L'Oiseau Tonnerre vole si vite
Que seuls les yeux de l'esprit
Peuvent le suivre dans la nuit.
Douce Tawamana, tu portes en toi les espoirs du futur.
Souviens-toi de Hopi, de l'Oiseau Tonnerre,
Et de Tawa, le Soleil Père,
Qui nous a donné naissance à tous.
Que les papillons de ton état de jeune femme
Soient avec toi pour toujours.
Dans nombre de sociétés en mouvement, divers rituels ou cérémonies assurent au contraire protection, sécurité, équilibre et coordination, préservent du chaos et de toute dépression psychologique pouvant nuire à l'équilibre et aux objectifs de l’évolution. En termes hopi, ceci se traduit par le fait de suivre les instructions données à l'origine par Taiowa, le Créateur : un plan qui doit incontestablement sembler obscur s'il n'est pas appréhendé avec l'esprit qui lui confère tout son sens et sa vitalité contre toute philosophie négative, ou une philosophie du désespoir.
Taiowa est toujours présent si l'homme désire réellement l'écouter. Ainsi que le disent les Hopis : « Chantez le Chant de la Création », afin que soit assurée la continuité ». Tel est le sens des cérémonies hopi : célébrer année après année le mystère profond de la création ; offrir aux fidèles une série de fêtes annuelles pour commémorer le mystère ; souligner le plan de la création de façon à ce qu'il ne soit pas perdu dans la confusion de la vie de tous les jours.
Les prophéties hopis, dont certaines sont inscrites sur le roc à Oraibi, constituent le plan directeur légué par Taiowa et renforcé par Massoua, le gardien de la Terre, Sotuknang, son auxiliaire et neveu, et par Femme-Araignée, l'archétype de la Grande Mère sans laquelle aucune création ne pourrait avoir lieu. De temps en temps, cette matrice s'use et a besoin d'être rénovée ; c'est ce donne aux hommes le sentiment d'être négligés et les conduit à la dépression et au désespoir. Les cérémonies deviennent alors essentielles, parce qu'elles rappellent à ceux qui suivent la Voie que si la terre sur laquelle ils vivent paraît instable, ce n'est pas le moment de développer un sentiment de crainte. La patience et la foi, à travers le Chant de la Création, tels sont les propos des cérémonies.
La vie doit se payer au prix d'une vie, disent les anciens Américains. La Terre doit mourir périodiquement afin d'assurer sa renaissance. C'est là une vision catastrophe de l'évolution, un modèle cyclique de la création que ne renie pas la science moderne. La vie cérémonielle aide les Hopis à aller de transition en transition, de pierre en pierre, à mesure qu'ils traversent le chaos de la vie.
Il est impossible de présenter les cérémonies hopi d'une façon simpliste : leurs rites remontent très loin dans le temps et sont issus d'années de méditation et de concentration dans les kivas
Les kivas,(chambre sacrée souterraine) les pahos et la farine de maïs forment la matrice d'où jaillissent les cérémonies hopi. . Les pahos sont des objets sacramentaux, en général bénis cérémonieusement dans la kiva, et consistant en une plume d'aigle ou de dinde sauvage liée à une cordelette de coton naturel. La farine de mais correspond à un processus de purification et de nutrition, c'est donc un symbole de la fertilisation, de l'union des gens et des lieux.
Deux sociétés principales contrôlent le calendrier rituel le kachinup et le Powamu. Tout enfant hopi doit être initié dans l’une ou l'autre. Et les quatre cycles cérémoniels majeurs sont Wuwuchim, Soyal, Powamu et Niman.
