Avec le pollen de l'aube sous mes pas, là je vais mon chemin.
Avec la maison de 'la longue vie, là je vais mon chemin,
Dans la maison du bonheur, là je vais mon chemin.
Beauté devant moi, avec elle je vais mon chemin.
La beauté derrière moi, avec elle je vais mon chemin
La beauté en dessous de moi, avec elle je vais mon chemin.
La beauté au-dessus de moi, avec elle je vais mon chemin.
La beauté tout autour de moi, avec elle je vais mon chemin,
Vers le grand âge, avec elle je vais mon chemin.
Pour les Navajos, être en bonne santé, c'est être en état d'hozho. Ce terme, tous les spécialistes occidentaux s'accordent à le dire, est délicat à traduire. Notre mot "santé" n'y suffit pas. Si hozho signifie "équilibre", il veut dire aussi "harmonie", "ordre", "bien", "beauté". Les Navajos emploient rarement ce mot seul, ils disent shil hozho, "avec moi, il y a de la beauté", shii hozho, "en moi, il y a de la beauté" ou encore shaa hozho, "de moi, la beauté irradie", énoncés que l'on retrouve dans leurs prières rituelles. Cette beauté n'est jamais un concept isolé, existant en dehors d'eux. Elle n'engage pas, comme chez nous, la perception, les sens, mais, globalement, une façon d'être, de se conduire. Qui circule en terre navajo a la surprise de découvrir en bordure des routes, un panneau de signalisation sur lequel il est écrit en guise de prévention routière : Drive in beauty, "conduisez en beauté".
"Santé", "beauté". Ces termes, là-bas, sont associés Cette "santé-beauté" qui est en moi, qui émane de moi, apparaît singulièrement dépendante de celui qui la dénomme ainsi, qui la pense ainsi, qui la définit ainsi, à partir de lui. Et, en effet, tomber malade, c'est rompre, par sa conduite, avec cet état ; c'est y faillir par sa manière de vivre et de penser. La maladie, chez les Navajos, n'est donc pas le résultat d'un dérèglement hormonal mais moral ; d'un virus mais d'une dispute ; d'un microbe mais d'un excès. Le responsable de la maladie, c'est d'abord le malade lui-même qui a rompu avec cette "santé-beauté" par son attitude.
Ce processus de rétablissement dépend de cérémonies elles-mêmes fixées, une fois pour toujours, par les Etres sacrés
Les premiers à avoir "reçu" ces cérémonies furent les Héros. Leur conduite en avait fait des "asociaux", ainsi le Rêveur — il n'a aucun sens pratique, n'est pas bon chasseur -, le Garçon-pluie - joueur invétéré, il va jusqu'à risquer l'insigne de commandement de son père -, le Blaireau - il est trop attiré par les fruits matériels. Il faut compter aussi les Héroïnes, comme Femme-serpent, trop sensible aux apparences. La "maladie" est bien d'abord le résultat d'un comportement en rupture avec l'ordre navajo. Mais les Etres sacrés choisissent de venir en aide à ces êtres dont ils vont tester à la fois le courage, l'esprit d'entreprise et la capacité à endurer la souffrance. Pour les guérir, ils les soumettent à des cérémonies. Chaque Héros eut la sienne, adéquate à son problème : le Rêveur, la Voie de la nuit ; le Garçon-pluie, la Voie de la grêle ; le Blaireau, la Voie de la grande étoile
Ce sont donc les ancêtres des Navajos au terme de nombreuses métamorphoses et aventures, qui instaurèrent cet ordre et cette beauté, avant que les Navajos n'apparaissent à la surface de la terre. Une fois seulement que le monde des Navajos fut ordonné ainsi que le voulaient les Etres sacrés, ceux-ci se retirèrent, invisibles, dans les canyons, les montagnes, les ruines que les Navajos aujourd'hui considèrent comme des sites sacrés. les Héros laissèrent Les cérémonies en héritage aux Navajos avant de regagner le monde des dieux auquel ils appartiennent désormais. . Ils en énoncèrent les chants, les prières, les danses ; les peintures alors furent tracées à même les nuages, la brume, les toiles d'araignées, les peaux de bêtes Aujourd'hui, on en dénombre une trentaine, et chacune demeure associée au personnage mythique qui en bénéficia le premier. Depuis, le peuple navajo est censé être responsable de l'ordre et de la beauté du monde - c'est sa raison d'être. Toute violation de cette harmonie, fixée une fois pour toujours, entraîne désordre et laideur et engendre la maladie.
