"Où sont les femmes qui chantaient comme
Tamtam (petits oiseaux, 'la fille du ciel',
enfant de la Lune et du Soleil) ?
Il y en avait beaucoup, où sont-elles?"
Lola Kiepja, 1966.La Dernière Chamane Selk'nam
« Comment parler en quelques lignes de peuples d'une si grande puissance ?
Comment parler des Selk'nam, des Haush, des Yamana, des Alakaluf ?
Ils furent des peuples puissants car non seulement ils parvinrent jusqu'aux terres les plus inhospitalières du monde, mais ils y demeurèrent, et cela grâce à leur courage : ils arrachaient leur subsistance des mers démontées, des forêts enneigées, des plaines balayées par les vents glacés.
Les femmes yamana et alakaluf pagayaient, défiant les vagues surgies de l'Antarctique, elles s'approchaient des baleines tandis que leurs hommes, debout à la proue du canoë, armés seulement de lances, luttaient pour achever leurs proies.
Les chasseurs selk'nam et haush avec arcs et flèches pourchassaient les guanacos sous la neige et dans la tempête pendant que leurs femmes, portant de lourds fardeaux, se hâtaient vers un lieu du campement pour allumer le feu au foyer.
Entre guérillas et vendettas, les Selk'nam ont joué leur vie. Ils étaient durs, rudes à l'ennemi et tenaces. Mais ils s'aimaient.
Ils aimaient leurs montagnes dont les cimes émergent des mers glaciales.
Ils aimaient leurs forêts où les oiseaux multicolores faisaient leurs nids.
Ils aimaient leurs dieux métamorphosés en astres, en vents et en collines.
Et ils chantaient.
Ils chantaient pour guérir les malades.
Ils chantaient, se lamentant de la mort des êtres aimés.
Ils chantaient pour accéder à l'au-delà.
Ils chantaient à la lune dans sa splendeur, au soleil naissant, à leurs enfants endormis.
Ils chantaient lors de leurs cérémonies avec solennité et gaieté.
Ils ne sont plus. Ne restent maintenant que quelques personnes dont les parents et les aïeux sont ceux qui sont partis.
Au XIXe siècle de notre ère chrétienne, des étrangers débarquèrent sur leurs îles. Ils vinrent, armés de balles et de poisons, avides de richesses. Ils s'approprièrent leurs terres, qu'ils "nettoyèrent" pour les exploiter, sans les aimer. Ils se targuèrent ensuite d'être des pionniers, des civilisateurs, des serviteurs dévoués.
Les Indiens se défendirent du mieux qu'ils purent à l'aide de leurs arcs et flèches. Des familles entières s'enfuirent devant les cavaliers armés, payés pour les exterminer, devant les chiens dressés pour les déchiqueter. Les Indiens résistèrent du mieux qu'ils purent, dans l'angoisse, de manière confuse et avec un immense désir de survivre. Mais ils tombèrent criblés de balles, les oreilles et parfois même la tête tranchées. Parmi ceux qui ne furent pas déportés en Patagonie, l'alcoolisme, la mélancolie et surtout les épidémies eurent raison d'eux, et cela dans la douleur indescriptible de voir leurs enfants succomber aussi à ces mêmes épidémies.
Ces étrangers blasphémèrent la mémoire de leurs victimes. Ils dirent et écrivirent que les Indiens avaient attaqué les premiers, que les Indiens avaient volé leurs moutons, tué leur bétail qui paissait sur les immenses prairies qu'on leur avait volées. Ces étrangers expliquèrent: "De toute façon, ces Indiens se tuaient entre eux, parce qu'ils étaient ainsi, des sauvages indomptables, inadaptables à la vie civilisée. Par ailleurs, ils n'étaient pas très nombreux et les missionnaires s'en sont bien occupés."
C'est vrai qu'il y eut quelques étrangers, missionnaires et fermiers, qui essayèrent de les sauver, mais sans y parvenir.
Le rideau tombe : face à la scène, on élève des monuments à l'indigène.
On donne des noms d'aborigènes aux fermes de moutons, aux villages, aux rues, aux hôtels, plages et coins de rendez-vous.
On fabrique, pour les vendre aux touristes, des statuettes et des banderoles en souvenir de "notre Indien fuégien".
Et on ajoute avec regret: "Quel dommage que le Selk'nam ne nous ait laissé aucun folklore, aucune survivance de ses croyances."