WUWUCHIM ! LA PREMIÈRE PHASE DE LA CRÉATION
L'année hopi commence avec la première étape d'un cycle en trois phases célébrant tout le processus de la création. Cette première étape s'appelle Wuwuchim.( « Wu » signifie germer, et « Chim » se manifester.) Selon les villages, cette fête a lieu à un moment ou à un autre dans le courant du mois de novembre. Dans la spiritualité hopi, chaque chose, chaque objet possède deux aspects : l'un matériel, l'autre surnaturel. Ce dualisme caractérise les deux moitiés de l'univers hopi, lequel est fondé sur la course du soleil dans le monde visible pendant la journée et son voyage dans le monde invisible pendant les heures de la nuit. Après le coucher du soleil, on pense que Tawa, le Soleil Père, accomplit un périple dans le monde souterrain jusqu'à ce qu'il renaisse avec le jour suivant. Cette croyance incite à une célébration quotidienne à chaque nouveau jour qui point.
L'interaction entre les deux moitiés de l'univers hopi est ponctuée par les rites kachinas, l'utilisation de pahos et de farine de maïs, et le rite de la pipe — qu'ils se tiennent à l'intérieur ou à l'extérieur d'une kiva. On adresse ces offrandes aux katchinas car ce sont les représentants du royaume surnaturel. Selon la pensée hopi, puisqu'on offre des prières aux forces surnaturelles, celles-ci doivent en retour se manifester par un geste, par exemple en amenant la pluie, de bonnes conditions météorologiques, ou d'autres avantages propices à la fertilité. Ce procédé de troc est à la base de la vie quotidienne des Hopis et correspond à une forme élémentaire de magie blanche.
Les trois événements du cycle que sont Wuwu-chim, Soyal et Powamu couvrent tout le processus de création aussi bien chez les plantes, les animaux, que chez les hommes. Wuwuchim débute par la « Cérémonie du Feu Nouveau ». Celle-ci a lieu à l'aube, juste avant que le soleil n'apparaisse sur l'horizon, et les charbons ardents de ce feu rituel serviront ensuite à allumer les feux de toutes les kivas. Elle se termine au sens propre par le baptême collectif de la nouvelle année cérémonielle, lorsque les femmes du village aspergent rituellement les hommes impliqués dans la cérémonie avec des seaux d'eau froide, quelle que soit la température extérieure de cette journée de novembre.
Le feu nouveau est dès lors allumé, l'émergence rétablie, et le cycle d'évolution de l'homme engagé !
SOYAL : LA VIE NOUVELLE
Soyal (« So » signifie tout, « Yal » année) se tient durant le mois de décembre et constitue la seconde grande cérémonie de l'année. Elle ouvre la porte aux Kachinas, de retour des San Francisco Peaks. Aucune danse publique n'a lieu ; c'est au contraire une période de silence, de concentration et de jeûne
. Cette cérémonie est organisée en principe dans les kivas, la kiva étant la voie de passage entre le monde surnaturel (le monde souterrain) et le monde normal, quotidien, du vécu. La durée de Soyal est déterminée par des observations solaires; on commande alors aux hommes de préparer dans les kivas les pahos, qui seront déposés dans les sanctuaires, après que le rite de la pipe leur ait insufflé le pouvoir de transmettre les prières du peuple aux esprits.
Soyal correspond au solstice d'hiver, au « Retour du Soleil », ainsi que le pensent les Hopis, lequel s'est esquivé à mesure que les jours devenaient plus courts. Pour chaque village, l'objet du rituel consiste à « ouvrir » les kivas pour le retour des Katchinas.
La cérémonie commence par l'apparition d'un kachina unique, Soyal, arborant un masque bleu éclatant surmonté d'une pointe rouge feu pour symboliser le soleil levant. C'est le premier Kachina à se présenter sur les mesas ; il marche d'un pas incertain comme s'il sortait d'un long sommeil qui, selon les croyances hopi, dure depuis que les kachinas sont repartis dans le monde souterrain après la dernière « Danse du Retour » (Niman), au mois de juillet précédent.
Puis apparaît le second Kachina, un personnage effrayant, tout noir avec des mains blanches peintes sur son masque et sur son corps. Il s'agit de Matsop kachina, qui figure le pouvoir de fertilité mâle et symbolise la procréation. Il déambule à travers le village simulant l'acte de copulation, Des femmes se portent souvent volontaires pour participer à la cérémonie, en particulier celles qui ont perdu un enfant, espérant obtenir, par le biais de cette magie symbolique, un autre enfant pour prendre la place de celui qui est parti.
