On peut cliquer sur les vidéos pour entendre en même temps des joïks, chants traditionnels
« Après les Indiens, les Sâmes sont parmi les peuples les plus étudiés dans le monde. L'intérêt des chercheurs nordiques et russes est bien compréhensible, puisque le territoire sâme s'étend sur quatre pays. Mais Français, Allemands, Italiens, Anglais, Hollandais, Américains ou Canadiens sont aussi fascinés par l'exotisme de la recherche dans le Grand Nord. Membres d'expéditions ou voyageurs isolés, ils appartiennent à divers domaines scientifiques économiques, écologiques ou socio-historiques. On a écrit aussi nombre de traités sur l'environnement écologique, la flore et la faune, sur les changements survenus dans l'histoire sociologique etla structure économique de la société sâme, ou encore sur l'anthropologie ph ysique et sociologique ». Mythologie Des Lapons. Juha Pentikaïnen. Imago.
« Lorsque le célèbre savant suédois, Sven Nilssen voulut, il y a un demi-siècle, prouver que les trolls et les nains des superstitions populaires étaient en réalité des êtres humains qui appartenaient à la même branche que les Lapons, il basa ses convictions sur la croyance populaire qui estampillait ces derniers comme un peuple de sorciers repoussant, sournois, couard, voleur et méprisable. »
« Un écrivain norvégien du nom de Hageman écrivait, il y a une dizaine d'années, que les Lapons se distinguaient des autres habitants en ceci qu'ils étaient « des gens fourbes, de mauvaise foi, ivrognes, méchants, et portés sur toutes sortes de sorcelleries et méchancetés diaboliques ».
C'est un tissu de préjugés bien ficelés, révélateur de la vision que peut avoir une société civilisée aux règles bien établies sur les peuples primitifs en général. On ne cherche aucunement à comprendre, on prête l'oreille à toutes sortes de choses incohérentes sur leur sauvagerie et leur brutalité et on répand des préjugés bourgeois et frivoles sans la moindre trace de preuves ; on ne peut reconnaître qu'une forme d'existence, celle consacrée par la loi, c'est-à-dire la vôtre. Que l'on puisse engendrer et développer hors de ce cadre des hommes ayant des qualités bien supérieures à celles des enfants très ordinaires et dûment répertoriés que sont les citoyens, voilà une chose que l'on n'a jamais pu comprendre.
Les Lapons énervaient car ils vagabondaient dans leurs étendues sauvages sans être d'une grande utilité à la société. Ils étaient choquants car ils ne nourrissaient pas le moindre sentiment de solidarité envers les hommes qui tôt ou tard deviendraient les fossoyeurs de leur vie d'hommes libres. On leur offrait l'intégration, ils n'en voulaient pas. On leur lâcha alors les mercenaires de la civilisation qui rajoutèrent ainsi une « victoire » de plus à toutes les autres….
Tous les Lapons des forêts au sud de la rivière Pite sont aujourd'hui des paysans, se vêtissent comme des Suédois, reçoivent un enseignement scolaire et, en partie, ont adopté un mode de vie suédois. Les mariages avec les familles suédoises sont courants. Les constructions et leur équipement suivent tout à fait le style des colons.
Les Lapons des forêts ont abandonné leur identité, et leur absorption totale par la nation suédoise n'est qu'une question de temps.
En dehors de ces groupes précités, il en existe une multitude de très pittoresques qui rentrent difficilement dans une catégorie particulière : c'est le prolétariat du peuple lapon qui, de nos jours, se chiffre aux environs de deux mille individus, soit approximativement un tiers des Lapons suédois réunis. Ils errent dans tout le nord de la Suède, souvent pourchassés d'une paroisse à l'autre par de pauvres administrateurs complaisants. Parmi ceux-ci, on compte les « Lapons communaux », qui joignent les deux bouts essentiellement en mendiant.
Pour éviter d'être chassés pour cause de mendicité, ils prennent souvent un emploi de manœuvre ou de gardien de bétail, et Laestadius les dépeint comme « une petite nation de manœuvres, qui pourrait bien devenir aussi éternelle que celle des Juifs et des Tsiganes et qui, certainement, perdurera en tant que vestige de l'ancien peuple lapon, lorsque ceux-ci auront depuis longtemps disparu ».
