ESPACES DE CULTURES ,ANTHROPOLOGIE,PHILOSOPHIE,VOYAGES...
SUIVEURS DE PISTES,DE SAISONS ,LEVEURS DE CAMPEMENTS DANS LE PETIT VENT DE L'AUBE ; Ô CHERCHEURS DE POINTS D'EAU SUR L'ECORCE DU MONDE. Ô CHERCHEURS,Ô TROUVEURS DE RAISONS POUR S'EN ALLER AILLEURS"...
SAINT JOHN PERSE .ANABASE.
L'anthropologie de l'espace (topologie sociale) n'est pas la une simple description des lieux.Elle se penche au contraire sur les faits d'organisation de l'espace, là où les cultures produisent des « lieux » porteurs de sens et des arrangements topologiques, signes d'une très grande créativité. L'objet de cette science humaine est donc de s'interroger sur la manière dont les diverses cultures envisagent leur relation avec leur milieu. Comment par exemple, ces relations se traduisent par divers dispositifs architecturaux.
« Le géographe, l'ethnographe, peuvent bien nous décrire des types très variés d'habitation. Sous cette variété, le phénoménologue fait l'effort qu'il faut pour saisir le germe du bonheur central, sûr, immédiat. Dans toute demeure, dans le château même, trouver la coquille initiale, voilà la tâche première du phénoménologue.
. Il faut donc dire comment nous habitons notre espace vital en accord avec toutes les dialectiques de la vie, comment nous nous enracinons, jour par jour, dans un « coin du monde ». Car la maison est notre coin du monde. Elle est — on l'a souvent dit — notre premier univers. Elle est vraiment un cosmos. Un cosmos dans toute l'acception du terme. Vue intimement, la plus humble demeure n'est-elle pas belle ? Les écrivains de « l'humble logis » évoquent souvent cet élément de la poétique de l'espace. Mais cette évocation est bien trop succincte. Ayant peu à décrire dans l'humble logis, ils n'y séjournent guère. Ils caractérisent l'humble logis en son actualité, sans en vivre vraiment la primitivité, une primitivité qui appartient à tous, riches ou pauvres, s'ils acceptent de rêver.
Ici, en effet, nous touchons une réciproque dont nous devrons explorer les images : tout espace vraiment habité porte l'essence de la notion de maison. Nous verrons, comment l'imagination travaille dans ce sens quand l'être a trouvé le moindre abri : nous verrons l'imagination construire des « murs » avec des ombres impalpables, se réconforter avec des illusions de protection — ou, inversement trembler derrière des murs épais, douter des plus solides remparts. Bref, dans la plus interminable des dialectiques, l'être abrité sensibilise les limites de son abri. Il vit la maison dans sa réalité et dans sa virtualité, par la pensée et les songes.
Dès lors, tous les abris, tous les refuges, toutes les chambres ont des valeurs d'onirisme consonnantes. Ce n'est plus dans sa positivité que la maison est véritablement « vécue », ce n'est pas seulement dans l'heure qui sonne qu'on en reconnaît les bienfaits. Les vrais bien-êtres ont un passé. Tout un passé vient vivre, par le songe dans une maison nouvelle. La vieille locution : « On y transporte ses dieux lares » a mille variantes.. Ainsi la maison ne se vit pas seulement au jour le jour, sur le fil d'une histoire, dans le récit de notre histoire. Par les songes, les diverses demeures de notre vie se compénètrent et gardent les trésors des jours anciens.» G.BACHELARD LA POETIQUE DE L'ESPACE.PUF.
Divers travaux concernent à cet effet les Ba-tammariba(ou Batammariba), tribu jusqu'ici préservée du Togo et du Benin. Il faut citer en particulier ceux de l'ethnologue DOMINIQUE SEWANE. Depuis l'âge de 20ans elle a accompli huit missions solitaires chez les TAMBERMA, (nom de l'ethnie au Togo) et leur a consacré de multiples publications. On peut citer, les « BATAMMARIBA, PEUPLE VOYANT », Carnets D'une Ethnologue, La Martinière. « LE SOUFFLE DU MORT », Terre Humaine Plon. « LA NUIT DES GRANDS MORTS ». L'initiée et l'épouse chez les Tamberma du Togo.