Mais oui, il nous a laissé un souvenir. Il nous a laissé l'écho de son lamente,
lamento de son peuple que nous avons contaminé,
lamento de son peuple que nous avons exterminé. »
Anne Chapman. Quand Le Soleil Voulait Tuer La Lune. Metailié
La Patagonie fut le point le plus austral de la colonisation humaine. Terre inhospitalière, royaume des vents (Quarantièmes Rugissants et Cinquantièmes Hurlants.). Côté Pacifique, là où la Cordillère rencontre l'océan c'est un dédale de fjords, de canaux et d'archipels, où alternent roche nue, tourbières et forêt vierge. Côté Atlantique, de grandes steppes entrecoupées de rivières et de cordons montagneux peu élevés s'étendent à l'infini. D'est en ouest, on passe d'une des régions les plus pluvieuses au monde (jusqu'à 8 et 9 mètres de précipitations annuelles sur la frange pacifique) à un climat steppique très sec (entre 2 et 3 mètres). Sur ce territoire extrême règne un froid constant avec des étés d'une dizaine de degrés et des hivers proches de zéro, notamment à l'intérieur des terres. Il y a vingt mille ans, une épaisse calotte glaciaire recouvrait toute la région. Progressivement, le réchauffement climatique fit fondre cette masse de glace dégageant des territoires où la végétation se développe, suivie de près par les animaux puis, à partir de la fin du Pléistocène et du début de l'Holocène, par l'homme. Ces premiers chasseurs de Patagonie et de Terre de Feu vont développer des modes de vie totalement adaptés aux singularités de l'environnement, et sans grands changements durant des millénaires, jusqu'à l'aube du xxc siècle.
La date de l'arrivée de l'homme sur le continent américain reste controversée : on a longtemps pensé aux chasseurs de Clovis, il y a environ 12000 ans ; ou il y a 20 000-30000 ans, voire plus, comme semblent l'indiquer quelques datations de sites sud-américains et notamment brésiliens dont le caractère est souvent contesté ? , la Terre de Feu reste ainsi périodiquement évoquée comme le lieu possible, avec le Brésil, de la survie d'un homme américain très ancien, antérieur à la grande migration du détroit de Bering. Cette théorie, est dans la continuité des nombreux mythes inspirés par les régions australes depuis la plus haute antiquité: qu'il s'agisse d'hommes à tête de chien (les cynocéphales chers aux mythes antiques et médiévaux), pourvus d'une queue, sans parler des géants de Magellan ou autres nains fuégiens...
La vérité se situe surement entre les deux, il y a 14000 à 18000 ans, si l'on suit les plus récentes découvertes au Pérou ou), au Chili (Monte Verde). Quoi qu'il en soit, un consensus se dessine pour admettre que l'homme américain est arrivé à la fin de la dernière période glaciaire par la voie du détroit de Béring, alors que la Sibérie et l'Alaska étaient encore liés par un pont de glace. L'arrivée de l'homme en Terre de Feu, via le continent antarctique, un temps envisagée, a été aujourd'hui totalement abandonnée.
Les données les plus récentes montrent que l'homme est arrivé en Patagonie australe il y a 11000 à 12000 ans ( la grotte de Lago Sofia, dans la province d'Ûltima Esperanza, ou à la grotte Fell, à peu de distance du détroit de Magellan). Il serait passé en Terre de Feu il y a 10 500 ans comme l'indiquent les datations du site de Très Arroyos, situé dans un affleurement rocheux qui domine les steppes centrales laminées par le passage des glaciers. La Terre de Feu était alors encore reliée au continent par deux ponts terrestres constitués de moraines qui séparaient une série de lacs proglaciaires situés à l'emplacement du futur détroit de Magellan. Un peu plus tard, il y a environ 9000 ans, à la faveur de l'élévation du niveau des mers, ceux-ci se mirent progressivement en communication les uns avec les autres, puis avec l'océan Atlantique, isolant la Terre de Feu et ses occupants. Le premier homme installé en Terre de Feu n'était donc pas un navigateur, mais bien un chasseur à pied.
Ces peuples premiers de la région utilisaient des armes munies de pointes en pierre et exploitaient des ressources locales, dont certaines sont aujourd'hui éteintes mais surtout des guanacos (Lama sp.) et quelques oiseaux. Nomades à la recherche de proies terrestres ou marines ces peuples n'évoluèrent jamais vers l'agriculture ni vers l'élevage en raison des terribles conditions climatiques ; par ailleurs le guanaco, leur principal gibier, n'était pas domesticable contrairement à son cousin, le lama.
Deux types de populations vont se développer, d'une part de grands chasseurs-cueilleurs exploitant principalement la faune terrestre (les Patagons ou Tehuelche des steppes continentales et les Selk'nam de Terre de Feu), et de l'autre de petits Indiens se déplaçant en canots, Kawésqar et Yamana, les « Fuégiens » des textes anciens, qui nomadisaient le long des côtes vivant essentiellement des produits de la mer. La Grande île de Terre de Feu elle-même était principalement occupée par les Selk'nam qui se partageaient les plaines septentrionales et centrales, jusqu'aux contreforts de la Cordillère, vers le sud et le sud-ouest; tandis que leurs proches cousins, les Haush, occupaient la péninsule Mitre, à son extrémité sud-est. Seule la côte sud était occupée par des nomades marins, les Yamana. La côte sud-ouest, moins bien connue, aurait été fréquentée par les Kawésqar.