Au cours de Soyal, une jeune fille appelée pour la circonstance Jeune-Femme-Faucon, et toujours issue du Clan du Perroquet, s'assied dans la kiva sur une plaque ou bien sur une grande cuvette plate comme une corbeille sur laquelle des pahos et toutes sortes de graines ont été déposées préalablement. Par cet acte, elle symbolise la fonction féminine de reproduction. C'est ainsi que prend fin cette cérémonie très importante, qui signifie que la vie a été « germée » et célèbre la seconde phase de la création, le second monde.
Tout au long du mois Pamuya qui suit, la voie ayant été ouverte par Soyal, des centaines de kachinas surviennent à leur tour et se présentent dans les kivas pendant un cycle appelé « Les Danses nocturnes des kachinas ». Ils annoncent le troisième acte de cette représentation mystérieuse que sont les rites liés à la fertilité et à la germination. La dernière phase de ce processus est « Powamu ».
Wuwuchim avait établi un modèle de vie pour l'année à venir ; Soyal l'avait confirmé ; Powamu va le purifier. Pendant les huit jours que dure la préparation, puis les huit jours de rituel, il dépeint la vie sous sa forme physique pleine et accomplie.
Le cycle de la cérémonie du Powamu se répartit entre la plantation des haricots dans la kiva, l'initiation des enfants, et l'arrivée de Soyoko. Les haricots germeront sous l'action forcée de la chaleur avant que la cérémonie ne finisse, utilisant le pouvoir de la magie blanche pour influencer la nature. Au moment de la « Danse du Haricot », les longues pousses de haricot seront coupées, liées en bottes, puis distribuées dans le village. Chaque maîtresse de maison les fera cuire en ragoût, pour commémorer d'une manière simple et belle le rituel de communion.
En ce qui concerne l'initiation des enfants, elle se produit pour eux entre l'âge de six et dix ans. Ils doivent être initiés soit dans la société des kachinas, soit dans celle du Powamu. Conduits par leurs pères spirituels, les enfants se présentent complètement nus devant les kachinas-fouetteurs pour être flagellés. Ce n'est qu'alors qu'ils apprennent que les kachinas sont personnifiés par des hommes du village, parfois par des parents proches. On raconte qu'autrefois les kachinas pouvaient être vus par les Hopis sous leur forme d'esprits, mais, précise-t-on, à présent les gens ont perdu cette faculté.
L'initiation est suivie par la « Danse du Haricot », en présence de Aboli et Eototo, les deux chefs kachinas provenant de la légendaire Cité mystérieuse du Sud, Palatkwapi (on pense à une ville maya origine des migrations). Ils sont accompagnés par Crow Mother. Les Kachinas qui prennent part à la danse sont sans masque, si bien que les enfants présents doivent avoir été initiés auparavant et posséder une pleine connaissance de la signification de la cérémonie du Powamu, ce qui les aidera à assumer leurs devoirs en tant que membres initiés de la société hopi.
Pour finir a lieu l'épisode le plus terrible de cette troisième phase, quand Soyoko, la femme ogre noire, apparaît sur la mesa entourée d'un groupe de monstres et d'ogres cruels cherchant à faire peur aux enfants (et éventuellement aux spectateurs). Le groupe se déplace de maison en maison pour quêter de la nourriture, menaçant d'emporter les enfants afin de les faire rôtir. Voir les parents discuter avec la kachina Noire pour lui prouver, notamment en lui offrant un bon ragoût, du pâté ou des gâteaux, que leurs enfants se sont bien conduits pendant l'année, est un spectacle étonnant. C'est également une manière efficace de maintenir l'autorité parentale et de rappeler aux plus jeunes leurs futures responsabilités de membres de la société.
La reconstitution des trois phases de la création est ainsi parachevée. Wuwuchim, Soyal et Powamu constituent les pierres angulaires du cérémonialisme hopi en cela qu'ils synchronisent la course du soleil avec la voie des hommes.