Ils n'ont guère la possibilité de se mêler aux familles suédoises, car toute personne venant de l'extérieur ne peut se marier avec des familles lapones de la région.
Dans les villages du Nordland, on peut voir parfois des vieillards affaiblis se traînant de maison en maison ; misérablement vêtus, à moitié aveugles, rongés par la goutte et toussant violemment, ils sourient pourtant tout le temps, lorsque l'on essaie de se faire comprendre. Ils parlent une langue inintelligible mais, sur la poitrine, ils ont accroché une formule de mendicité toute crasseuse qu'une âme charitable a remplie, invitant à le secourir ou bien encore le traditionnel :
« Dieu bénisse l'heureux bienfaiteur. » Ce sont de pauvres Lapons décrépis qui ne sont plus à même de maîtriser leur vie. » Knud Rasmussen. Laponie Voyage Au Pays Des Fils Du Soleil. Esprit Ouvert
Les Sâmes sont le groupe autochtone le plus septentrional des pays nordiques. Ce n'est pas vraiment un groupe ethnique mais un peuple parlant des langues d'origine finno-ougrienne. Son origine est sujet de débat entre spécialistes mais la thèse la plus admise est qu'il s'agit d'un peuple proto-européen qui s'est mêlé dans les régions les plus au nord avec un autre ayant des origines mongoloïdes. (Cependant le gène mongoloïde est quasiment absent chez eux). Leur histoire est difficile à retracer puisqu'ils sont de tradition orale mais ils ont constitués depuis toujours le symbole de la « terre inconnue » but d'expéditions des explorateurs mais plus tard des missionnaires et des collecteurs d'impôts des différents Etats.
Au terme de « Lapon », utilisé presque exclusivement autrefois, s'est substitué le terme de Sâme, dénomination qu'ils se donnent eux-mêmes.(on traduit aussi le nom par les termes« Sami » ou « Saami).Leur territoire qu'ils nomment le Sápmi comprend les parties côtières de la Norvège et leurs arrière-pays, aux environs de Trondheim jusqu'au Cap Nord, de plus d'un tiers de la Suède traversant les régions du Jämtland, du Västernorrland, du Västerbotten et le Norrbotten. Dans le Grand Nord finlandais, ils habitent essentiellement dans la région de la Laponie (Lappland) et enfin en Russie dans la péninsule de Kola. Comme on le constate dans les textes que je cite, les Sâmes victimes de diverses colonisations ont été le plus souvent considérés comme un peuple arriéré. Cette vision atteignit son apogée au 20ème siècle, où ils furent même considérés comme un peuple inférieur au peuple de la majorité nationale. Le terme de Lapon qui est toujours employé et plus connu du public soulignait ce caractère à l'origine (lapp signifie « porteurs de haillons » en suédois). C'est pour cela qu'aujourd'hui, il est toujours est très négativement connoté, d'autant plus qu'il les restreint à des régions administratives de Finlande ou de Suède.
« Pour définir l'identité sâme, il faut se référer au dernier état de la recherche et à la définition que les Sâmes donnent d'eux-mêmes, définition où l'aspect interne d'identité culturelle est systématiquement souligné, identité où prime le lien émotionnel d'appartenance à un groupe ; les Sâmes se considèrent comme un peuple autochtone d'Europe du Nord, et non comme une minorité culturelle.
« On se demandera si les Sâmes sont des « Lapons ». Un aperçu de l'histoire sâme est de rigueur, car il ressort, à la lumière des plus récentes recherches, que leur origine n'est pas celle supposée auparavant. Combien de Sâmes recense-t-on ? Où habitaient-ils autrefois et où habitent-ils actuellement ? Quelles étaient jadis leurs mœurs et leur culture et quelles sont-elles aujourd'hui ? »
« On a amplement discuté ces dernières années des rapports des « Lapons » et des « Sâmes ». On considère ainsi que le « Lapon » est une personne qui, en tant qu'habitant du village lapon, paye un « tribut lapon » à la couronne suédoise et qui exerce une « activité lapone » sur le territoire appartenant au village. Selon cette conception, la notion de « Lapon » est liée aux droits territoriaux et aux activités économiques définies par les Norvégiens et les Suédois. Le comité finlandais responsable de la loi sur les Sâmes distingue lui aussi l'« origine ethnique » et le « droit foncier ».