Parmi les Indiens de Terre de Feu, on connait surtout les Selk'nam, appelés Onas par les occidentaux. A l'instar des Inuits, ils furent souvent considérés comme un prototype des sociétés de chasseurs-cueilleurs de pays froids, pouvant servir de modèle explicatif aux peuples préhistoriques de l'Ancien Continent. Ils furent généralement considérés comme les descendants des premiers chasseurs terrestres installés sur la Grande île dès la fin du Pléistocène (mais on ne peut exclure que celle-ci ait connu plusieurs vagues de peuplement dont la plus importante est attestée il y a environ 5 500 ans.)
Les Selk'nam étaient physiquement proches des Tehuelche des plaines continentales (les «géants patagons » »grand pieds de Magellan) avec lesquels ils partageaient les mêmes racines linguistiques. Ils n'étaient en rien des géants puisqu'on a estimé que les hommes mesuraient environ 1,75 mètre à 1,80 mètre. Contrairement aux Tehuelche qui, comme les Indiens des grandes plaines d'Amérique du Nord, adoptèrent très vite le cheval après sa réintroduction par les Européens, les Selk'nam sont restés jusqu'à la fin des chasseurs à pied
Leur gibier était essentiellement des mammifères terrestres (guanacos, rongeurs) et des oiseaux, à l'exception de la petite autruche sud-américaine, le nandû, chassée sur le continent, mais qui ne semble pas avoir colonisé durablement la Terre de Feu. Les Selk'nam consommaient également, à l'occasion, des produits marins et quelques végétaux (champignons, baies, certains herbacés). Le guanaco leur principal gibier, est un grand camélidé, dont la viande, la graisse et la moelle constituaient leur alimentation de base, tandis que la peau servait à confectionner des capes et à recouvrir les huttes, les os à fabriquer des outils et les tendons des liens. Si essentiel à la survie de ces chasseurs-cueilleurs, le guanaco a survécu durant 10 000 ans à son isolement en Terre de Feu, et après l'ouverture du détroit de Magellan. Les armes de chasse utilisées couramment étaient des armes de jet, dont on retrouve les pointes bifaciales en pierre taillée dans les sites archéologiques, des frondes et des bolas. À partir du début de notre ère, des petites pointes microlithiques à ailettes et à pédoncule marquent l'apparition de l'arc et de la flèche, caractéristiques des derniers Selk'nam.
La structure familiale était la famille nucléaire, parfois polygynique (le même homme épousant deux femmes, souvent deux sœurs), et patrilocale.
En 1520, lorsque Magellan découvrit le détroit qui permet de passer de l'océan Atlantique vers le Pacifique, marquant ainsi la fin de l'Amérique continentale, il attribua l'ensemble des terres qu'il aperçoit vers le sud, à un vaste continent, la Terra australis. Ni lui, ni aucun autre explorateur européen ne s'intéressaient vraiment à cette terre ou à ses habitants. A la recherche d'un passage qui les mènerait jusqu'aux îles aux épices d'Asie, les premiers navigateurs craignaient les vents d'ouest, les courants dangereux et les mers violentes qui ralentissaient leur progression. Par conséquent les Onas, les Haushs, les Alacalufs et les Yamanás qui habitaient la région n'eurent pas à défendre tout de suite leurs terres et leurs ressources.
Les populations de la Terre de Feu restèrent donc longtemps à l'abri des contacts, au nord, à l'est et à l'ouest, en raison du caractère inhospitalier de ses côtes ; au sud parce que le canal Beagle, tardivement reconnu, fut curieusement peu utilisé pour passer de l'océan Atlantique au Pacifique. La colonisation débuta par le sud. A mesure que les Espagnols perdaient le contrôle de leur empire américain, la zone s'ouvrit à la colonisation d'autres Européens, assurant le rapide déclin des peuples de Terre de Feu .
La légende de l'anthropophagie des indiens de Terre de Feu était si développée, qu'elle fut à l'origine de l'enlèvement de onze indiens Onas par le français Maître pour les exposer à l'exposition universelle de Paris en 1889, exposition sensée célébrer pourtant le centenaire de la Révolution française et des droits de l'Homme. Seuls, quatre d'entre eux purent revenir vivants en Terre de Feu.
Lors d'un voyage antérieur, le capitaine Robert Fitzroy, du Beagle, avait enlevé quelques Yamanas, qu'il renvoya chez eux après quelques années d'éducation missionnaire en Angleterre, dont le célèbre Jemmy Button, premier Indien de la région présenté à la cour d'Angleterre...
