ESPACES DE CULTURES ,ANTHROPOLOGIE,PHILOSOPHIE,VOYAGES...
SUIVEURS DE PISTES,DE SAISONS ,LEVEURS DE CAMPEMENTS DANS LE PETIT VENT DE L'AUBE ; Ô CHERCHEURS DE POINTS D'EAU SUR L'ECORCE DU MONDE. Ô CHERCHEURS,Ô TROUVEURS DE RAISONS POUR S'EN ALLER AILLEURS"...
SAINT JOHN PERSE .ANABASE.
salle consacrée aux femmes Africaines dont le rôle a été marquant.
REFLEXIONS SUR LES FEMMES AFRICAINES qui peut aussi être vu sur
http://muvacan.org/exposition-naitre-et-etre
NOCTURNE DU 6/07 Anita Sankale .Bureau de Muvacan.
CI DESSUS QUELQUES PHOTOS DE L'EXPOSITION.
CI-DESSUS TABLE RONDE SUR L'INITIATION: .Dominique Sewane, anthropologue ,chaire UNESCO. Pierre Boutin ,Musée Africain de Lyon.François Perrier, vice-président de Muvacan. Alfred Gambou. président de Casa Africa. Nantes.
Visite guidée pendant la nocture du 6/07.Jacques Barrier président de Muvacan.
salle PARENTS ET ANCÊTRES MYTHIQUES.
VITRINE POUPEES DE FERTILITE
NOCTURNE/ François Molinier du bureau de Muvacan.
Statues consacrées à la naissance des jumeaux.
NOCTURNE DU 6/07.Yvan Etiembre .
Y.Etiembre vice président et Marie Bossy ,CA de Muvacan. au premier plan
le camp d'initiation.
François Perrier Vice Président de Muvacan lors de la nocturne
Une des questions que pose encore le mythe est de savoir si le cortège est bien fait de revenants ou d'hommes porteurs de masque et de déguisements : la réponse varie selon l'importance qu'on donne au Roman de Fauvel. Déjà les romanistes français avaient exploré la piste du charivari en jouant encore sur l'étymologie de Herla(vieux français herler, « faire du tapage », et herle, « tumulte, bruit »).Si le texte du Roman de Fauvel ressemble à celui d'Orderic : même nom de la troupe, cortèges portant des objets, présence d'un géant, les habits mis à l'envers relèvent cette fois de l'inversion carnavalesque comme les déguisements, que les miniatures des manuscrits transforment en diables et en démons. On est dans le registre du désordre et de la rupture de l'ordre social et religieux, (par exemple la rupture avec l'ordre matrimonial--c'était la fonction du charivari de conspuer des mariages hors normes). La rupture est évidente quant il s'agit de liturgie précédant Pâques où les cloches sont muettes et la musique frappée d'interdit. Le vacarme du charivari est ainsi une contre musique, laquelle se faisait ,en outre entendre, lors des Douze jours, des carnavals et des fêtes de la Saint-Jean.
On a beaucoup glosé sur cette bizarre engin que traine le charivari ,fait de roues de charrette, dont le son produit un bruit de tonnerre : on y a vu les roues de la Fortune , ce que confirme d'autres passages du roman où Fauvel rencontre dame Fortune. « Devant Fortune sont deux grandes roues qui tournent sans cesse, l'une vite, l'autre lentement ; dans chacune d'elles sont agencées deux roues plus petites, animées d'un mouvement contraire. Les roues sur lesquelles sont échelonnés tous les hommes, sont le jeu auquel Fortune se divertit sans cesse ». Fortune ne serait qu'un des avatârs de « bonnes dames » qui conduisent des mesnies et viennent apporter l'abondance dans les maisons ,vers noël : Abundia, Satia, Percht. On a pu relever le rapport entre la mesnie Hellequin, Fortune et ces fées qui visitent les demeures : celui d'une parenté temporelle , une charnière de temps, marquant un recommencement. La mesnie est ainsi parfois conduite par Frau Holda antique déesse Mère du monde, maîtresse de la mort, de l'initiation et de la renaissance ; elle régnait sur le royaume chtonien de Hel ou d'Annwvyne
Une autre meneuse est Perchta , à l'origine une déesse de la végétation et de la fertilité. Elle possède plusieurs noms selon les régions : Berchta, Frau Holle. Elle est la déesse de l'hiver. Dans le folklore des Alpes (surtout le folklore bavarois, autrichien et suisse), Perchta est dite errer dans les campagnes durant l'hiver. Lorsque arrive la douzième nuit de la fête de Yule (autour du 31 décembre), elle entre dans les chaumières. Là, elle sait d'emblée si les enfants et les jeunes se sont bien conduits pendant la dernière année et s'ils ont bien travaillé. Elle se promène accompagnée des Perchten, créatures monstrueuses, symbolisant les forces démoniaques de l'hiver et des intempéries.