Elle fut en effet la seule femme à assister aux cérémonies les plus occultes (rituels funéraires dont elle a tiré un film, aussi l'initiation des garçons et des filles).En 2002, suite à son rapport, KOUTAMMAKOU, le pays des batammariba au Togo fut classé site du patrimoine de l'Unesco et Dominique Sewane devint, dans cette institution, titulaire de la chaire « Du Rayonnement De La Pensée Africaine ». Elle participe également à des travaux du « Cercle D'études Arctiques de JEAN MALAURIE .
« Mon illustre prédécesseur, Paul Mercier avait révélé en 1950 l'originalité de leur organisation sociale, modèle de démocratie et de tolérance. Je rencontrais un peuple fier, d'une extrême prudence quant à l'expression de la parole. Comme en toute société africaine, un maître du savoir ne dit pas tout, à n'importe qui, n'importe quand. « Comment, après quelques mois passés chez un peuple dont vous soulignez la réserve, avoir l'ambition de saisir une pensée aux racines millénaires? » m'avait demandé Jean Malaurie. Je devais retourner chez eux et m'astreindre à tenir un journal de terrain, lequel, tout en reflétant la personnalité de l'observateur, permet d'éviter l'écueil de la généralisation abusive….
Pourquoi une ethnologue africaniste, accueillie depuis les années 1980 par les Tamberma du Togo, qui arpente les sentiers des monts et de la vallée de l'Atakora sous des températures voisines de 40 ou 45°, a-t-elle rejoint au Centre d'Études Arctiques des chercheurs œuvrant sur les glaces du nord canadien, sibérien ou du Groenland, sous des températures de - 50, parfois -70° ? Pourquoi suis-je revenue, depuis 1985, suivre les séminaires que dirige Jean Malaurie en compagnie d'autres scientifiques venant des horizons les plus divers : médecine, droit, philosophie, préhistoire, archéologie, géographie ? Car, selon le vœu de Jean Malaurie, le Centre est essentiellement interdisciplinaire, il multiplie les regards croisés. L'enseignement centré sur l'anthropogéographie a donné une impulsion imprévue à mes propres recherches.
Essayer d'atteindre au plus près le sens des mots ou métaphores utilisés par une société pour faire allusion à une expérience rare, de type religieux : œuvre de longue haleine qui appelle à l'humilité, la constante révision de ses notes, une observation renouvelée des faits, rappelle Jean Malaurie. C'est cela que j'ai essayé de mettre en pratique à chacune de mes missions chez les Tamberma, prenant conscience de l'importance du détail, par conséquent du soin et de la précision apportée au carnet de terrain, point d'appui d'une réflexion ultérieure et garde-fou contre les extrapolations auxquelles se laissent trop souvent entraîner un ethnologue.
Cette approche tranche avec un esprit de système, né dans les années soixante, qui s'impose au sein de l'Université et des organismes de recherche. Ne voulant reconnaître comme fiable qu'une science à sens unique, prioritairement théoricienne, il éradique par la raillerie ou la calomnie des auteurs ou chercheurs situés en dehors de la ligne : Gaston Bachelard, Roger Bastide, Philippe Ariès… et pour finir, étouffe tout esprit créatif, induisant l'asservissement de la pensée. Exemples les plus récents : structuralisme, marxisme, voire freudisme, à présent déconstructionnisme : ainsi vont systèmes et théories. Un ethnologue s'intéressant au fait religieux, unique témoin de scènes rituelles dont, jusqu'ici, il n'a trouvé l'équivalent dans une autre société connue - je pense ici à mes propres recherches sur le rituel féminin des Tamberma - peut-il encore montrer l'assurance de ses aînés, prompts à construire des modèles théoriques à partir de faits partiellement observés, recueillis au cours de quelques mois ou années de terrain ? Le Centre m'a appris l'humilité du chercheur et, avant d'avancer une hypothèse, l'observation renouvelée, sans relâche des faits, tout en proposant ses interprétations à la libre discussion de spécialistes » .DOMINIQUE SEWANE.CERCLE D'ETUDES ARCTIQUES
L'administration coloniale qualifiait de Somba(les habiles maçons) un groupe socioculturel occupant la montagne et le pied de la châine de l'Atakora. au nord du Bénin et du Togo et d'une superficie totale d'environ 5 000 km. On distinguait ainsi les Betiabe, Batammariba, (singulier Otommari) et les Besorbe.. Bien que peu élevée (1000 m) la chaîne de l'Atakora a représenté une « zone-refuge » pour une mosaïque de peuples de langue voltaïque. Alors qu'au Bénin les ba-tammariba, (à peu près 250000), sont désignés sous le vocable « Somba », ils sont appelés Tamberma au Togo (au nombre de 20000). Le mot Tamberma est une déformation de «Ba- Tammariba » ou « Ceux qui construisent en pétrissant la terre humide ».