Lors de sa seconde expédition, en 1832, FitzRoy devait emmener le jeune CH. Darwin , plus naturaliste qu'anthropologue , et qui se contenta de reprendre les récits plus ou moins l légendaires des navigateurs et présenta les indiens comme des sous-hommes cannibales. Darwin, , écrivit en 1834 que "la différence entre les Fuégiens ("parmi les créatures les plus abjectes et misérables que j'aie jamais vues") et les Européens était plus grande qu'entre animaux sauvages et domestiques. Darwin affirma que les indiens de Terre de Feu étaient anthropophages; mais aucune trace d'anthropophagie n'a jamais été retrouvée.
Suite à l'intérêt soulevé par les relevés cartographiques de FitzRoy et la visite des Yamana en Angleterre, la South American Missionary Society, appuyée sur une petite colonie anglaise établie aux îles Malouines, entreprit d'établir une base missionnaire dans la région du canal Beagle. Après quelques essais infructueux (dont la mort d'inanition d'un premier groupe de missionnaires en 1851 et le massacre d'un autre groupe par les Yamana, sans doute dirigés par Button, en 1859),
Thomas Bridges s'installa à Ushuaia en 1871, d'abord comme pasteur puis, à partir de 1886, comme premier colon établi en Terre de Feu, à l'estancia Harberton, un peu plus à l'est. Bridges devait jouer un rôle essentiel dans les connaissances sur les indigènes de la région, à la fois par ses observations personnelles (dont un dictionnaire de la langue yamana) et par les mémoires publiés en 1947 par son fils Lucas, élevé au contact avec les travailleurs indigènes et qui créa sa propre estancia, Viamonte, sur la côte atlantique. Mais surtout, Thomas Bridges joua un rôle capital par l'aide qu'il apporta à la plupart des scientifiques de toutes nationalités qui commencèrent à se presser dans l'archipel fuégien à partir de la seconde moitié de 1880 et durant les premières décennies du XXe siècle (dont Martin Gusinde).
À la même époque, suite aux contacts avec les militaires qui commençaient à s'installer à Ushuaia et avec des chasseurs de fourrure (d'otaries et de loutres), de plus en plus nombreux, se déclenchèrent de terribles épidémies (notamment de rougeole et de tuberculose) chez les indigènes regroupés sous la houlette de Bridges. L'anthropologue de la mission française, le docteur Hyades, fut appelé en renfort à Ushuaia et en profita pour compléter ses informations auprès de Bridges.
De l'autre côté de la Cordillère, la reconnaissance, par des explorateurs et aventuriers, de l'immense territoire des chasseurs selk'nam jusqu'alors totalement inconnu, commença une dizaine d'années plus tard. Selon une convention signée en 1881, les nouveaux gouvernements chilien et argentin se partagèrent l'ensemble de ces terres, jusqu'ici méprisées. L'ouest revint au Chili, l'est à l'Argentine. Parmi les premiers explorateurs, un officier chilien, Ramôn Serrano Montaner, avait été envoyé, dès 1879, afin d'explorer les ressources de la région. Il fut bientôt suivi, en 1886, par Ramôn Lista, géographe et naturaliste dépêché par le gouvernement argentin. L'expédition de ce dernier donna lieu, une fois encore, à des affrontements et aboutit au massacre de vingt-huit Selk'nam et à l'enlèvement de plusieurs femmes et enfants.
Suite à la découverte d'or par Ramôn Serrano dans certaines rivières du nord de la Terre de Feu, se déclencha, à partir de 1884, une véritable ruée vers l'or qui eut des conséquences catastrophiques pour les Selk'nam. Julius Popper, un ingénieur roumain, créa une entreprise d'exploitation aurifère dans un petit cordon montagneux de la partie septentrionale de l'île, la Sierra Baquedano. Réputé pour sa brutalité, il est aujourd'hui connu par ses photographies de chasse à l'Indien sur lesquelles un groupe de chasseurs portant carabine pose à côté du cadavre d'un Indien tenant son arc. À la même période commencent à s'installer des éleveurs de moutons attirés par ces grands pâturages ouverts. D'énormes concessions furent octroyées à des entreprises d'élevage par les gouvernements chilien, puis argentin. C'est ainsi qu'apparurent des estancias de plusieurs centaines de milliers d'hectares Des milliers de kilomètres de clôture furent t alors installés (condition de l'attribution d'une concession) et des dizaines de milliers de moutons importés, généralement d'Angleterre, via les îles Malouines.
L'appropriation des meilleures terres des Selk'nam par les Blancs occasionna un véritable génocide. Les clôtures entravaient les mouvements des chasseurs et de leur proie traditionnelle, les guanacos, eux-mêmes chassés par les bergers, autant pour le plaisir que pour la fourrure, ou pour faire place au mouton. De leur côté, les Selk'nam entreprirent de chasser les « guanacos blancs » (les moutons) installés sur leurs territoires ancestraux, s'attirant la répression des colons. Les récits des massacres d'Indiens dans les années 1885-1900 furent nombreux et multiformes. Leur chasse fut encouragée par les estancieros qui vont jusqu'à organiser des groupes armés et offrir des rétributions en fonction du nombre d'Indiens tués (au nombre d'oreilles collectées) ; d'autres récits rapportent des empoisonnements de gibier (guanacos, baleines...) laissé intentionnellement à la disposition des indigènes.