Il conviendrait donc de redonner au terme de « lapon » son sens historique originel impliquant l'activité et le système économique traditionnels de la chasse — en suédois leva som lapp, par opposition à landsbo, lantalainen, « paysan du Sud » pour les Sâmes — alors que le terme de « sâme » se réfère à la langue et à l'ethnicité. La distinction se justifie, car la dénomination de « lapon » pour la langue et la culture est cause d'interprétations erronées qui foisonnent dans les études antérieures.
Ainsi est née, par exemple, l'idée que les noms de lieu commençant par Lappi attesteraient de l'extension de l'habitat des Sâmes jusque dans le sud de la Finlande. Mais a contrario, on peut penser que cette toponymie révèle que dans ces lieux s'exerçait une activité économique « lapone ». Par là même de nombreux noms de famillefinlandais Lappalainen n'indiquent pas des racines sâmes, mais le mode de vie des ancêtres.
Le nom de « Sâme » est celui qu'utilisent actuellement tous les Sâmes lorsqu'ils parlent d'eux-mêmes. Ce terme traduit une « identité interne » où l'individu se ressent comme faisant partie d'un groupe dont les membres sont liés entre eux par des liens émotionnels . L'identité « externe » est généralement considérée comme fondée sur des « caractéristiques du groupe réelles ou perceptibles telles que la langue, la race ou la religion5 ». On peut donc penser que le terme de « Lapon » se réfère à une identité externe et le terme de « Sâme » à une identité interne. Le terme de « Lapon » est ressenti par les Sâmes comme étranger) car il est utilisé par la culture majoritaire pour désigner une minorité. » Mythologie Des Lapons. Juha Pentikaïnen. Imago.
On ne dispose pas de recensement précis mais ils seraient de nos jours aux alentours de 70000, vivant en majorité en Norvège. Ils sont à peine 2000 en Russie(Péninsule de Kola) où ils risquent de disparaitre, n'ayant pas de droits reconnus et où leur langue se perd.
On parle généralement de la langue sâme, mais il en existe en réalité une dizaine (souvent classées en quatre groupes). Elles font parties de la famille des langues finno-ougriennes, soit de la même famille que le Finnois, l'Estonien ou le Hongrois. Dans chaque groupe il y a souvent aussi des dialectes. Pluralité linguistique étonnante pour un aussi petit peuple mais l'isolement du grand nord et les conditions de vie font que la langue a évolué dans des directions différentes. Étant des langues dites agglutinantes, les langues sâmes sont très riches, tout particulièrement pour ce qui a trait à la nature. Il existe en effet un nombre quasi
incalculable de mots pour désigner le renne, selon son pelage, sa taille, ce qu'il représente, etc. Il en est de même pour la neige, selon sa consistance, sa couleur, sa densité, son aspect, etc.
A noter que seulement la moitié des Sâmes parle une de ces langues et très majoritairement une seule. (80% le Sâme du Nord) du fait des diverses politiques d'assimilation ,comme en Norvège et Suède .Les langues restées très minoritaires sont donc en grand danger et la plupart risquent de disparaître d'ici vingt ans.
S'ils s'éparpillent dans des pays différents donc, ils gardent pourtant une identité commune. Les critères d'appartenance à l'ethnie sâme sont toujours sujets à discussion. On mentionne traditionnellement la langue, le milieu, l'élevage des rennes, l'habitat dans les kota (les tentes sâmes), les joik (les chants ) et l'artisanat .D'autres ethnologues y ont ajouté la cuisine. (viande de renne, poissons dans diverses préparations).
« Comme je te révère ô toi Sâpmi d'antan
et comment vivre dix mille ans ,
sans avoir le droit d'appeler ,
Sâpmi le pays Sâmes,
sans avoir Sâme le droit
de porter de Sâme le nom »
« Combien profonde est mon estime pour la vie des Sâmes d'antan
C'était vraiment l'amour d'une nature
L'identité sâme
où rien n'était gaspillé
et comme élément de la nature l'homme s'assumait
Profonde est mon estime
pour la vie des Sâmes d'antan
et comme il est absurde
de passer des dizaines des centaines d'années
à s'initier aux fêtes nationales de peuples étrangers. »
Nils Aslak Valkeapàà (1943-2001 Poète et chanteur de joik, chantre du sentiment identitaire sâme et artisan de sa reconnaissance auprès des peuples premiers..