« ils forment une société clanique d'éleveurs agriculteurs, composée de sous-groupes, nuancés au niveau rituel ou linguistique, ce qu'avaient déjà remarqué en 1950 Paul Mercier et Albert Maurice, militaire à Natitingou, et dans une moindre mesure dès 1909, l'ethnologue allemand Léo Frobenius au Togo. Les Batâmmariba se définissent par l'acte d'édifier des forteresses ou takyiènta à l'architecture raffinée. Leur mode de construction, dont on ne trouve nulle part l'équivalent, continue d'intriguer les observateurs. De même reste énigmatique le lieu de leur origine, Dinaba, « situé vers le nord », qu'ils se refusent à divulguer. « À Dinaba nos ancêtres construisaient déjà des takyiènta », affirment les anciens. Pendant les longues années ou siècles de leurs migrations, les Batâmmariba, dont le nom (au singulier, Otâmmari) signifie «ceux qui malaxent la peau fine de la terre pour façonner un contenant épousant le contenu», auraient conservé le plan de leurs takyiènta dans leur tête. Des jeunes gens de Warengo me l'ont confirmé en me donnant cet exemple : « Si l'un de nous émigrait en France, ses descendants oublieraient-ils comment construire une takyiènta?» L'Atakora, arrosée par des sources, protégée par de hautes gorges et précipices, apparut à leurs ancêtres comme un havre de paix. Là, ils pourraient à nouveau construire leurs takyiènta, et en toute liberté, vivre selon leur « manière d'être ». Ne donnèrent-ils pas le nom de Dinaba au premier lieu de leur installation, situé au Bénin, avant que les différents sous-groupes ne se dispersent vers l'est et le sud ? Si les Batâmmariba refusent de situer Dinaba - révéler ce secret, disent les anciens, serait provoquer la mort de tous les Batâmmariba, et même de l'ensemble du genre humain - ni dire pourquoi et à quelle époque les ancêtres le quittèrent, aucun Otâmmari n'ignore comment leurs ancêtres faillirent être ensevelis dans « une matière molle » avant de mettre le pied dans l'Atakora. « Les Forgerons allumèrent leurs feux, durcirent la terre et nos ancêtres purent continuer leur route. » Dans ce récit, où se mêlent légende et réalité historique, il semble, estiment des historiens du Bénin tels que Koumba Koussey ou Emmanuel Tiando, que les Forgerons désignent ces peuples métallurgistes de haut niveau culturel qui ont précédé les Batâmmariba et peut-être d'autres populations de cette partie de l'Afrique. Ici, il s'agirait des Waba et de leurs sous-groupes, dont les uns savaient extraire le fer à l'aide de hauts fourneaux, d'autres le forger ».D. SEWANE.les BATAMMARIBA,PEUPLE VOYANT.
