La science coloniale (c'est à la fin du 19e siècle que fut réellement constitué le corpus ) ,devait fortement dénaturer la problématique du peuplement . Face aux populations régionales qui occupaient l'espace malgache, les Européens y virent autant de souches distinctes avec, pour chacune, une homogénéité biologique d'origine. Selon le principe de « diviser pour régner »mis en œuvre par Gallieni, elle introduisit, parfois, contre l'évidence de l'unité linguistique et culturelle de l'île, essentiellement austronésienne , l'idée d'une opposition fondamentale, originelle et raciale entre les Merina déclarés asiatiques et hégémoniques et les "côtiers" déclarés africains, premiers habitants, et victimes de l'oppression féodale .(il est à noter que cette science sévit toujours par le concept d'ethnies « pures » et de conflits inter-ethniques « irrémédiables »).Cette Théorie fut introduite d'abord par les premiers ethnologues, en fait les missionnaires, forts surtout de la lecture de la Bible. Frappés par la grande diversité physique des habitants, comme les couleurs de peau, ils appliquèrent le schéma biblique et racial de la malédiction de Cham qui faisaient de ses descendants, les noirs, les serviteurs des autres peuples(justifiant du même coup l'esclavage).Dans l'ile ils auraient été les vaincus et les serviteurs des conquérants asiatiques.
La pensée coloniale devait y ajouter, bien sûr, l'idée d'émancipation civilisatrice de ses victimes noires que la civilisation viendrait libérer au nom des principes républicains, justifiant ainsi les expéditions de conquête par la lutte contre le « féodalisme » local et par l'état arriéré de ses populations qu'on devait civiliser par devoir.
« La tendance la plus forte, encouragée il est vrai, par les anciennes histoires officielles dynastiques, vise à inscrire l'histoire de Madagascar à l'intérieur d'une chronologie courte. A la fin du XIXe siècle, Anthony Jully – je le rappelle – situait au XVIIe siècle les migrations qui chassèrent les Vazimba et qui sont à l'origine des andriana d'Imerina et, depuis les années 60, l'hypercritisme archéologique, sur la base de certaines données de fouilles, datait des environs du Xe siècle de l'ère chrétienne les débuts du peuplement de Madagascar.. Pendant longtemps jusqu'au XVIe siècle, les populations primitives ou archaïques qui peuplaient Madagascar n'auraient pas eu d'histoire, les changements ne commençant à intervenir qu'au XVIe siècle. D'une certaine façon, cette histoire quasi inexistante de Madagascar n'en serait donc pas une, d'autant plus que n'était pas retenue l'histoire, vécue à l'extérieur de la Grande Ile, des ancêtres des migrants qui vinrent s'y installer.
Hérité du darwinisme social, le troisième caractère de cette histoire tient à sa vision évolutionnaire.
Il assume le schéma du passage progressif de l'ancien le plus simple et primitif au moderne le plus complexe32 en utilisant le thème, récurrent dans l'ensemble du monde colonial, selon lequel les sociétés indigènes sont sans dynamisme et ne peuvent être changées que par une succession de migrations supportant une succession corrélative d'innovations. Madagascar est alors présentée comme un petit monde qui aurait connu les premières étapes de cette évolution et qui comporterait des sociétés encore figées actuellement dans un état quasi primitif à côté de sociétés plus avancées sur cet axe orienté de l'évolution; néanmoins, ces diverses avancées ne seraient pas dues à une dynamique interne, mais chaque fois à un apport étranger. Il est notable que, dans la recherche – nécessaire – des apports extérieurs, le discours s'efforce toujours de définir le lieu d'origine de ceux-ci, mais omet toujours d'essayer de comprendre comment ils furent reçus, s'ils furent acceptés ou rejetés, s'ils furent modifiés et naturalisés. Il est notable également que, dans le langage courant, on parle plus souvent d'« apports » que d'« emprunts », et jamais de « contacts », le premier terme signifiant la passivité de celui à qui l'on apporte alors que les deux autres reconnaîtraient l'agissivité de celui qui emprunte ou de celui qui se trouve dans une situation de contacts. Culturellement, l'homme malgache apparaît donc au départ comme un homme nu qui se serait laissé peu à peu, et inégalement, revêtir d'habits étrangers historiquement datés, mais auxquels – peut-être par reconnaissance, plus vraisemblablement par un supposé manque d'imagination – il n'aurait rien changé. »