LA CÉRÉMONIE DE NIMAN kachina OU CÉRÉMONIE DU RETOUR
Pour clore le cycle tout entier a lieu la cérémonie Niman, c'est-à-dire du retour des kachinas chez eux. Elle survient vers la fin du mois de juillet ou, suivant les villages, dans la première semaine d'août. Considérée comme une célébration du solstice d'été, Niman coïncide avec le début de la récolte des premiers maïs comestibles. En faisant leur apparition sur la place du village, en même temps que le lever du soleil, les Niman kachinas portent d'énormes bottes de maïs. L'effet produit est impressionnant, quand plus de trente de ces grands êtres masqués pénètrent sur la plaza avec les premiers rayons du soleil. La place est vite envahie de hautes bottes de maïs et de tiges liées, avec, accrochés à elles, des poupées kachinas pour les filles et des arcs et des flèches pour les garçons. Il s'agit d'une célébration de la vie, au moment où le soleil fait prospérer les récoltes. Le cycle de Niman s'achève par la danse de Niman kachinas, organisée sur la place principale du village.
Les Hopis disent que les kachinas vivent au sommet des Pics San Francisco. Ils viennent dans les villages chaque hiver pendant Soyal et Powamu, et les quittent après Niman Kachina, au milieu de l'été. En fait, ils estiment que les kachinas viennent de bien loin, de très, très loin, des plus proches étoiles, de constellations trop lointaines pour être visibles, et même de mystérieux mondes spirituels.
Pour bien comprendre le kachina, il faut mieux connaître la cosmographie et la cosmologie hopis. Cette planète terre est le quatrième des mondes matériels dans lesquels l'homme a vécu.. Ce monde a son propre soleil, sa lune, et ses satellites, le tout étant un petit système solaire. Au-delà de notre univers minuscule, existe dans l’espace infini les grandes constellations formant six autres univers, ou six autres systèmes solaires, constituant les étapes de la Route de Vie.
L'homme, à chaque émergence, recommence dans la pureté. Mais le monde nouveau se corrompt par le mal et il doit être détruit. L'homme alors émerge dans le monde suivant. Il s'agit d'une longue et lente route sur laquelle péniblement et sans répit l'homme s'avance. De rares élus sont restés fidèles au chant de la création lors des diverses émergences un de ceux-ci qui se conforme à l'image pure et parfaite établie par le Créateur devient à sa mort un kachinu. Immédiatement, il accède au monde suivant, sans avoir à passer difficilement au travers des mondes intermédiaires, en quelque sorte des étapes sur le chemin de la vie. De là, après un voyage dans les vastes immensités de l'espace interstellaire, il vient périodiquement avec tous les kachinas des autres formes de vie pour aider l'homme dans la poursuite de son voyage évolutionnaire
Les kachinas sont donc les formes intérieures, c'est-à-dire les éléments spirituels, des formes physiques de la vie. Ils peuvent être invoqués et il leur est alors demandé de faire usage de leurs pouvoirs bienfaisants pour permettre à l'homme de poursuivre son voyage éternel. Ils ne sont pas des dieux, mais des forces invisibles de la vie, des intermédiaires et des messagers. Leur rôle principal est de provoquer la pluie, de rendre les récoltes fructueuses et d'assurer la continuité de la vie.
Ce concept cosmologique demeure présent dans la composition des danses kachinas ainsi que dans les chants kachinas de Niman Kachina. Danses et chants répercutent le grand drame de cette cérémonie. Les vrais kachinas le savent : il s'agit d'une bataille cosmique intégrée à la mythologie hopi. Ils sont esprits des morts, esprits des minéraux, esprits des plantes, esprits des oiseaux, esprits des nuages, esprits des autres planètes, et même esprits des étoiles qui ne sont pas encore connues ou visibles dans notre ciel. En fait ils sont les esprits de toutes les forces invisibles de la vie.