Tous ces peuples ont en commun la forme architecturale des « châteaux » ou TAKYENTA : des tourelles réunies par un haut mur d'enceinte, donnant un aspect de bâtiment fortifié. . Les takyiènta dotées d'un grenier sont caractérisées par une forme quasi sphérique surmontant une base cylindrique. Certaines possèdent des toits plats, d'autres des toits de chaume coniques . On les nomme aussi TATA vocable désignant en Afrique de l'ouest, un ouvrage architectural de nature défensive. On parle ainsi de Tata Somba ou T. Tamberma. Peut être à l'origine, un habitat de guerriers contre les animaux ou les invasions tribales, En fait cette architecture dépasse de loin cette vision simplement utilitaire. C'est un univers en miniature, un « lieu de sens », symbolique et religieux.. Les takyiènta sont regroupées en villages comprenant des espaces cérémoniels, des sources, des rochers et des sites réservés aux cérémonies d'initiation. Il y a donc une association étroite et spirituelle, une authentique harmonie entre la population et le paysage naturel.
La cellule de base est la petite takyiènta, réunissant un couple généralement monogame et deux à six enfants occupant l'habitation fortifiée portant, elle aussi, le nom de takyiènta. Le prestige du maître d'une petite takyiènta dépend de la quantité de ses récoltes de sorgho, mais aussi de fonio3. Le statut privilégié de ces deux céréales se lit dans l'espace qu'elles occupent dans la takyiènta. Une takyiènta à étage est remarquable par la symétrie de sa construction. Tournée vers l'ouest, formée de tours reliées par des pans de murs, les deux tours maîtresses sont les tours de support de deux greniers, gigantesques poteries d'argile recouvertes de chaume qui s'élèvent à chaque extrémité de la terrasse.
Au sud, le grenier masculin dans lequel, après l'unique récolte de l'année, sont engrangés sorgho, fonio et mil blanc4. Au nord, le grenier féminin où sont gardés condiments, fromages, céréales glanées par l'épouse. Dans la pièce du bas, toujours plongée dans l'ombre car réservée aux autels d'ancêtres, est (était) gardé pour la nuit le troupeau de vaches. Un autre lieu, tout aussi important, précède cette pièce : le vestibule, séparé en deux parties distinctes de part et d'autre de l'étroit couloir d'entrée, pans la partie nord, une table de terre supportant une meule dormante sur laquelle l'épouse écrase à sec les grains de sorgho (et de mil blanc) à l'aide d'une molette. Dans la partie sud, le trou à piler le fonio '. Il apparaît alors que la symétrie de la takyiènta et l'harmonie de ses formes sont dues à l'équilibre d'une architecture qui favorise aussi bien la protection des vivants et des souffles des morts, que la préservation et le traitement du fonio et du sorgho (et du mil blanc).D.SEWANE LE SOUFFLE DU MORT. TERRE HUMAINE.
Au Togo Les Tambermas, sont chasseurs, agriculteurs, éleveurs et vivent dans la région de la Kara (Préfecture de la Kéran), au nord-est. Leur territoire est limitée à l'est par la frontière bénino-togolaise et les monts Losso-Kabyè (monts du Togo), et à l'ouest par la plaine du fleuve Oti (encore appelée plaine de la Kara). Dans la région domine la savane de type soudanien, qui se développe sur des sols ferrugineux. Le climat est de type tropical sec caractérisé par une saison sèche et une saison pluvieuse. Parmi les plantes vivrières, les cultures prioritaires au niveau social et symbolique restent le sorgho,le , gros mil » et le fonio, une place particulière étant réservée au mil blanc ou « petit mil » .Les cultures secondaires, plus récentes, sont l'igname, le manioc, le riz, puis le haricot, la tomate, le gombo, les plantes à condiments, le tabac, enfin les produits de cueillette tels que noix de néré et de karité, mangues, fruits et feuilles de baobab.
Le peuple Tamberma vit en symbiose avec son environnement, son territoire, dont il tire toutes ses ressources vitales. Celui-ci est habité par les hommes, mais aussi leur âme, ainsi que leurs ancêtres et défunts, puis enfin les esprits protecteurs ou nuisibles. Sur le territoire tamberma, les lieux possèdent donc une force matérielle, et aussi une force vitale immatérielle.