Le malade, aujourd'hui, ressemble donc à sa manière à l'un des personnages égarés du mythe .Pour quelques nuits, et comme ces "fauteurs" autrefois, il sera soumis à la cérémonie la mieux adaptée à son cas. Il aura, à ses côtés, un mystérieux intercesseur, un puissant et savant metteur en scène, l"homme-médecine". Il lui obéira, certes, mais en demeurant conscient : il est responsable de sa guérison comme il l'a été de sa maladie.
De son application et de son implication vont dépendre ses retrouvailles avec l'état d'hozho. Un homme ou une femme souffre, physiquement ou mentalement. A ce stade, on peut faire appel à l'avis d'un "diagnostiqueur" ; généralement, ce sont des femmes. Ces "diagnostiqueuses" sont un peu nos généralistes. Comme les nôtres, elles connaissent bien le malade, elles sont choisies, souvent, dans la même communauté que le patient. La famille fait appel à leurs services dans les cas compliqués, quand personne ne sait trop quel organe a été frappé le premier par la laideur du mal ni à quelle cérémonie il faut recourir. Lors de ces consultations, le bras droit de la diagnostiqueuse est pris de tremblements, il va et vient et finit par désigner la zone du corps touché : la tête, par exemple. Alors, c'est la cérémonie de la Voie de la nuit qu'elle prescrit. La Voie que prit jadis le Rêveur pour retrouver son équilibre, sa "santé" et rejoindre les dieux.
La guérison n’est pas vraiment une question de foi de "foi" ni de "suggestion psychosomatique"., concepts occidentaux ! C'est une remise en ordre et un embellissement des relations qui unissent une personne à ses semblables et à son environnement naturel, la maladie étant le résultat d'un manquement à l'ordre et à la beauté qui sous-tendent toutes ces relations. La méthode est complexe et très stricte. Elle consiste à faire appel à des répliques minutieuses - des copies - de cet ordre et de cette beauté sous forme de chants, de prières, de peintures de sable, sans jamais se départir d'un esprit de profonde piété. La moindre erreur, le moindre manquement à cette rigueur va compromettre la guérison. Il est faux, incorrect de dire que les peintures de sable sont "détruites" au terme de la journée qui a vu leur réalisation. Elles sont appliquées et consommées, leur beauté et leur ordre étant absorbés par les corps et les âmes de ceux qui recherchent la guérison.
Les Navajos appellent leurs hommes et femmes-médecine des "chanteurs". Et pour cause : c'est à chanter que ceux-ci occupent essentiellement leur temps au cours des cérémonies ou "Voies" ou "Chants". Une Voie comme celle du couteau, d'ailleurs, ne comporte pas de "peintures". Et le seul Chant de la grêle - un des plus courts en la matière - se compose de quatre cents quarante-sept "versets". Ces chants sont déclinés sans parfois reprendre haleine. Ils peuvent sembler répétitifs à l'oreille Il n'en est rien. Toute l'expertise de l'homme-médecine consiste à savoir par exemple après combien de vers, parfaitement identiques, il doit changer un mot, un seul, et à quel endroit précis de la phrase. La moindre erreur est impardonnable. Selon les spécialistes cette apparente répétition cache un subtil principe d'alternance, basé sur des interruptions, allers et retours, ambiguïté thématique, qui assure une lente progression vers la "guérison".
En 1996, la nation navajo comptait environ trois cents hommes-médecine.
Merci pour ta réponse par rapport à la fois. Déjà par rapport au poème que tu écris au début, je ne peux m'empécher aux paroles du Christ :" Je suis le chemin, la Vérité". On est loin de tout cela.
Pour essayer de comprendre, me reviennent la phrase de Schiller ?(pas sûre)... "nous nous devons de jouer les plus beaux rôles pour les dieux" et à la fois la pensée d'un ordonnancement du monde. Peut-être une pensée stoïcienne qui m'est chère où nous participons d'un grand tout dans lequel nous avons notre place, et devons la tenir. Et c'est dans ce "devoir" que nous participons à l'harmonie puisque notre vie dans nos actions se doit d'être "belle".
Rédigé par : Lyliana | lundi 02 oct 2006 à 16h40