On sait qu'à l'origine, les seules fêtes à date fixe de l'Eglise primitive étaient celles qui rappelaient la mort des saints et des martyrs. Fêter une naissance relevait de moeurs païennes. Mais en dépit de leurs efforts, les chrétiens ne parvinrent pas à remplacer l'anniversaire (naissance biologique, entrée dans la vie) par la fête du saint patron, (souvenir du baptème, entrée dans l'Eglise), ni même à lui donner la même importance. Les Pères de l'Eglise se mirent donc en devoir de fixer une date calendaire et liturgique, correspondant à la naissance supposée de Jésus. Cela les contraignit à «Se livrer à toutes sortes de calculs, sans aboutir à un même résultat», dit Arnold Van Gennep. Les textes évangéliques brillaient en effet par leur imprécision. On proposa donc successivement le 18 avril (Clément d'Alexandrie), le 25 mars, le 6 janvier (saint-Epiphane), etc. Ce n'est qu'au IVème siècle (sur l'initiative du pape Liberus, d'après les uns, de Jules I, selon les autres), que l'on retint la date du 25 décembre. Entre temps, on s'était aperçu de la ténacité avec laquelle les païens défendaient leurs coutumes. En fixant au 25 décembre la naissance de Jésus, l'Eglise s'annexait du même coup les festivités indo-européennes du solstice d'hiver, les libations du Jul scandinave et la grande cérémonie annuelle du culte de Mithra Non seulement le temps des pères, mais aussi de ces « matres » (mères primordiales) celtiques ou pré-indo-européennes, considérées comme les «protectrices tutélaires des vivants, mais aussi de la tombe et des morts» Au cours de la nuit solsticiale, en Gaule et en Germanie méridionale, le culte des matres comportait un réveillon où la place était marquée pour les Mères et pour les morts.
La liaison entre chasse sauvage, charivari et carnaval est encore confirmée par des considérations étymologiques : en particulier celle de Mane-kine ,(main coupée) renvoyant à une légende hongroise où une princesse se coupe la main pour échapper à l'inceste avec son père. Il veut l'envoyer au bucher mais par un subterfuge, on brule à sa place un gigantesque « mannequin » origine du rite carnavalesque. Toutes les étymologies se recoupent lorsqu'on songe que ces récits autour de l'inceste royal font que les victimes y échappent en se transformant en oiseau (ANA) (on retrouve Ane-Quin). Dans les premiers carnavals on décapitait un coq , comme on décapitait le mannequin d'osier , qui fut plus tard brulé.La traque sauvage aurait donc le sens ici d'un mythe primordial ,ou la vierge primitive (la déesse celtique Ana) serait poursuivie par un homme/bête(tel un centaure, ou un canidé ) et échapperait au viol en ce changeant en oiseau. Philippe Walter en tire une hypothèse sur la chasse sauvage : le nom Hellequin reflèterait l'accouplement de deux animaux divins chargés d'exprimer l'acte cosmogonique primordial et la hiérogamie instauratrice de l'ordre universel se réalisant par l'union du coq et du chien , au moment de la rénovation solsticiale du temps.
Le carnaval est encore présent dans plusieurs récits (Orderic Vitalis et Fauvel) par le gigantisme du meneur La tradition médiévale conservait en outre sous le nom de Garganeus la mémoire d'un géant mythique qui juxtaposait dans son apparence physique elle-même une figure carnassière et un oiseau. Dans le roman d'Aymon de Varennes intitulé Florimont, Garganeus (alias Gargantua) est décrit avec une tête de léopard (équivalent du trait canin) et un corps de guivre volant (oiseau). Ce gigantisme rapproche évidemment Garganeus de Hellequin.