Les Sâmes ont une très longue histoire, mais on n'arrive toujours pas aujourd'hui à déterminer quand les premiers se sont installés sur ces territoires. Les premières traces retrouvées remontent à l'Âge de Pierre (9.000 avant JC) ; il s'agit de restes d'un village sâme dans les environs de l'actuelle ville d'Arjeplog en Suède. Si les mythes racontent que les Sâmes habitent cette région d'Europe depuis les temps immémoriaux, Il est en très difficile de dire quand ces tribus se sont installées sur ces terres plutôt hostiles. Il semble que pendant la période du paléolithique supérieur, appelée aussi époque du renne, d'immenses étendues de l'Europe, des Pyrénées à l'Oural, le long de la bordure sud du glacier, étaient occupées par des chasseurs de rennes. Ils ont laissé derrière eux de magnifiques peintures rupestres dans des grottes en Espagne et en France (Altamira, Lascaux) ainsi que des vestiges humains dans la grotte de Cro-Magnon. Avec le réchauffement climatique, à la fin du magdalénien, le glacier commença à reculer vers le nord, les rennes suivirent le glacier, et les chasseurs, les rennes. l'Europe se peupla d'agriculteurs du bassin méditerranéen qui repoussèrent les derniers chasseurs dans les montagnes (c'est pour cela qu'on fait parfois le rapprochement entre les Basques et les Sames ) ou les assimilèrent complètement.
Dès l'antiquité les récits les concernant mêlent souvent description et légendes. Tacite décrit les Fenni dans sa Germania, peuple sauvage, n'ayant ni armes, ni chevaux, vêtus de peaux de bêtes, couchant par terre, utilisant à la chasse des pointes en os dans leur ignorance du fer. D'autres auteurs (le Goth Procope) parlèrent d'un peuple habile à « glisser sur des planches »et insistèrent sur le renne, le soleil de minuit et l'interminable nuit d'hiver. Vers 890, Ottar riche propriétaire norvégien et collecteur d'impôts écrivit pour le roi d'Angleterre un récit de voyage qui l'avait mené jusqu'à la presqu'ile de Kola. On y apprend que les Sâmes étaient essentiellement chasseurs et pêcheurs semi-nomades avec quelques rennes domestiques et qu'ils payaient l'impôt sous formes de peaux et d'ivoire (morse). Les premiers véritables travaux scientifiques datent du XVIIème/XVIIIème avec des savant comme Schefferus (1621 - 1678), ou de missionnaires comme von Westen (1682 - 1727). Ces études restent d'abord mues par des préoccupations d'administration et d'évangélisation, mais témoignent d'un souci d'exactitude et de critique compréhensive qui restent le fond de l'anthropologie contemporaine.
Un autre témoignage important est celui de Lars Levi Laestadius (1800-1861) à la fois pasteur de l'Église mais aussi ethnographe et botaniste.Il est surtout évoqué pour avoir fondé un mouvement religieux populaire, toujours actuel et étendu à d'autres communautés. Né en Laponie suédoise, il fut connu par la suite sous le nom de « laestadianisme » et mêlait le christianisme devenu la religion des Sames avec leur modes de pensées ancestral et l'organisation territoriale traditionnelle ».De ce fait Lœstadius s'intéressa aux formes de pensées populaires et à la mythologie.
Le véritable fondateur d'une « ethnographie nordique » fut M.A Castren. (1813-1853) initiateur de la recherche en langue et culture finno-ougriennes, et qui accomplit des enquêtes de terrain dans les contrées septentrionales les plus reculées du globe, de la Laponie à la Sibérie ouralienne. Pour lui l'ethnographie est justement l'histoire de peuples qui n'ont pas d'histoire écrite. Elle étudie la religion, la conception du monde, les mœurs et les pratiques, les modes de vie et les habitats des peuples. Pour Castren, poésie, mythologie et langues forment un tout et sont les moyens par lequel un peuple raconte son histoire.
Il faut rompre avec une image d'Epinal : Contrairement aux idées reçues, seulement 10% des Sâmes pratiquent l'élevage transhumant de rennes, l'essentiel de la population sâme exerçant d'autres activités : agriculture, pêche, industrie, activités tertiaires (dans le nord, mais aussi dans les métropoles du sud). Non seulement, l'élevage du renne n'a jamais été généralisé, mais il est entré relativement tard dans l'histoire des Sâmes qui pratiquaient auparavant la chasse de cet animal. C'est surtout à partir des 17e et 18e siècles que le renne domestique est devenu la principale ressource des Sâmes des montagnes et des forêts en même temps qu'il devenait l'animal emblématique de la culture saami.