La base de la société est le kunadakua, qui regroupe les takyiènta (maisons, familles) de plusieurs frères rassemblées autour de la takyiènta d'un père. La maison paternelle porte le titre de Vieille Takyiènta parce qu'elle possède l'autel d'une aïeule qui fait l'unité du kunadakua. A la mort du père, la maison est héritée par le fils benjamin1. Un village est formé de deux ou plusieurs clans, chacun subdivisé en un nombre variable de kunadakua. Un kunadakua, lieu mouvant reflète l'ambivalence de la société otâmmari, partagée entre un individualisme exacerbé et la volonté de maintenir la cohésion des « liens de maison » dont est garant l'autel de l'aïeule. Par la souplesse de leurs articulations, les kunadakua assurent la mobilité du groupe et sa faculté d'adaptation En principe, les maisons d'un kunadakua sont construites dans un même quartier, mais l'éloignement étant le garant d'une entente à long terme, les frères évitent souvent un voisinage trop étroit en bâtissant leur takyiènta à une certaine distance de la takyiènta paternelle. Que les maisons d'un même kunadakua soient ou non éloignées les unes des autres, l'entente des frères se cristallise autour d'un troupeau de bœufs.
Traditionnellement les villages n'avaient pas de chefs. Les vieux, les bèkotibè (pluriel de okoti) formaient le conseil (dieye )des anciens Il est vraisemblable que cette assemblée résultait de l'entente entre les diverses tribus ou les divers clans peuplant le village. Ces anciens étaient chargés de régler les affaires litigieuses qui survenaient au sujet des champs et des cultures, de l'installation des étrangers, des bagarres surgissant au cours des fêtes, des enlèvements de femmes, des histoires de bétail, etc. Un fait important est le grand âge des dignitaires en question, gage d'expérience et de connaissances, mais leur pouvoir dépend quand même étroitement de la cohésion socioreligieuse du groupe Cette manière de gérontocratie excluait les jeunes des délibérations. Il est difficile de distinguer l'étendue des pouvoirs des anciens et leur interpénétration réciproque du village au clan.. Certainement quelques-uns par leur courage et leur énergie réussissaient parfois à se créer de petits fiefs où leur autorité pouvait être à peu près respectée. Dans ce sens il est possible de parler de chefs et même de familles de chefs, mais pas de classes sociales bien tranchées ; la société est certainement en fait une des plus démocratiques qui soient. A cet égard, les soucis de prestige et d'hospitalité interviennent fortement pour rétablir quelque peu les inégalités de fait, d'autres fonctions sont religieuses : le rôle de « l'uboya » ( ou wadakônto) peut y être considéré comme ayant gardé ses caractères anciens. Chef religieux du clan, il garde certainement une grande autorité pour tout ce qui concerne les cérémonies religieuses et les coutumes de la collectivité, mais son pouvoir s'arrête là ; ce pouvoir étant, du reste, surtout visible lors des périodes de fête. L'uboya exerce les fonctions de gardien suprême du bosquet du difwani, lieu du rituel d'initiation des garçons. Il préside aux fêtes de la récolte, aux fêtes d'initiation et à celles de réparation et de purification
« La société tammari, dite sans État, sans chefferie, ne reconnaît que l'autorité religieuse des responsables des rituels initiatiques, choisis sur des critères éthiques, notamment discrétion et maîtrise de soi. La réputation « d'anarchique » ou « d'individualiste » que lui a faite à tort l'administration coloniale allemande, puis française, au début du siècle, vient de la méfiance quasi viscérale des Tammariba à l'égard de tout pouvoir centralisé, sans qu'ils remettent en cause une stricte hiérarchie entre Aînés et cadets basée sur le respect, et non sur une domination économique. Le kunadakua, cellule de base de la société, capable à tout moment d'éclatement et de refonte, est l'élément moteur qui empêche toute. sclérose ou stratificatio »n .D.S. OP.CITE
La question de l'origine des Ba-tammariba est un mystère qu'ils entretiennent soigneusement. D'un point de vue mythique, « ils sont les enfants du serpent» un python souterrain FEWAAFE qui a couvé les œufs d'où sortirent leurs premiers ancêtres. D'un point de vue historique aussi bien que mythique, ils se disent originaire de « DINABA » au Bénin, (le mot évoque le nom d'un roi Mossi). Mais ils se taisent résolument sur l'emplacement exact de ce lieu, sur l'histoire et même la signification exacte du nom. les Batammariba se seraient ainsi réfugiés dans la zone actuelle, venus du nord ou du nord-est du Burkina Faso pour mieux se protéger de la domination que cherchaient à imposer les royaumes des Mossis ou Gourmantché .Ils affirment avoir été jadis des éleveurs nomades, ou semi-nomades.