Le christianisme a repris la figure du géant préchrétien à travers saint Christophe. Une prière qu'on lui adressait permettait d'éloigner «la malice des esprits» et la «malignité des tempêtes», c'est-à-dire la mesnie Hellequin. Christophe se présenterait ainsi comme l'anti-Hellequin : il avait une tête de chien ,croyait-on et on lui on lui sacrifiait un coq.. Christophe se trouve ainsi associé doublement au coq et au chien comme Hellequin
D'autres mascarades illustrent ce rapport et évoquent à la fois la chasse infernale, le charivari et le carnaval.. Ainsi jusqu'au 20ème existait en Cornouailles, la fête du « hobby horse » : un homme un homme portant sur la tête un masque de démon et tenant une armature en bois recouverte de tissu de couleur sombre, terminée par une petite tête de cheval, réunissait un cortège de compagnons la nuit du 1ere mai (Dans le duché de Kent, la troupe s'appelait Hooden Horse et sévissait la nuit de Noël).Le lendemain matin, la troupe défilait dans le village, chaque compagnon plus ou moins déguisé, tenant un instrument de musique et faisant un vacarme d'enfer ; précédant le Hobby Horse, un homme avec un masque de gnome et armé d'une massue ouvrait le cortège On peut constater une indéniable parenté entre ces cortèges et le charivari du Roman de Fauvel, et nous retrouvons dans ces traditions certains éléments de la Chasse infernale, les clochettes et le meneur armé d'une massue par exemple
L'ensemble des cultures a toujours vu dans les masques une incarnation des morts.(dans de nombreuse langues le même mot désigne masque et mort ,tel le latin larva masque et fantômes).aussi les fêtes des morts, ancêtres ou revenants sont accompagnées de sorties de masques. Les mascarades, à l'instar du carnaval prennent place à des dates précises liées aux équinoxes et aux solstices, aux débuts de l'année qui, selon les époques et les civilisations, tombent à des moments différents. Ces mascarades inaugurent un temps neuf ; chaque acte et chaque objet ont une raison fonctionnelle d'ordre magique : on expulse les forces mauvaises (celles de l'hiver) du temps passé et on appelle le temps nouveau auquel on veut donner force et vigueur. En Scandinavie elles se concentrent sur les Douze jours, la période de Noël et la Sainte-Lucie. En Lombardie, Vénétie et Piémont on va en cortège « brûler la Vieille » ce qui doit être rapproché de l'ancienne fête romaine d'Anna perenna qui tombait pendant les Ides de mars. Les romains célébraient les lares, les bons morts : on y dressait de tables pour les défunts . En France et en Allemagne ,existait le repas des fées table dressée pour dame Abonde, Percht ou les Parques . Dans certains textes, les fées étaient annoncées par le messager de la Mesnie Hellequin, ce qui souligne leur collusion avec les trépassés. « On dit aussi que Dame Holle commence à passer dans la période de Noël. C'est pourquoi les servantes font rénover leurs fuseaux ou y enroulent beaucoup de lin ou d'ouvrage et les laissent là durant la nuit. Si Dame Holla voit cela, on dit qu'elle déclare : "Autant de fils, autant de bonnes années. »
Enfin, dans de nombreuses régions d'Europe, des Balkans à l'Europe du nord et du sud, des figures archaïques, mystérieuses hantent régulièrement les rites carnavalesques et ce depuis le Moyen Age (mais renvoyant selon certains à une lointaine antiquité chamanique et néolithique). Ce sont des masques (le mot comme en Afrique ne désigne pas seulement ce qui déguise le visage mais tout un ensemble) parés de peaux animales, de végétaux et de paille, entourés de cloches et d'os, souvent couronnés de cornes et de bois. Ainsi surgit l'homme sauvage au sein du carnaval, comme pour symboliser la renaissance de la nature émergeant de l'hiver (comme fait l'ours lié à l'origine du carnaval). Ces mascarades commencent généralement autour de Noël, allant jusqu'à Pâques. Les figures sont essentiellement ambiguës comme à la croisée de la nature et de la culture. Les masques parlent toujours des mystères de l'existence : dans des sociétés traditionnelles, ils étaient ou sont encore la figure des ancêtres et des esprits des morts, celles des esprits protecteurs ou malins(le christianisme en a fait la figure du diable). Il fut un temps ou ces créatures étaient les garants du village, les gardes des esprits malins, ils libéraient l'esprit des morts et assuraient la protection du bétail et des hommes.
Le mélange des traditions ne doit donc pas obscurcir le sens : les morts règnent sur la fertilité et la fécondité des hommes, du bétail et de la terre ; les fées et les destinées ont la même fonction. Les rituels qui tombent aux dates évoquées ont donc pour but d'expulser les morts nuisibles compris comme des démons et de se rendre favorables les autres trépassés, afin qu'ils contribuent au bien-être de tous au cours de l'année qui s'ouvre.