L'extermination importante des indiens, la venue de maladies telles que la rougeole ou la tuberculose décima rapidement la population. À cette époque s'installèrent deux missions salésiennes, ordre auquel appartenait Martin Gusinde qui nous laissa les témoignages photographiques les plus précieux, sauvant la mémoire des indiens. Conformément au statut des salésiens, le but des missions était l'éducation des jeunes. Dans la réalité, elles servirent très vite de refuge, notamment sur l'île Dawson, à la fois aux Kawésqar du détroit de Magellan, venus spontanément, et aux Selk'nam, littéralement déportés par les estancieros : Le même processus en marche à Ushuaia se produisit pourtant : L'absence de défense des Indiens face aux maladies nouvelles et leur regroupement dans les missions provoquèrent de terribles épidémies. Ainsi, à la mission San Rafaël, entre 1890 et 1910, on enregista le décès de 862 indigènes ; et quand la mission ferma, en 1911, ils n'étaient plus qu'une trentaine alors que leur nombre culminait à près d'un millier dans les premières années de la mission. Quoique aucun décompte précis n'ait été effectué, on estime globalement entre 3 500 et 4000 le nombre de Selk'nam au milieu du xixc siècle. Ils ne sont plus que quelques centaines au tournant du xxe siècle, pour la plupart dispersés.
Les différentes estimations du nombre d'indiens de Terre de Feu jusqu'en 1850 se situaient à 3000-4000 Onas et 3000-4000 Yamanas, auxquels s'ajoutaient plus d'un millier d'Alakalufs à l'ouest et autant de Haushs à l'est. Soit un total d'environ 10 000 indiens. Au début du 20ème siècle, il ne restait pas plus de 500 Onas et autant de Yamanas
« A partir de 1870, les colons venus d'Europe arrivent en masse en Patagonie et en Terre de Feu. Ils sont Anglais, Gallois, Écossais, Basques, Italiens, Espagnols, Allemands, Croates. Certains fuient la misère du vieux continent, d'autres sont en rupture de ban. Mais tous sont animés par des rêves de fortune, de liberté et de grands espaces. Des terres infinies s'offrent à leur convoitise. Bien sûr, quelques « sauvages » les hantent mais qu'importe. Des territoires sont à conquérir, des terres sont à prendre. Ils les prendront.
Tout commence à Punta Arenas. La ville est fondée en 1848 sur les bords du détroit de Magellan où passe alors tout le trafic maritime entre l'Europe, les États-Unis et l'Orient. De nombreux colons débarquent tous les mois des bateaux. La ville se développe rapidement et la bourgade, ancienne colonie pénitentiaire, devient vite le principal centre économique du grand sud.
Des fortunes colossales se créent en quelques années grâce à l'or blanc : l'élevage de moutons. Ce sont les Anglais qui en 1877, ont importé en Patagonie les premiers moutons en provenance des îles Malouines. La demande en laine est alors énorme et les terres patagoniennes s'avèrent favorables à l'élevage ovin. Bien sûr, il y a les indiens mais ces quelques sauvages à demi nus errant dans ces solitudes ne vont pas faire longtemps obstacle à cette fièvre laineuse qui s'offre si facilement à eux.
Les nouveaux venus s'emparent des terres indiennes, dressent de nouvelles frontières, clôturent leurs estancias et chassent à outrance les guanacos sauvages, le gibier traditionnel des indiens qui, eux, étaient de toute éternité habitués à ne prélever que ce que la terre leur donnait. Désormais, privés de leurs territoires de chasse, les indiens sont contraints de se rabattre sur ce qu'ils nomment maintenant les guanacos blancs, les moutons.
Et là, pour les colons, c'en est trop. Le prétexte est bon et il est convenu d'enrayer le fléau. En quelques années, avec un acharnement sordide, ils vont s'employer à l'élimination quasi-totale de ces peuples immémoriaux.
Des expéditions paramilitaires sont organisées avec la bénédiction muette des autorités.
À Santiago, à Buenos Aires, on ferme les yeux sur ce qui se passe dans le grand sud.
Tout cela est bien loin et ces pauvres indiens ont si peu d'importance. L'année 1886 fut la plus cruelle. C'est l'âge d'or des grands propriétaires terriens, les estancieros. Le froid et le vent travaillent pour eux, faisant pousser la laine sur le dos des moutons. Pénétrer dans leur monde, c'est jouer au jeu des quatre familles : les Braun, les Menendez, les Behety et les Nogueira. Par leurs alliances financières et matrimoniales ils se partagent toute la Terre de Feu. Une société féodale impitoyable s'impose et établit sa fortune par l'audace et la violence. On retrouve en Patagonie et en Terre de Feu les mêmes ingrédients que lors de la conquête de l'Ouest américain : pionniers assoiffés de puissance, chercheurs d'or sans scrupules, terres à conquérir, tueurs d'indiens payés par les propriétaires terriens, alcool, maladies vénériennes et trafics en tout genre. Seules changent les victimes : chasseurs de guanacos contre chasseurs de bisons.
