Entre Photographie, Ethnographie et Ethnobotanique
Entre photographie, ethnographie et ethnobotanique, l'exposition mêle de manière originale art et sciences et nous emmène à la découverte du peuple Mapuche, qui vit actuellement dans le sud du Chili et dans l'environnement urbain de Santiago.
Née d'une collaboration inédite entre le collectif d'artistes « Ritual Inhbitual » et les chercheurs du Département « Hommes, Natures, Sociétés » du Muséum national d'Histoire naturelle, l'exposition met à l'honneur la culture Mapuche et notamment la cosmogonie, les pratiques rituelles et la connaissance des plantes qui se maintiennent, se transmettent et se transforment à travers la relation entre l'ancienne et la nouvelle génération. Le travail photographique sur les communautés amérindiennes « traditionnelles » mais aussi catholiques, évangéliques et les jeunes rappeurs de la banlieue de Santiago, a donné naissance à une magnifique galerie de portraits des acteurs des principaux rituels de ce peuple ; tandis qu'en parallèle, une étude sur les plantes endémiques a permis la création d'un herbier, qui illustre non seulement la diversité des formes végétales existantes dans la région, mais aussi la diversité d'usages associés à ces plantes.
Toutes les images ont été réalisées avec une technique photographique atypique « le collodion humide », l'un des premiers procédés photographiques sur plaque de verre datant de 1851.
À L'origine de l'Exposition
Depuis plusieurs années, les projets artistiques du collectif d'artistes Ritual Inhabitual ont rencontré les réflexions des ethnobiologistes du Musée de l'Homme qui travaillent autour du thème des relations de l'Homme avec la Nature. Cela s'est d'abord concrétisé par la participation de Serge Bahuchet, directeur du département « Hommes, Natures, Sociétés » du Muséum national d'Histoire naturelle à un film documentaire autour du mythe du Minotaure et des relations hybrides entre les hommes et les animaux.
Lorsque les artistes de Ritual Inhabitual ont voulu aborder ces questions sur le terrain avec des communautés entretenant encore un rapport particulier avec la Nature, leur choix s'est porté vers les autochtones Mapuche du Chili , dont le nom signifie « Peuple de la Terre ». C'est donc tout « naturellement » que la collaboration avec les chercheurs du Musée de l'Homme s'est poursuivie. Les thèmes à explorer ont été discutés en commun, pour s'arrêter sur le monde végétal, les plantes et leurs usages matériels et symboliques par les Mapuche. C'est ainsi que Flora Pennec, ethnobotaniste (CNRS/ MNHN), a suivi Florencia Grisanti et Tito Gonzalez Garcia au Chili, pour réaliser ces enquêtes et confectionner un herbier de référence, qui a été déposé au Museum national du Chili ainsi qu'au Muséum national d'Histoire naturelle.
DE L'ART A LA SCIENCE :
La collecte effectuée par Flora Pennec a permis de documenter les plantes présentes dans les quelques « bois natifs » qui subsistent et qui sont utilisées par les communautés Mapuche du Lac Budi. Un herbier d'environ 35 plantes - arbres, arbustes, lianes ou herbacées - illustre non seulement la diversité des formes végétales existantes dans la région, mais aussi la diversité d'usages associés à ces plantes.
Pour cela, Flora Pennec est allée à la rencontre de plusieurs personnes afin de connaître les plantes qui les entourent et qui sont de plus en plus rares car elles sont aujourd'hui remplacées par des plantations de pins, d'eucalyptus ou par l'agriculture. Avec elles, Flora Pennec a échangé sur le nom des plantes, leurs usages, que ce soit pour l'artisanat ou la construction, l'alimentation, la médecine ou les activités rituelles comme celles pratiquées par les chamanes, les machis. Ces plantes ont été collectées et mises en herbier, afin de déterminer leur nom scientifique, grâce à une collaboration avec une botaniste chilienne du Muséum de Santiago. Cette étude montre l'importance et la diversité des relations que les Mapuche entretiennent avec les plantes, et leur rôle dans cette culture. C'est à partir de cette base que les portraits des Mapuche seront exposés, comme les branches d'un grand arbre généalogique, dont le tronc serait la Nature.
Une technique Atypique : LA PHOTOGRAPHIE AU COLLODION HUMIDE
Les photographies ont été réalisées avec une technique appelée « collodion humide », l'un des premiers procédés photographiques sur plaque de verre datant de 1851 et qui fut associé à des travaux ethnographiques de la fin du XIXe siècle en Amérique du Nord. La technique du collodion humide produit un négatif sur verre qui, posé sur un fond noir, devient un positif que l'on appelle ambrotype. Elle consiste en l'application d'une épaisse émulsion liquide sur une plaque de verre, qui est ensuite plongée dans un bain de nitrate d'argent, puis transférée dans un châssis étanche à la lumière. Les prises de vue se font à l'aide d'une chambre photographique. La photographie au collodion humide nécessite des manipulations chimiques, le transport d'une chambre noire portative, une rigueur et un soin extrêmes mais elle permet d'obtenir un rendu d'une grande finesse.
La contrainte principale est que la préparation et le développement de la plaque de verre doivent se faire au même moment et au même endroit. Ce temps crée une relation particulière entre la personne photographiée et l'objectif de la chambre photographique. Ce que l'on obtient n'est donc pas la condensation d'un geste, mais plutôt un état d'esprit qui est né dans ce temps photographique et qui semble de fait hors du temps.
Lorsque les conquistadors espagnols pénètrent au centre du Chili, en 1536, ils se confrontent à l'un des peuples d'Amérique australe, les Mapuche (« les gens de la terre »), fiers guerriers qui leur résistèrent, comme ils avaient résisté auparavant aux Incas. Connus autrefois sous le nom d'Araucans, ces chasseurs-cueilleurs et pêcheurs empruntèrent aux Incas l'agriculture (maïs, pommes de terre…) et l'élevage (lamas). Des Espagnols ils prirent les moutons, et surtout les chevaux et la pratique de la monte, qui firent d'eux de redoutables cavaliers, à la fois chasseurs et guerriers. Ils s'opposèrent ainsi à tous les envahisseurs pendant trois siècles, se garantissant un vaste territoire autonome, et pratiquant des échanges à travers la Cordillère des Andes, de cuir, chevaux, tissages, viande salée, sel gemme… Ces activités les conduisirent à s'implanter dans la plaine de l'ouest de l'Argentine au cours du 17e siècle.
Toutefois, à la fin du 19e siècle, Chiliens et Argentins portèrent les coups décisifs pour expulser par la force les autochtones de leurs terres ancestrales, afin de coloniser ces espaces, y développer l'agriculture intensive, exploiter les forêts, et plus tard construire des barrages… Outre des tueries, il en résulta des déplacements massifs, notamment vers les villes. Au 20e siècle, les Mapuche avaient été spoliés de 90 % de leurs territoires, et ils avaient perdu la majorité de leur cheptel.
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