Les Sâmes de la toute première partie du Moyen-Age étaient donc essentiellement un peuple de chasseurs-pêcheurs-collecteurs. Ils possédaient quelques rennes domestiques pour le trait et comme appât à la chasse au renne sauvage. Leur mode de vie lié à l'écologie arctique leur imposait un semi-nomadisme saisonnier pour l'exploitation de toutes les ressources de la nature qui dépassaient de beaucoup celles liées à la civilisation du renne à laquelle on a trop souvent voulu réduire le monde sâme. Mais la pression colonisatrice (administration royale, fiscalité, missions religieuses) à partir du XVIIème désorganisa le système social à des fins d'assimilation. Celui-ci était fondamentalement fondé sur la communauté Sii'da ou Sit (selon qu'on renvoie à sa réalité occidentale ou orientale ). Le Sit établi sur une configuration géographique était gérée par une assemblée groupant les chefs de famille. Ils élisaient un « homme de tête « dont le mandat était court et qui constituait l'exécutif avec quelques adjoints. Chaque sit avait sa propre loi mais une assemblée commune gérait les problèmes de cohabitation entre différents sit.
« La sita (sâme central de Labba), la sii'dâ (sâme occidental), le sit (sâme oriental) est leur seule organisation attestée, la seule aussi qui se soit maintenue tout en se transformant.
On a mis en rapport le mot sii'dâ et siei'de. Ce dernier mot désigne une idole de bois ou de pierre, concentration des forces surnaturelles régissant en premier lieu les entreprises de pêche ou de chasse, qui a pu ainsi rassembler et souder le groupe de chasseurs et de pêcheurs d'un certain territoire, c'est-à-dire la sii'dâ. Un linguiste comme Neisheim y voit une zone boisée de chasse, ayant un caractère sacré, en fonction de la parenté possible du terme avec le samoyède tid et le finnois hiisi. On peut ainsi penser que la sii'dâ a été originairement un regroupement de familles plus ou moins apparentées, coopérant ensemble par la chasse et la pêche dont les résultats dépendaient d'un sanctuaire commun. En tout cas, ce concept remonte sans doute à l'époque où il fallait organiser collectivement les grandes chasses, en particulier celles du renne sauvage.
Telle qu'on pouvait encore la trouver sur les marches orientales de la Laponie, dans la presqu'île de Kola, jusqu'au début du XXe siècle, cette organisation était centrée sur le village d'hiver, lieu des principales activités sociales. Partout ailleurs, face à l'emprise croissante de l'administration des États, le conseil de la sii'dâ perdit peu à peu ses prérogatives et disparut faute d'avoir à fonctionner normalement. Il faut ajouter que les nouvelles conceptions individualistes prônées par les Scandinaves et les Sâmes éleveurs de rennes du Sud, le refus des colons en Suède et en Finlande de respecter les règles sâmes de chasse et le peu de résultats de plaintes élevées par le conseil de la sii'dâ à cet égard firent perdre à ce conseil son prestige et son autorité.
La composition de ces sii'dâ de chasseurs-pêcheurs, comme celle des éleveurs actuels, varie selon les époques de l'année auxquelles on les saisit, en fonction des travaux à accomplir, ainsi qu'en fonction des intérêts pragmatiques ou sociaux en jeu, qui peuvent justifier qu'on change de communauté.
De nos jours, le terme de sii'dâ n'est plus employé que pour désigner les communautés de travail des Sâmes éleveurs de rennes, et son sens originel a considérablement changé. » Andreas Labba .Anta. Mémoires D'un Lapon.Terre Humaine.
Le droit de propriété, source constante d'incompréhension et de conflit avec les colonisateurs et les états, et avant que la colonisation n'en modifie les traits, n'était qu'un droit d'usufruit concédé par la collectivité qui en restait toujours propriétaire. L'assemblée communautaire réglait les droits d'usufruit ainsi que ceux de chasse et de pêche. Ainsi la chasse au renne sauvage exigeait la participation et la coopération de nombreuses personnes. Aussi l'usufruit de cette chasse appartenait-il à tous les membres de la communauté, sans considération des terres attribuées à chaque famille où elle pouvait se dérouler. Le produit de la chasse était réparti proportionnellement (selon le nombre de mâles de plus d'un an) entre les familles de participants, eux-mêmes désignés à chaque fois par l'assemblée. Les vieillards ou malades recevaient leur part.