Et les mêmes causes produisent les mêmes effets.
Deux hommes, Ramon Lista, un officier argentin, et Julio Popper, chilien d'origine roumaine, se distinguent particulièrement. Ils lancent leurs hommes de main dans une chasse effrénée à l'indien. Massacres, carnages : des centaines d'hommes, de femmes et d'enfants sont abattus. Tous les moyens sont bons. Exécutions massives, emprisonnements ; les pièges succèdent aux guets-apens, les trahisons aux promesses : Selk'nams, Yamanas, tous seront traqués, abattus comme des chiens enragés. Famines et épidémies se chargeront des malheureux survivants.
Car certains survivent malgré tout, en particulier dans l'extrême sud, en Terre de Feu
Mais les colons veulent achever leur sinistre besogne. Des mercenaires sont recrutés, véritables chasseurs de têtes à qui l'on offre une livre sterling par paire d'oreilles rapportée.
Certains de ces tueurs deviennent même célèbres comme Andy MacLean, alcoolique dépravé qui travaille pour le compte de la Primera Argentina et dont le surnom de Chanco Colorado (cochon rouge) illustre bien la cruauté et la folie meurtrière. Peu de temps avant sa mort, il osera se vanter d'avoir tué à lui seul plus de mille « sauvages ».
Un écossais, Sam Hyslop, autre tueur d'indiens notoire au service de la Explotadora de la Tierra del Fuego avait résumé les mœurs de l'époque. Il disait : « Les indiens, c'est comme les lions. Quand ils sont petits, ils sont gentils mais quand ils grandissent ils deviennent féroces. Le mieux est de les massacrer tous, tout de suite, pour que la race s'éteigne à jamais ». Triste similitude avec la formule employée en Amérique du nord par le Général Sheridan lors de la conquête de l'ouest : « un bon indien est un indien mort ».
Les indiens étaient plusieurs milliers avant ces années terribles. Ils ne se comptent plus que quelques centaines errant sans but sur ces terres qui ne sont plus les leurs, affamés et malades, rongés par les épidémies transmises par leurs bourreaux. La Patagonie est désormais débarrassée de ses « sauvages » et l'infâme paix des blancs s'est définitivement imposée sur ces terres australes où l'on fait paître maintenant quatre millions de moutons.
Les tueries se prolongeront jusqu'en 1923 et les derniers rescapés parqués dans de pauvres réserves succomberont doucement, ivres de désespoir et de douleur silencieuse.
Une fois de plus, l'homme de l'âge de pierre venait se heurter à l'homme des machines et ce dernier avait tout broyé sur son passage.
Mais le destin des fuégiens fut doublement tragique. Ils disparurent non seulement massacrés par les tueurs à la solde des colons mais aussi grâce, ou plutôt à cause du pathétique effort que tentèrent les religieux salésiens pour sauver ce qui restait d'un peuple agonisant. En effet, animés de bonnes intentions, révoltés par toutes ces tueries, des missionnaires accueillirent les survivants des massacres : ils les vêtirent, les nourrirent et les regroupèrent dans des camps afin de les sédentariser. Il était trop tard.
Ceux qui avaient survécus ne s'adaptèrent jamais à ce mode de vie. Rougeole, variole, tuberculose, désespoir et peut-être conscience d'une fin inéluctable : bientôt il y eut davantage de croix dans les cimetières que d'indiens dans les missions. En quelques années, on leur avait tout pris : leurs terres, leurs coutumes, leurs pauvres huttes de branches, leurs traditions, leur langue et jusqu'à leur nom puisqu'on s'acharnait à les baptiser d'un nom chrétien avant qu'ils ne meurent.
Un peuple entier a disparu de la surface de la terre emportant pour toujours l'âme de la cordillère australe. Nous n'avons presque aucune trace de son passage. Pas un cri, pas une plainte, pas une larme. Seule la mémoire demeure d'une terre ensemencée de rêves et maintenant éclaboussée de sang.
Bartolomé de Las Casas, le prêtre défenseur des indiens, parlant des conquistadors et des riches propriétaires du nouveau monde disait : « ces gens-là sont vêtus de soie et non seulement eux mais encore leurs mules. Et nous pensons nous que si l'on tordait cette soie, il en coulerait le sang des indiens ».