Jean-Pierre DOMENICHINI.DISCOURS COLONIAL ET IDENTITÉ MALGACHE. http://www.cresoi.fr/Discours-colonial-et-identite
Cette idée fut renforcée par les travaux de certains anthropologues comme Gabriel Ferrand (en fait un agent consulaire)en 1903.S'appuyant sur la distinction raciale que les « types clairs » étaient asiatiques et les « noirs africains, il popularisa le mythe local des Vazimba aborigènes , « négrilles » selon la terminologie de l'époque, censés être les premiers habitants, bientôt massacrés ou refoulés vers les lieu les plus sauvages par les envahisseurs asiatiques.(l'ethnologue Jean Poirier les a supposés parents des populations bushmanoïdes d'Afrique australe). En faisant des Vazimba, des Africains que la colonisation tenait pour sauvages , on suggérait ainsi que , les habitants originels de Madagascar auraient été des « primitifs et la peinture qu'en fit l'anthropologie allait en ce sens :ils n'auraient connu ni l'agriculture ni le fer ni la poterie ni le tissage, tout au plus savaient-ils tresser .Par la suite, cette distinction perdit son caractère racial pour caractériser un état d'évolution mais continua ainsi d' opposer ceux qui auraient accompli leur révolution technique et ceux qui comme les Vazimba seraient resté primitifs sans le fer et la riziculture. Quant aux bantous, ils seraient les ancêtres de toutes les populations à peau noire.
Pendant longtemps, l'anthropologie physique collectionna les crânes et les squelettes, mesura les indices crâniens et les différentes proportions des corps, décrivait la couleur de la peau et la texture des cheveux. Elle voulait définir les « races », hésitant encore dans les années 60 entre une vingtaine ou une trentaine de « races (on sait désormais que ce concept n'existe pas et que tous les humains sont des homo sapiens,quoique le terme race soit toujours quotidiennement employé. Le concept d'ethnie est pareillement discuté de nos jours).
Il est à noter que les chercheurs opposés à cette thèse dont Albert Grandidier ,le plus grand anthropologue malgachisant du XIXème , tenant de la thèse austronésienne originelle, ont pourtant gardé cette distinction raciale, la renversant simplement.
Plusieurs faits anthropologiques, archéologiques, parfois renforcés par la génétique permettent désormais d'y voir plus clair au-delà de l'idéologie :
Les plus anciens restes archéologiques découverts sur l'Île Rouge datent d'il y a 1500 à 2000 ans, ce qui fait de Madagascar la dernière grande île, hormis l'antarctique, à être colonisée par les Hommes (l'installation des Hommes en Australie date d'il y a 50000 ans et celle sur le continent américain d'il y a 15000 ans environ). Parmi ces restes, on connaît dans le sud-ouest de l'île des traces d'ateliers de boucheries sur des os d'hippopotames nains et des importations de plantes de toute évidence transportées par l'Homme. Un cimetière iranien, daté à 1200 après JC, dans le nord de Madagascar atteste la venue et l'installation de marchands et marins persans.Madagascar a dû accueillir ses premiers occupants au cours des premiers siècles de l'ère chrétienne, les plateaux n'étant abordés que vers les Ve-VIIe siècles.
La population actuelle de Madagascar parle le « malgache » et partage 90% de son vocabulaire de base avec les langues austronésiennes, en particulier le Maanyan, une langue indonésienne parlée dans le sud de Bornéo.
Le malgache contient en outre des emprunts à la langue bantoue parlée dans l'Afrique de l'Est,(surtout les mots concernant l'élevage,semblable à celui existant en afrique) sans oublier des influences arabes et indiennes dans les langues et les cultures. Avant l'époque coloniale, les Malgaches utilisaient un alphabet d'origine arabe, le sorabe. Le mot "sorabe" vient de soratra, du malais et du javanais surat, "texte écrit", ce qui laisse supposer que la notion d'écriture a été introduite à Madagascar par des "Indonésiens", probablement des Javanais..
S'agissant des Bantous, les progrès de la recherche permettent aujourd'hui de dire que leur expansion vers l'est, à partir d'une région du centre nord-ouest de l'Afrique, ne les a conduits jusqu'à la mer qu'à la fin du 1er millénaire de notre ère. Ainsi ne peuvent-ils pas avoir précédé les Austronésiens à Madagascar.
Noir" ne signifie pas uniquement africain ou mélanésien : d'après les sources chinoises, l'aristocratie cham (empire de Champa )était noire :on en trouve la trace sur les bas reliefs d'Angkor.