Il existe des mythes aux formes variées qui évoquent leur migration, ou se mêlent récits traditionnels et géographie. Ils racontent en gros que les batiatiba,un groupe maitrisant la technique de la métallurgie les auraient accueillis avec amitié et qu'il en serait résulté des mélanges ethniques. . On retrouve à travers ces mythes la trace d'une croyance au Déluge. La terre, à une époque, aurait été couverte d'eau et l'étendue liquide s'opposait à la progression des peuples en marche. Heureusement les « forgerons », allumant leurs feux et soufflant avec leurs soufflets, parvinrent à assécher la terre devant eux et permirent la suite du voyage . D'autres se trouvèrent bloqués dans une gorge de la montagne . Avec une corde, certains clans réussirent à franchir l'obstacle et à se hisser sur le plateau, ne permettant pas à leurs successeurs ; les uns et les autres sont demeurés ennemis traditionnels. Les derniers restèrent donc en bas et pour gagner leur habitat actuel ils auraient fait un détour, empruntant une autre route. L'ethnologue Paul Mercier un des précurseur de l'étude de ces peuples établit, dans Études Dahoméennes, que ces mythes traduisent en fait le mouvement réeel des migrations. Certains clans auraient ainsi franchi des chaines en des endroits abrupts,d'autres auraient suivi des vallées et traversés des marais.
On ne doit pas approcher des « fins dernières » : le lieu d'origine des premiers ancêtres, Dinaba « D'où sont sortis les Batàmmariba ? demanda à un okwoti l'historien béninois Noël Koussey. — De Dinaba, situé quelque part vers le nord. — Où se trouve Dinaba ? — Ces choses-là ne se disent pas, mon fils, si tu veux vivre longtemps ! »
« Sur Dinaba ne filtrent que ces informations : là virent le jour les premiers ancêtres, éclos d'oeufs, couvés dans la boue par le Serpent, lequel a non pas favorisé leur naissance, mais entouré de soins leurs premiers jours, leur permettant de survivre. C'est pourquoi les Batàmmariba se disent « enfants du Serpent ». Un Serpent femelle souterrain, invisible, dont l'élément est la terre humide. Dinaba est lié au nord, au Serpent, à la boue. La boue dans laquelle tout se décompose, se liquéfie et se régénère. La boue dans laquelle naquirent les premiers ancêtres, et où ils faillirent périr après leur départ de Dinaba. « En ce temps-là, ils portaient une peau de bœuf nouée à la taille et marchaient à la suite de leurs troupeaux, me racontait Yambuane. Quand ils quittèrent Dinaba, ils allèrent droit devant eux. Après avoir longé un couloir encadré de très hautes montagnes, ils débouchèrent dans une vallée recouverte d'une matière molle, où ils commencèrent à s'enliser. Alors les Forgerons allumèrent leurs feux, durcirent la terre et les ancêtres purent continuer leur route. » D.SEWANE LE SOUFFLE DU MORT.