Une étoile se désintègre, une autre se forme, l'effet d'une force s'évanouit, une autre prend sa place. Ainsi en est-il des kachinas, ils apparaissent et disparaissent aux flux et reflux du temps, telle la vie elle-même, et leur nombre est aussi grand que leurs formes sont infinies.
Leur forme est physique seulement pendant les six mois où ils vivent sur cette terre. Les hommes qui les personnifient sont aussi des kachinas car ils perdent leur propre personnalité tout en devenant imbus de l'esprit de leur modèle. Pendant ce temps-là, ils doivent être irréprochables, chastes, ayant aussi peu de contact que possible avec les Blancs, ne se disputant pas et n'ayant que de bonnes pensées. Si l'un d'eux trébuche ou tombe en dansant, sa faiblesse n'est pas seulement révélée ; il cause ainsi l'annulation de la cérémonie. Une des conséquences peut être la sécheresse.
Les masques des principaux kachinas sont imprégnés de pouvoirs spirituels, et le droit du port est héréditaire. Ils sont décorés selon un rite et ils bénéficient du soin donné au objets les plus précieux. A la mort du propriétaire le masque est enterré car son pouvoir surnaturel doit retourner d'où il vient.
Les statuettes données aux enfants pour représenter les participants aux cérémonies sont soigneusement sculptées dans une racine de peuplier et décorées de manière très exacte. Mais ce ne sont que des « poupées », nommées kachinas, servant uniquement à familiariser l'enfant avec les masques, les costumes, et les noms des vrais kachinas.
. L'origine des kachinas hopis se perd dans un passé préhistorique dont certains éléments sont toujours présents. Ainsi Kachina Kôkopilau chante dans une langue tellement ancienne, que même les Hopis n'en comprennent pas un seul mot. Ils savent que les kachinas accompagnèrent leurs ancêtres pendant les migrations ; en effet ils étaient, disent-ils, avec eux au moment de leur Émergence de la matrice de Mère-Terre. Tipkyavi, la « matrice », est aussi le nom donné à un endroit au pied des Pics San Francisco où vécurent les Hopis avant de venir sur les Trois Plateaux. A Niman Kachina, les kachinas y font une dernière étape avant de s'en aller « chez eux
LES DANSES DE NUIT DES KACHINAS/ extrait de F..WALTERS. LE LIVRE DU HOPI
Enfin commence l'ensemble caractéristique des danses KAchinas. Une voix de fausset étrange jette un cri. Tous entendent le claquement d'un hochet et un piétinement sur le toit. Le vieux chef de kiva y répond par une invitation. Les kachinas descendent l'échelle et prennent place le long des trois murs du niveau de l'autel : vingt figures masquées de noir avec de longues langues rouges pendant sur leurs grossières barbes noires ; étranges, horribles, merveilleux. Leur corps est peint en noir à l'exception des épaules et des bras jaunes, et ils portent le jupon kachina, une ceinture hopi, une peau de renard pendant derrière, un collier de branches de sapin autour du cou, et des brindilles de sapin glissées à la taille sous la ceinture et aux bras sous les bracelets. Ce sont les vénérables anciens venus du Sud tropical, les chakwana.
Le chef de kiva les asperge avec du maïs moulu puis marque leur route. Alors le chef kachina, placé au centre, donne un ordre. Les bras droits s'élèvent un peu, les hochets s'agitent, les pieds droits frappent le sol. Le chant commence au rythme marqué par le bruit des hochets faits de carapaces de tortues fixés au-dessous du genou droit de chaque danseur. Tous sont semblables dans leurs mouvements, le synchronisme du chant, du geste et du bruit est parfait.