Une grande vague migratoire eu lieue il y a environ 6 000 ans. Elle mèna des agriculteurset navigateurs parlant des langues austronésiennes à peupler l'Insulinde, soit les Philippines, la Malaisie et l'Indonésie. À partir d'Indonésie, elle conduit, il y a 3 500 à 4 000 ans, ces navigateurs austronésiens vers les îles de l'Océanie proprement dite : Wallacea (sud-est de l'Indonésie), Micronésie, Mélanésie et côtes de la Nouvelle-Guinée. Plus à l'est, ces navigateurs ont été les premiers à atteindre, également il y a environ 3 500 ans la Polynésie (peuplement des Tonga , à l'ouest de la Polynésie, il y a environ 3 300 ans) et, il y a sans doute un millénaire , l'A mérique du sud.Enfin, partis en dehors de l'Océanie (sans doute de Bornéo), plus à l'ouest, des Austronésiens parlant des langues barito ont atteint il y a 1 500 ans l'île de Madagascar .
Les grands ancêtres et découvreurs de l'ile avaient donc développé un art de la navigation hauturière. Ils avaient inventé ou mis au point en Asie du Sud-Est une civilisation néolithique originale . Arrivés probablement sur la côte Ouest de Madagascar en pirogue à balancier (waka) au début de notre ère - voire 300 ans avant selon les archéologues[], les pionniers navigateurs austronésiens (les vahoaka ,peuples des canoes,) figurent dans la tradition malgache sous le nom « d'hommes premiers », Ntaolo .Ces vahoaka ntaolo (« le peuple d'origine ») austronésiens sont à l'origine de la langue malgache commune à toute l'île[], ainsi que de tout le fonds culturel malgache commun à tous les austronésiens, des îles du Pacifique à l'Indonésie, en passant par la Nouvelle-Zélande et les Philippines : coutumes anciennes (comme celle d'ensevelir les défunts dans un pirogue au fond de la mer ou d'un lac), agriculture ancienne (la culture du taro-saonjo, de la banane, de la noix de coco et de la canne à sucre), l'architecture traditionnelle (maison levu végétale à base carrée sur piloti), la musique (les instruments comme la conque marine le tambour de cérémonie, le xylophone, la flûte et la danse (notamment la « danse des oiseaux » que l'on retrouve à la fois au centre et dans le Sud .ils pratiquaient la métallurgie du fer connue dans toute l'Asie du Sud-Est au plus tard au5e siècle avant l'ère chrétienne,. _ ils avaient des organisations sociales et politiques complexes, comme celle du Champa.
« Pour un peu que l'on connaisse le monde austronésien (ce qui n'est pas le cas de la majorité des historiens malgachisants), on doit savoir que le commerce qui se faisait au cours de l'Antiquité dans l'Océan Indien avec des bateaux qui pouvaient transporter de 300 à 1 000 hommes et qui partaient pour des expéditions pouvant prendre toute une année, ne pouvaient pas être armés par des groupes réduits aux dimensions des clans. L'Asie du Sud-Est a ainsi connu de nombreuses thalassocraties qui ont contrôlé ce commerce. Et, si l'on travaille avec un tant soit peu de sérieux, il est impossible de penser que, venus avec ces bateaux, les premiers habitants arrivés à Madagascar n'aient eu aucune notion de structures politiques complexes. Si, de plus, on connaît un tant soit peu les organisations des principautés et royaumes de cette région comme celles des Torodja de Sulawesi, et que, de plus, l'on constate qu'au niveau de la symbolique sociale ancienne, existe une véritable similitude avec la même symbolique ancienne dans l'archipel d'Hawaï, on peut en inférer que ces organisations fonctionnaient déjà au moment de la séparation entre les migrations qui se dirigèrent vers le Pacifique et celles qui partirent vers Java, Bornéo et Sumatra puis vers l'Océan Indien
. Ce n'est donc pas laisser aller son imagination et faire du roman que de reconstituer, combinée avec d'autres sources, l'existence des « Principautés des Embouchures ». Jean-Pierre DOMENICHINI.LA QUESTION VAZIMBA HISTORIOGRAPHIE ET POLITIQUE. http://www.cresoi.fr/IMG/pdf/la_question_vazimba.pdf
Tout au long de ce parcours, les populations de la première et de la seconde vague de peuplement se sont assez largement métissées, tant sur le plan culturel que biologique.