« Lorsque, suivant leurs troupeaux, les ancêtres des Batâmmariba du Togo arrivèrent dans la vallée de l'Atakora, la région était faiblement occupée par les Babiatiba, peuple de forgerons. Ces derniers, quelque temps après avoir accueilli comme des amis les nouveaux arrivants, se déplacèrent vers le nord-ouest, dans la région de Mango, laissant derrière eux trois clans, dont les descendants habitent le canton de Nadoba. Ils ne s'en allèrent pas sans avoir présenté leurs hôtes aux esprits qu'eux-mêmes avaient reconnus, afin qu'ils continuent à leur célébrer un culte. Sinon, tourmentés par des rêves terrifiants, ils auraient été contraints de quitter les lieux. En cela, les Batâmmariba se conformaient à une tradition sans doute universelle. « Toute installation sur un territoire semble avoir été précédée par une présentation aux esprits de la terre. Platon ne conseillait-il pas aux fondateurs d'une colonie de reconnaître d'abord les sanctuaires des divinités locales, et de les consacrer à nouveau dans leur propre religion en instituant des fêtes aux jours dus ? » écrit John Michell dans l'Esprit de la terre et ïe génie du lieu. Dans la plaine, les Batâmmariba se regroupèrent à l'est, au pied de la montagne, à l'endroit que leur désignèrent les Babiatiba. Il était envahi par la forêt et les broussailles. Ce qui allait devenir leur pays correspondait à ce que l'on définit sous le terme de «savane arborée». Non pas une forêt dense comme la forêt tropicale, mais, sur cette terre latéritique de couleur ocre, des arbres centenaires au tronc épais - baobabs -, aux racines solides - karités, nérés, caïcedrats. Le pays était le domaine d'une faune aujourd'huidisparue, dont le souvenir reste vivace dans les récits de chasse : antilopes, lions, girafes, phacochères, buffles, léopards. Les Batâmmariba n'auraient pu survivre - construire des habitations, cultiver et chasser - sans l'intervention des Voyants. L'acte de défricher une terre vierge comporte un danger mortel. « Déraciner réclame une provocation, une violence, des cris », écrit Gaston Bachelard dans La Terre et les Rêveries du repos. Arracher des arbres revient à déloger les forces qui les ont fait naître, il constitue le principal méfait des agriculteurs. Le premier défrichage aurait été ressenti par les «premiers du lieu » comme un acte d'agression inouïe, si certains de ces puissants n'avaient pris le risque d'aller à leur rencontre. Un Voyant vient au monde avec une qualité à laquelle sont immédiatement sensibles les humains comme le sont les forces de l'invisible : le pouvoir de séduire. « Ceux de sous terre » furent-ils séduits par le chant des Voyants, d'une incomparable douceur? De même, c'est en chantant qu'un Voyant apprivoise la redoutable force de brousse qu'il découvre à l'intérieur d'une petite corne, destinée à devenir la « chose » du di'fcùntri, l'initiation féminine. Cependant, le Voyant sait que son geste aura pour conséquence sa mort prématurée. « II donne sa vie pour le bien des générations futures. » Les villageois élèvent un autel à l'endroit de la rencontre. Un autel discret : une pierre ou des branchages adossés aux racines d'un arbre. L'arbre en lequel s'est incarnée la force et dont il sera interdit, désormais, de soustraire la moindre branche... sinon la vengeance ne se ferait pas attendre : lèpre pour l'imprudent, tornades sur l'ensemble des cultures. De même seront respectés les autres arbres et végétaux poussant à proximité, « aimés » de la force. Ainsi se multiplient sources, bosquets, marigots, rochers, « petites brousses » insérées entre les champs et les habitations, qui confèrent à leur pays une incomparable sensation de liberté et par endroits, l'apparence d'un monde originel. En échange de parcelles qu'ils s'engagent à laisser intactes, les Batâmmariba ont acquis le droit de faire fructifier une terre qu'ils ont comme premier devoir de transmettre à leurs descendants dans l'état où elle leur a été confiée. Il n'est pas de sacrifice qui ne débute par ces paroles : « Cette terre, nous ne l'avons pas volée. Elle appartient aux premiers du lieu.» D. SEWANE.les BATAMMARIBA,PEUPLE VOYANT.
Les carnavals masqués , continuent à rendre hommage aux mythes anciens un peu partout . Habillé sous forme de chèvre, de diable, d’ours ou de monstre avec mâchoire en acier, « l’homme sauvage » appartient au monde de ces mythes.
Le photographe Français Charles Freger découvre le Krampus ) à Salzburg lors d’une mascarade. - créature démoniaque, née dans des pays comme l’Autriche, la Bulgarie ou la Slovénie. Fasciné par la rencontre, il se mit à la recherche des divers figures du mythe dans une chasse photographique à travers, ce qu’il appelle « l’Europe tribale ».
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