Hervé Haon hommage aux indiens de Patagonie et de Terre-de-Feu,
(retour sur une exposition au musée d'Art et d'Histoire de Rochefort, octobre 2010- février 2011) http://www.alienor.org/publications/patagonie/texte.htm
Les derniers Selk'nam ayant gardé la mémoire de bribes de la vie traditionnelle, et pour certains pratiquant encore leur langue, se sont éteints dans les années 1960-1980. . En 1974, mourut Angela Loij considérée comme la dernière Ona.
Toutefois, à la faveur de récentes lois indigènes, on assiste actuellement à un renouveau de la population revendiquant un ancêtre selk'nam. Il s'agit généralement de descendants de travailleurs d'estancia totalement assimilés à la culture moderne.
Les chasseurs-cueilleurs de Terre de Feu témoignèrent des exceptionnelles capacités d'adaptation de l'homme à un environnement très dur, quoique riche, à l'extrémité la plus australe du monde. La fragile démographie de ces groupes ne pouvait résister à l'arrivée des Européens, aux maladies qu'ils apportaient, et pour ce qui concerne les Selk'nam, à un véritable génocide. Des cultures millénaires furent été balayées en quelques dizaines d'années, ne laissant plus derrière elles que des restes enfouis dans les sites archéologiques et les témoignages de voyageurs et d'ethnologues. Parmi ces derniers, les photographies sont des données précieuses, quoiqu'elles ne représentent qu'une image tronquée, figée, parfois même arrangée de la réalité.
« Les Onas ne se préoccupaient pas du vêtement. Pour eux, le seul motif de honte résidait dans le fait de montrer son corps quand il était difforme ou obèse. Ce dernier défaut désignait l'homme glouton. On disait alors de lui qu'il était sans doute si mauvais chasseur que sa femme devait le nourrir avec du poisson.
L'unique vêtement des hommes était le chohn k-olî (la cape de l'homme) qui les couvrait entièrement, du cou aux genoux. Rien ne l'attachait : elle était maintenue en place avec la main gauche, dans laquelle le chasseur tenait aussi son arc et son carquois. Pendant la belle saison, l'épaule et le bras droits étaient généralement nus et libres. Les capes en peaux de renard étaient aussi appréciées des Onas que convoitées par les mineurs blancs. Mais c'est la peau de guanaco qui servait à confectionner la plupart des capes. On n'utilisait que les parties dorsales et les flancs de l'animal : il fallait deux peaux de guanaco par cape. Une fois coupé, on raclait soigneusement le cuir du côté de la chair. On recueillait les raclures et on les mangeait. Bien qu'elles ne fussent pas très appétissantes, elles calmaient les affres de la faim, car on les mâchait longuement avant de les avaler. Les capes étaient, évidemment, portées le poil à l'extérieur. Le cuir se trouvant du côté du corps, il n'y avait pas de danger d'abriter la vermine, dont ce peuple était exempt dans son état naturel, sauf chez ceux qui se négligeaient par maladie ou dans l'extrême vieillesse.
Un indigène complètement accoutré portait sur le front, comme je l'ai déjà décrit, une pièce triangulaire de peau de couleur gris bleu, prélevée sur la tête d'un guanaco. Ce goôchilh se dressait d'une dizaine de centimètres sur le sommet de la tête de l'Indien et était retenu par une lanière en tendons tressés. Vu de face, le goôchilh paraissait de forme conique, niais en réalité il ne recouvrait que le front et les tempes.
Les Indiens connaissaient un autre ornement pour la tête, appelé ohn, mais ils le portaient très rarement. Je n'en ai vu que quatre ou cinq dans ma vie. Ils les confectionnaient avec de petites plumes fixées à une lanière qu'ils serraient autour de la tête, les plumes vers le bas. Comme il fallait s'y attendre, le plus beau était celui de Talimeoat, le chasseur d'oiseaux. Les autres ohn avaient été fabriqués avec des plumes soigneusement choisies sur quelque oiseau bien particulier, mais l'ohn de Talimeoat exhibait des plumes qu'on ne trouve que sur la tête de certains cormorans bleu-noir à poitrail blanc, une espèce très peu répandue en Terre de Feu. Les plumes étaient cylindriques, de cinq centimètres de long environ. Chaque oiseau ne possédait pas plus de trois ou quatre de ces plumes. Talimeoat avait disposé une belle collection de ces plumes sur une petite tresse en tendons de guanaco très joliment travaillée et, bien qu'il la portât rarement, on le sentait modestement fier de cette marque visible de ses prouesses de chasseur. Je n'ai jamais vu les Onas se parer la tête d'ornements voyants de plumes. Les Yahgans exhibaient parfois des plumes blanches et noires, sans doute pour faire ressortir les couleurs avec lesquelles ils se peignaient. Dans aucune des deux tribus les femmes ne portaient de coiffures. Si on en voyait une avec un morceau de cuir fortement erré autour des tempes, c'est qu'elle souffrait de maux de tête, et pour rien d'autre.