A s'en rapporter à l'ensemble de ces sources disponibles, Madagascar paraît bien avoir été inscrite dans un véritable réseau de commerce maritime s'appuyant sur les productions des pays riverains de l'océan Indien et des mers adjacentes. Ainsi la route maritime reliant le royaume du Zimbawe à l'océan indien a favorisé l'implantation de nombreux comptoirs commerciaux par les navigateurs indiens ,arabes ou indonésiens et Les premières explorations de la Grande Ile, puis les premiers établissements permanents se seraient ainsi situés dans une région où les Austronésiens étaient présents et où il est notoire qu'ils avaient le monopole des aromates. Madagascar a pu jouer un rôle important dans ce commerce, entre l'Asie du Sud -Est et le Moyen Orient directement ou via les côtes africaines.
« D'Asie sud-orientale vents et courants mènent vers Madagascar. Poussées par eux, des laves jaillies des volcans asiatiques, des jonques chinoises y échouent parfois. Les pêcheurs de la côte Ouest ont des pirogues à balancier, caractéristiques du Sud-Est asiatique et de l'Océanie .. Cette embarcation stable, rapide, explique la possibilité d'une migration à travers 8.800 kilomètres d'océan.
Ceux qui sont devenus les malgaches ont apporté d'Asie sud-orientale des techniques, des outils. Cultivé sur brûlis ou en rizières irriguées et étagées, le riz est indonésien. Les mortiers à riz malgaches ont des formes variées, dont deux types se trouvent identiques à Sumatra Pourtant les détails de leur forme né sont pas imposés par l'usage. Le soufflet de forge à double piston, creusé dans des troncs, se trouve en Indonésie et chez les moïs d'Indochine comme à Madagascar (fig. p. 58). La sarbacane extrême orientale est une arme de chasse et un jouet à Madagascar. Même dans son décor d'étain, le pagne moï est identique au pagne malgache. La cithare ) est identique à un instrument indonésien. La conque, instrument d'appel du patriarche et du roi, est asiatique et océanienne. Des cadres sculptés de tombes du Sud-Ouest malgache, rappellent les sculptures funéraires des moïs d'Indochine. Les alualu sont des mémoriaux de bois. Aux îles Nias, le nom des statues d'ancêtres commence par adu. Il suffit de comparer dimi malgache et lima malais pour voir le passage de d à l. Alualu semble bien adu redoublé. On a déjà écrit que les maisons aux chevrons dépassant en pointes effilées, ou aux pointes sculptées en forme d'oiseaux, rappellent les demeures de princes d'Asie sud-orientale. La civilisation malgache est proche des civilisations indonésiennes archaïques. Elle n'a pas subi comme ces dernières de fortes influences de l'Inde, puis de l'Islam. Les influences musulmanes ont pénétré la magie et l'astrologie malgache, non l'ensemble de la civilisation.
Les éléments indonésiens dominent, mais ne peuvent faire oublier l'apport africain. C'est lui qui a donné aux malgaches leur animal domestique : le bœuf. Angumbi est bantou. Les malgaches l'employaient au XVIIe siècle, puis il est devenu umbi. Dans son chapitre sur les races de Madagascar, Monsieur Hartweg met en valeur que des types divers existent dans tous les groupes malgaches. Il cite un exemple typique: au XVIIe siècle Flacourt divise les tanusi en « noirs » et en « blancs », selon la classe sociale. Or, maintenant la majorité des tanusi est foncée ». ..Jacques Faublee Ethnographie De Madagascar.Musée De L'homme
Il reste la question des Vazimbas :ceux-ci sont d'abord l'objet de mythes et de croyances populaires . Personnages mystérieux ayant vécus selon les récits sur les hautes terres, à une époque lointaine, ils suscitent chez les malgaches crainte et respect. On en fait des forces invisibles de la nature et on leur rend un culte funéraire ( comme le montrera le texte final) comme liés aux dieux de la terre .
ils auraient eu l'apparence de gnomes (d'où les fantasmes des anthropologues de la colonisation reprenant la croyance populaire et les assimilant à des nains africains) .On a avancé aussi qu'ils étaient des survivances de l'homme de Flores.La tradition orale en fait d'eux les « Maitres De La Terre », propriétaire de l'Imerina..