La chasse à l'ours regroupait toute la communauté : L'ours était consommé en un festin commun, en partie d'essence religieuse, eu égard à la nature particulière de l'ours chez les Sâmes comme chez beaucoup de peuples arctiques. Les meilleurs morceaux, en particulier les plus appétissants, ceux du dos, allaient de droit au plus âgé des chasseurs, tandis que les femmes ne recevaient, en fonction de certains tabous, que certaines parties bien déterminées. Mais ensuite, les restes de l'animal étaient partagés équitablement.
A côté de ses prérogatives politico-territoriales, le sit, possédait des prérogatives juridiques. L'assemblée fonctionnait ainsi comme cour de justice instruisant et jugeant selon un code moral dont les contes font connaître les principaux traits. Ainsi, il y avait toute une classification des délits. (On distinguait ainsi les vols commis le jour de ceux, plus graves, commis la nuit, ceux commis dans les locaux ouverts de ceux commis dans les locaux fermés et le vol de poisson était un crime grave..
On peut supposer que la vie traditionnelle était à peu près la même partout, hormis les différences dues à des conditions écologiques trop dissemblables. L'hiver, on s'occupait de la surveillance du petit troupeau de rennes pour le transport, et l'on pratiquait les grandes chasses au printemps, on faisait la migration vers l'océan ou vers les lacs et les rivières pour y pêcher, jusqu'à l'automne où il fallait récupérer les troupeaux de rennes domestiques et poursuivre la pêche en d'autres zones et commencer la chasse aux animaux à fourrure.
« Ce n'est qu'avec l'avancée des peuples colonisateurs que les premières différenciations marquées s'affirmèrent et se durcirent. Les premiers touchés furent ceux qui habitaient les côtes maritimes où les communications plus faciles entraînèrent de plus grandes perturbations liées à des contacts plus prolongés avec les autres cultures. On les appelait Sâmes de la mer, par opposition aux Sâmes des montagnes. Leur style de vie était comparable, mais leur zone d'activité différente. Toutefois, tandis que chez les premiers, il était naturel que la pêche et la chasse maritime l'emportassent, chez les seconds, c'était la chasse au renne sauvage. Cela n'empêchait pas les premiers de chasser le renne sauvage l'hiver, et les seconds de pêcher le long des côtes l'été. »
« Il semble que la distinction établie entre Sâmes des montagnes et des forêts, tous deux éleveurs, reproduise une distinction dans les méthodes d'élevage elles-mêmes liées à des conditions extérieures, indépendamment de la théorie qu'on peut adopter pour expliquer l'origine de cet élevage. »
« Le nomadisme de Sâmes des montagnes semble provenir de la surveillance des troupeaux de rennes sauvages que les Sâmes chasseurs et trappeurs contrôlèrent de plus en plus strictement, en fonction de la nécessité d'une protection collective de ce gibier. L'élevage extensif des Sâmes du nord en porterait le témoignage dans les formes plus lâches de surveillance des troupeaux, toujours moins domestiqués que ceux du sud. Ces derniers, qui furent l'objet d'un élevage plus intensif60 et portant sur des quantités relativement moindres, proviendraient des petits troupeaux de rennes domestiques dont se servait autrefois pour le transport ou comme appât. On trouverait une confirmation de cette hypothèse dans la façon dont les Sâmes des montagnes et les Sâmes des forêts considéraient le vol d'un renne. Une telle appropriation n'a jamais été considérée par les Sâmes des montagnes comme une offense intolérable, attitude qui peut s'expliquer comme la survivance d'une époque où le troupeau était une propriété collective, où tous - selon certaines règles cependant - avaient accès, tandis qu'elle était regardée comme une faute grave chez les Sâmes des forêts, plus méridionaux, où, dès le départ, les quelques rennes utilisés étaient tous propriété individuelle.Christian Meriot.Tradition Et Modernité Chez Les Sâmes.L'harmattan
Un beau blog que je recommande:http://saamiblog.blogspot.fr/
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