Quand un Ona entreprenait un long raid au cours duquel il pensait devoir aller au maximum de sa vitesse, il prenait quelquefois cinq ou six plumes d'hirondelle, qu'il nouait à un tendon et qu'il attachait à l'un de ses avant-bras. On m'a assuré que lorsqu'ils disputaient leurs longues courses de plusieurs lieues (je n'ai jamais assisté à aucune d'elles), quelques-uns des Onas les plus rapides, comme Taàpelht, Ishtohn et Koniyolh-, employaient cet accessoire pour augmenter leur vitesse et leur résistance. J'ai oublié son nom.
En général, un Ona chaussait des jamni (mocassins) fabriqués de préférence avec la peau des pattes du guanaco, portée le poil vers l'extérieur. L'eau ne pénètre pas à travers une peau de l'extérieur vers l'intérieur, tandis qu'elle passe facilement dans l'autre sens, selon un processus identique à celui qui longue courroie de cuir mince pour attacher les charges de viande le cas échéant ; pour allumer le feu, du silex et de l'amadou, qu'il conservait au sec dans une vessie placée sous une lanière autour de la taille ; et naturellement, son arc, son carquois et ses flèches.
L'arc et les flèches présentaient de magnifiques témoignages de l'habileté manuelle des Onas. L'arc était confectionné en bois de hêtre à feuilles caduques {Nothofagus pumilïo) qui mesure, en pleine maturité, environ trente centimètres de diamètre. Juste sous l'écorce, le bois est blanc, mais le cœur du tronc est rouge. On n'utilisait que le bois blanc pour l'arc. Comme il y avait peu d'arbres qui en possédaient en quantité suffisante et de la qualité requise, il n'était pas facile de trouver un tronc ad hoc. Une fois choisi, on abattait l'arbre et on coupait un segment de tronc de près d'un mètre cinquante de long-. une pièce sans nœuds et sans bois rouge.
En section, l'arc commençait par un triangle isocèle. La suite de la taille le réduisait à une forme ressemblant à une poire allongée. Le sommet du triangle se présentait du côté de la corde de l'arc. Du sommet à la base, il y avait cinq centimètres, et la base - qui était le bois le plus jeune et le plus élastique, tout près de l'écorce - avait deux centimètres environ.
Quand il était façonné par un bon artisan (les experts portaient le nom de k-haâlchîri), le bois n'était pas joliment arrondi, mais comptait quelque vingt-cinq méplats, chacun d'eux diminuant en largeur comme l'arc s'affinait de son centre vers ses extrémités. Donner la courbure de ses bords à l'arc représentait un travail des plus difficiles. L'article était des plus ingénieux, combinant la force et la légèreté.
Les flèches étaient taillées dans le bois jaune de l'épine-vinette. On obtenait de bonnes flèches de la variété portant des baies comestibles, mais le meilleur bois était donné par l'épine-vinette à feuilles de houx, que l'on trouvait au sud de la terre des Onas. Cet arbuste des forêts avait de grandes feuilles piquantes, mais, à la différence des baies sucrées décrites par mon père, ses baies ne sont pas agréables à manger. Celui qui fabriquait une flèche choisissait une petite baguette d'environ quatre-vingts centimètres de long, en pelait l'écorce, la fendait en quatre parties et en retirait la moelle. À ce premier stade, la flèche était forcément courbe, mais en la chauffant près du feu et en la contraignant entre les doigts, on la rendait parfaitement droite. Le grattage préliminaire était réalisé avec le bord d'un silex ou un morceau de verre cassé, le but du travail consistant à placer le centre de gravité de la flèche un peu plus près de la tête que des plumes. De ce centre qui avait huit millimètres de diamètre, la flèche allait en s'effilant des deux côtés pour se terminer par un diamètre de quatre millimètres à chaque extrémité. Après avoir été grattée, la flèche était frottée sur une pierre spéciale qui, à la longue, se présentait ondulée comme une brique de poêle. Le dernier polissage se faisait avec une poudre fine de cette même pierre, appliquée avec un morceau très doux de peau de renard.
Les plumes et la tête des flèches étaient attachées proprement à la flèche avec le même matériau que celui utilisé par les Onas pour leurs autres ligatures et coutures : les tendons de guanaco. Non pas les gros tendons qui courent sur tout le corps, mais les plus fins qui se trouvent sous la peau du dos. On humidifiait les tendons avant emploi. En séchant, ils se resserraient et maintenaient aussi fermement la tête que les plumes. Pour éviter le relâchement de la ligature, un tout petit morceau de poix appelé teiken scellait le bout. ».
Lucas Bridges. Aux Confins De La Terre. Une Vie En Terre De Feu.Eds.Nevicata.
A suivre
Magnifique témoignage sur les Selk'Nam
Merci pour eux, pour leur mémoire.
Myriam
Rédigé par : Myriam | mardi 14 fév 2017 à 10h20