Un groupe remplace un autre, et il en arrive de plus en plus, venus des autres kivas, venus des autres villages. Certains kachinas sont simples et tranquilles, ainsi les Catori — plus communément nommés « Porteurs-de-Graines » car ils ont des sacs pleins de graines qu'ils distribuent — ou les kachinas de la Danse du Maïs. D'autres ont une apparence complexe, par exemple les Knayaya (Têtes-Oscillantes) aux masques peints turquoise à gauche, jaune à droite, et munis d'un groin bleu tubulaire. Deux des chefs dansent de chaque côté du groupe, il s'agit de Tôcha, l'Oiseau-Mouche à la tête d'un violet clair avec un long bec jaune et pointu, et de Avachhoya, kachina du Maïs-Marqué-de-Points, au corps couvert d'une peinture composée des maïs de toutes les directions. Deux jeunes Vierges-des-Nuages les accompagnent ; elles ont le visage peint en blanc et leurs cheveux coiffés en forme de fuseau de coton blanc. Il y a parfois des femmes kachinas, telles les quatre Hemis Kachin-manas aux visagse bleus, porteuses de la cape de femme.Elles s'agenouillent et de leurs rouleaux et plaques à moudre font un bruit semblable à un lointain roulement de tonnerre. Parfois survient un groupe composé de différents kachinas, comme avec l'intention de montrer l'infinie variété de leurs costumes et de leurs robes. C'est au tour d'un groupe de magnifiques Quiqui-kivi de danser. Ils ont des masques rosés avec à la place des yeux des symboles noirs de nuages-terrasses, des oreilles en bourgeon de courge, un museau denté, et ils sont richement ornés de joyaux. Ces kachinas aux costumes flamboyants sont nommés « frères » kachinas ; ils sont parmi les plus récents. Les plus anciens, bien plus austères dans leur splendeur, sont avec subtilité nommés Kuwan kachinas. Il est vraiment difficile de comparer les groupes. Tous sont d'une extrême beauté et d'une incroyable variété auxquelles s'ajoute cette touche venue de mondes différents. Dans un même groupe, tous sont identiques dans leurs costumes ; leurs gestes créent un effet linéaire total, comme s'il ne s'agissait que de la même image à l'infini réfléchie dans une série de miroirs. C'est là un effet toujours magique.
Les chants sont inoubliables. Une nuit, à Hotevilla, les Kachinas-aux-Longs-Cheveux chantent l'histoire d'un chef hopi qui, huit jours auparavant, alla voir tous les chefs des kivas pour leur donner l'ordre de mettre en place des plumes-de-prière dans tous les sanctuaires et de fumer en priant les kachinas de venir rendre visite à leur peuple. Grâce à cette prière-fumée, les Kachinas-aux-Longs-Cheveux ont reçu ce message, et dans les sanctuaires ils aperçurent les plumes-de-prière. Ils ont alors suivi les traces du chef et sont arrivés dans cette kiva pour répondre aux prières et être visibles aux gens ici assemblés. Ils apportent la joie.
« Cet été nous reviendrons », chantent-ils, « nous reviendrons, sous forme de nuages, nuages de l'Ouest, nuages du Sud, nuages de l'Est, nuages du Nord, nous reviendrons bénir le peuple hopi en arrosant ses cultures et ses champs. Alors les Hopis pourront voir le maïs croître majestueusement, et dans leur grande joie ils chanteront les louanges de ces esprits amenant la pluie. A la limite du champ de maïs, il Y aura un oiseau qui se joindra à leurs chants pour célébrer l'unité de leur joie. Ensemble ils chanteront, en accord avec la puissance universelle, en harmonie avec l'Unique Créateur de Tout. Le chant de l'oiseau, le chant des hommes, le chant de la vie ne feront alors qu'un. »
Un nouveau groupe se place dans la lumière crue de l'ampoule électrique. Vingt kachinas, plus effrayants et plus étrangement attrayants. Leurs longues têtes noires ont une calotte jaune, deux longues cornes dirigées vers le plafond, des yeux protubérants soulignés de blancs, et des museaux aux longues dents. Sur leur joue gauche est peinte une étoile blanche et sur la joue droite un croissant de lune blanc. Autour du cou ils ont un genre de fraise faite de branches de sapin. Ils ont le torse nu, le buste peint en noir, les épaules, les avant-bras et les mains en blanc. Une bandoulière rouge passe sur l'épaule droite. Leur jupon de peau de chevreuil est maintenu en place par une ceinture hopi. Un hochet fait d'une carapace de tortue est fixé au-dessus du mollet droit. Leurs mocassins sont bleus. Au sommet de leur longue tête, ils ont un plumeau de plumes de perroquet, et en arrière sont disposées en forme d'éventail des plumes d'aigle. Dans la main droite ils portent un hochet fait d'une gourde sèche et dans la main gauche ils ont une branche de sapin, un arc et une flèche.