Le charivari de Fauvel est donc, lui aussi, un rite de fertilité (rite de 3ème fonction selon Dumézil) : le cortège bruyant et masqué appelle la fécondité sur le couple qui vient de se former. Il est donc pour ainsi dire normal qu'il mette en scène les puissances qui la régissent : les morts, et les destinées, symbolisées par l'engin de roues qui renvoie à Fortune. Les divers ustensiles — poêle, crochet, gril, pilon, pot, bassin — que portent les personnages masqués sont des instruments domestiques liés à la cuisine et à la nourriture qui ne doit pas manquer dans le nouveau foyer. Le mariage est non seulement un rite de passage mais aussi un nouveau début, le charivari prend donc place dans la liturgie des commencements.
Le rapport entre cohortes nocturnes et troisième fonction est très ancien, et c'est lui qui lie croyances, rites — mascarades, repas cultuel — et légendes. Les défunts ne sont jamais impuissants, ils continuent de se mêler des affaires des hommes et il faut compter avec eux. Ils ont coutume de se montrer aux dates où communiquent ici-bas et au-delà, instants qui sont déterminants pour la vie des hommes. La fête des Morts et le temps du carnaval sont communs à tous les peuples indo-européens avant la christianisation.
La présence de Hellequin s'explique ainsi : il représente les morts associés aux rites de troisième fonction, mais en même temps ce personnage a fait l'objet d'une « carnavalisation ». C'est le même processus qui fera d'Hellequin l'Arlecchino du théâtre italien. Devenu une figure popu-laire, il prend place dans les diableries accompagnant la représentation des mystères. Le manteau d'Arlequin désigne ainsi le rideau qui masque l'entrée de l'enfer, ou représente celui-ci sur la scène médiévale : une tête de diable y était peinte.
La récupération de la Mesnie Hellequin par le carnaval est aussi bien attestée outre-Rhin. Dans une farce de Christian August Vulpius, on aperçoit ceci dans le cortège carnavalesque :
« Derrière la queue du dragon se déchaînait l'Armée furieuse, des figures bien singulières : dotées de cornes, de becs, de queues, de griffes, de bosses, de longues oreilles, bruyantes et vociférantes, claquant, sifflant, sibilant, ronflant, bêlant et grondant, et derrière, sur un cheval noir et sauvage, Dame Holda, la sauvage chasseresse, sonnant du cor, brandissant un fouet qu'elle faisait claquer, secouant sa chevelure défaite... » CLAUDE LECOUTEUX OP.Cité.
Pour finir on peut dérouler un dernier fil de cette trame complexe avec les travaux de l'historien C. Ginzburg. Ceux-ci vont susciter beaucoup de débats par leur méthode qui se fonde ,à l'instar de celle des chasseurs cueilleurs sur les indices et les traces. L'historien veut aussi concilier la méthode structurale étudiant les rapports entre les mythes et l'histoire se déroulant au fil du temps. Ainsi va-t-il essayer en effet de démêler les croyances autour du sabbat des sorcières à partir des procès de l'inquisition, en particulier ,ceux en Frioul, des Bénandanti, vite assimilés au sabbat. les accusés étaient des gens du peuple, meuniers ou paysans qui assistaient en rêves à des processions de morts ou dont l'âme quittait le corps (toujours en rêve) pour mener des batailles nocturnes contre des « esprits »
Certains auteurs avaient marqué le rapport entre les récits de la cohorte infernale et le sabbat des sorcières :
« La mesnie Hellequin est une chevauchée aérienne comme celle des sorcières qui se rendent au sabbat sur leurs balais. Pour parler comme Burchard de Worms, on pourrait dire que le mesnie Hellequin, c'est la chevauchée de Di-Ane (de la déesse Ana), ou plus précisément encore de Di-ane-quin. C'est à nouveau le rite qui, comme souvent, permet de retrouver la convergence de trois motifs constitutifs du mythe livrés par le nom de Hellequin tel que nous avons pu le gloser: le coq et le chien d'une part, la figure du géant d'autre part.
Procès de sorcellerie: «Jeannette, veuve d'Hugues Brunier, a invoqué un diable nommé Brunet, qui est apparu sous forme d'un chien noir, puis d'un vieux nègre vêtu de drap noir, ayant la bouche rouge et fort laid, à qui elle sacrifiait une poule noire chaque premier mai»3.
La présence d'une date traditionnelle de sabbat (la nuit de Walpurgis, du 30 avril au 1er mai) signe le contexte mythique de ce rite de sorcellerie et vient associer opportunément la poule et le chien noirs à un personnage noir qui n'est autre qu'un avatar de Hellequin. On pourra rapprocher ce rituel d'une observation de Geza Roheim à propos de la sorcellerie. Il rappelle que les sorcières se tranforment souvent en oies pour aller au sabbat. En outre C. Ginzburg évoque le cas d'une sorcière conduite par un coq (mercurial) près du diable36. On connaît aussi le cas de la sorcière russe Baba Yaga qui possède une maison montée sur des pattes de poule.