La réalité finit par éclairer le mythe en combinant archéologie, génétique, ethnologie, linguistique et histoire : Vazimbas seraient en fait simplement les premiers Malgaches ( paléo ou protomalgaches).
les Ntaolo, premiers arrivants se seraient en fait scindés en deux groupes principaux selon le milieu de subsistance . Les uns habitant les côtes ouest (Vezo), les autres, Vazimbas, occupant les forêts où ils se seraient peut-être mêlés à des aborigènes de petite taille,(origine du mythe ?)voire aux hommes de Flores subsistants (mais on a aucune preuve archéologique de ces hypothèses).En fait Vazimba, outre premier arrivants signifierait d'abord ceux qui habitent les forêts(de yimba, forêt), une population de chasseurs cueilleurs.
Il n'y aurait donc aucune différence d'origine entre Merina et Vazimba (des princes merina avaient des ancêtres vazimba) mais peut être inégalité de développement au cours de leur histoire.
Au moyen Age (vers l'an 1000) Les Vezos de la côte Ouest et Nord-Ouest entretenaient le commerce avec les Perses ou les Arabes, souvent accompagnés de Bantous d'Afrique orientale d'où un fort métissage de population et des progrès technologiques importés. De cette époque naquît les grands royaumes sakalava de la côte Ouest des seconds millénaires : Boina et Menabe. Les bantous, pasteurs, apportèrent l'élevage du zébu qui s'étendit aux autres groupes .À partir du XIIIe siècle, Madagascar connut d'autres vagues d'immigrations, marins et commerçants, malais, javanais indiens et arabes ,y compris les premiers portugais. Ces immigrants plus avancés technologiquement, assimilèrent ou s'allièrent avec les premiers arrivants. (Vezos ou Vazimba.)Ainsi la destinée des Vazimbas n'est pas claire : ils auraient pu être chassés des Hautes Terres par les rois merina, jusque chez les Sakalava, comme dit la tradition, mais aussi tout simplement s'allier avec les arrivants, devenant, par exemple , parents par plaisanterie(mamazimba) des Mérina(il s'agit d'une alliance présente dans toute l'Afrique où l'on échange des cadeaux et des injures rituelles).
Pour finir : une illustration du mythe et du culte vazimba selon le récit d'une vieille paysanne, cité par J.P.Domenichini.
« Selon ce que mon père m'a raconté, il y a bien longtemps dans ce village d'Ambatofotsy, il y avait un Vazimba (un tombeau) et c'est au carrefour où l'on tourne pour aller à la tombe de Rabearivelo que se trouvait cette tombe que craignaient les gens d'ici, car c'était la tombe de Ramatsatso. Quand on venait de manger de la viande de porc ou de mouton, l'on n'avait pas le droit de passer près de cette tombe, surtout en fin d'après-midi quand le soleil darde ses rayons rouges, car toute personne qui en avait mangé pouvait disparaître et l'on ne pouvait plus la voir. Ce Vazimba, les gens lui rendaient un service de respect et d'obéissance, et c'est près de cette pierre blanche à l'ouest du village où il y avait une « pierre sacrée » que l'on consacrait les offrandes que l'on portait au tombeau. Venant de cette « Pierre sacrée » quand on descendait pour passer la rivière à gué, il y avait des moments où l'on voyait ce qu'ils faisaient autrefois : sur les fils blancs d'une toile de soie où cheminaient les zébus; il y en avait là à robe rousse, à robe tachetée, à robe marron et d'autres qui avaient la tête blanche. Aussi quand viennent les sanctifier ceux qui croient aux Vazimba, c'est-à-dire ceux qui viennent les prier, ils les appellent, dit-on, disant : « Ô! Vous les belles rousses, les belles tachetées, les belles brunes et les têtes blanches, nous sommes venus vous rendre visite, et faites-vous voir, si Ramatsatso est déjà là », et s'il était là, dit-on, ces vaches apparaissaient. Tout le monde pouvait les voir, dit-on, mais si vous cherchiez à approcher l'endroit où elles étaient apparues, elles disparaissaient aussitôt.
Par la suite, les gens du village firent ce qui chassa ces choses des temps obscurs, dit-on, et l'on sonna du cor [ou du clairon] et l'on transgressa les interdits en faisant manger aux gens de la viande de porc et de mouton dans cet endroit chaque semaine. C'est pourquoi, dit-on, il y eut une fois un tourbillon qui souffla très fort et qui fit disparaître en emportant à la fois ce qu'on disait être une tombe de Vazimba et une « pierre sacrée ». Les gens d'ici, il faut le savoir, n'avaient pas d'interdits, mais autrefois vraiment, même si l'on n'avait pas d'interdit, l'on était obligé de les respecter, lorsqu'on en arrivait à passer à côté de la tombe. Jean-Pierre Domenichini .op.cité.
A SUIVRE
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