Ils sont Ahôtes, les Sans-Repos, toujours prêts à prévenir et à punir. Même en descendant l'échelle, ils n'arrêtent pas de s'agiter et de gémir. Ils viennent de planètes lointaines dans les profondeurs de l'espace. Chez eux tout exprime la puissance : leur masque grotesque puissamment magique, leur fort piétinement, leur profonde voix basse, leur hochet au bruit métallique,, et ce battement du tambour dont on dit le rythme chargé d'un pouvoir étrange. Un instant d'illusion curieuse et fugitive, l'impression d'être dans une locomotive, la sensation créée par le puissant battement des pistons au-dessous de soi, auquel s'ajoute le bruissement des forêts traversées pour aller on ne sait où. Tout à coup, le spectateur aperçoit qu'il est le passager d'un corps humain, avec le battement du cœur, le bruissement de ses oreilles. Cependant IL reste immobile. Mais encore, se demande-t-il, où vais-je ?...
Aby warburg avait découvert les danses kachinas : il les analyse dans ses notes préparatoires à la conférence de 1929.(cf mes notes sur warburg)
texte extrait de aby warburg et l’image en mouvement. philippe alain michaud. ed. macula
« Les Indiens qui participent à la danse des masques katcinas ne représentent pas les dieux eux-mêmes et ne sont pas non plus seulement des prêtres. Intermédiaires démoniques entre le peuple et les puissances célestes, ils sont habités par un pouvoir magique pendant qu'ils portent les masques.
Sa fonction est de faire tomber la pluie fertilisante par des danses et des prières ; dans la steppe aride de l'Arizona et du Nouveau-Mexique, c'est l'orage que l'Indien appelle de ses prières les plus ardentes ; car s'il n'y a pas de pluie en août, le seul mois où elle peut tomber, alors le maïs ne mûrira pas et l'esprit mauvais de la famine se rapproche, apportant les soucis et la misère pour de longs et durs mois d'hiver.
Conformément à l'agriculture des Indiens, les katcinas(ORTHOGRAPHE POSSIBLE)° ont une fonction et une signification variables, qui se manifeste dans les différentes sortes de danses et de chants et surtout dans l'ornementation symbolique, à chaque fois différente, du masque de visage et de l'accessoire de la danse. L'étude des masques katcinas et des dessins de la parure de danse qui va avec sera facilitée par le fait que les Indiens ont coutume de donner à leurs petites filles, jusqu'à l'âge de dix ans, des poupées de bois qui reproduisent exactement, dans les moindres détails, le costume des danseurs katcinas. Chez les Indiens mokis ces poupées portent le nom de tihous, on en voit dans toutes les maisons indiennes, accrochées aux murs ou aux poutres des plafonds. On peut en acquérir sans trop grandes difficultés.
On inculque aux enfants une grande terreur religieuse des katcinas eux-mêmes. Tous les enfants considèrent les katcinas comme des êtres surnaturels, effrayants, et le moment où l'on apprend à l'enfant la vérité sur la nature des katcinas et où il est introduit dans la société des danseurs masqués constitue le tournant le plus important dans l'éducation de l'enfant indien. »
suivont la voie hopi,mon ame et mon coeur est lié à tout jamais à la culture amérindienne et les hopis sont mon peuple d'affection.il faut que les messages hopis passent et traversent les coeurs,afin que ceux qui savent témoignent.mary33 alias chamana.
Rédigé par : maryvonne marcucci | lundi 13 déc 2010 à 19h18