bien, dit Hach Ak Yum, leur clarté n'égale pas celle de la lune, elle éclaire juste à la tombée de la nuit. C'est parfait. ».
A suivre
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