On sait que la sorcellerie colporte une ancienne tradition mythique préchrétienne que le christianisme n'a pas voulu (ou pas pu) assimiler. On retrouve donc derrière ces croyances les vestiges souvent déformés des vieux rites et mythes préchrétiens. On ne s'étonnera pas d'y retrouver la tradition de Hellequin. La mesnie Hellequin est une chevauchée de sorcières (ou de sorciers).
On ne retrouve pas le chien dans cet autre témoignage dauphinois de désenvoûtement mais les rites respectent la même ordonnance que précédemment, avec un accent particulier porté sur la poule noire:
«Menez la Loyuze au carrefour des quatre chemins; qu'un homme très fort la maintienne en posant son pied sur le sien; qu'il tienne en même temps une poule noire; et la pauvre fille sera désensorcelée». Philippe Walter.Hellequin, Hannequin Dans Le Mythe De La Chasse Sauvage Dans L'europe Médiévale.
. Dans les annales des procès, Ginzburg décèle l'enchevêtrement de deux cultures, celle des « vainqueurs » juges, ecclésiastiques, fondée sur l'écrit, les codes et des dogmes(tel le fameux Marteau Des Sorcières) précis et l'autre ,celle des victimes tissée de croyances populaires ; d'où découle une incompréhension totale et l'étouffement de la seconde qui reste confuse et orale
« Evoquer les traces, c'est se référer à ce qui subsiste d'un passé. Ces survivances, ces vestiges, ces ruines, peuvent témoigner d'un climat, d'un événement, d'une filiation, d'une activité humaine, d'une culture. Ces traces ont toujours intéressé les hommes dans la mesure où elles matérialisent ce qui a disparu, lui donnent une image, permettent de se le représenter, de l'étudier, de se souvenir, de commémorer, de montrer une évolution en remontant le temps.......Dans certains cas, des gens demeurent totalement invisibles au sens où ils n'ont rien laissé comme inscription dans le temps Afin de retrouver la trace de cette culture populaire, Ginzburg recherche le « détail révélateur », l'indice, en pratiquant « l'histoire au ras du sol » avec variation des échelles pour passer à « l'analyse rapprochée de type microscopique » qui repère des « traces infinitésimales et qui permettent de saisir une réalité plus profonde..." Jean-Yves Boursier , « La mémoire comme trace des possibles », Socio-anthropologie
Fort de cette expérience, l'auteur entreprend une longue chasse sur la trace d'éléments qui s'intègrent mal au stéréotype du sabbat, comme les voyages extatiques à la suite d'une divinité féminine, les combats en extase, les déguisements sous forme d'animaux, les batailles rituelles de fécondité, les apparitions des morts, bref toutes ces anomalies qui, pour l'historien, sont autant d'indices et de pistes à suivre. Au terme de ce long voyage à travers le continent eurasiatique et à travers le temps, il aboutit à la conclusion que tous ces thèmes mal camouflés par la sorcellerie diabolique se rattachent à un même contexte religieux, bien connu des ethnologues, celui du chamanisme sibérien.
L'auteur émet donc l'hypothèse que, derrière la sorcellerie diabolique, se cachent d'anciens rituels chamaniques rendus à des divinités funéraires et fécondantes. Une vertigineuse remontée nous entraine alors dans le temps à travers les sources littéraires et archéologiques, et aboutit ainsi aux confins de notre histoire, dans les steppes du nord de la mer Noire. C'est là que, chassés du plateau iranien par les Perses, vers les 8e-7e siècles av. J.-C. s'installent les Scythes, un peuple nomade qui a noué des contacts avec les populations mongoles. Les Scythes transmettent leurs cultes extatiques aux Celtes et aux Grecs, leurs voisins, qui leur empruntent ainsi la divinité de la chasse, fécondante et funéraire (!'Artémis grecque, la Diane romaine, les Mères celtiques) et des héros mythologiques dont les récits rappellent étrangement les voyages initiatiques des chamanes sibériens (Œdipe, Dionysos, Thésée).on va ainsi vite retrouver bien des aspects de la chasse sauvage.
Le stéréotype du sabbat représente donc la fusion de deux images distinctes. La première, élaborée par la culture savante (juges, inquisiteurs, démonologues) était centrée sur la croyance en une secte hostile, inspirée par le diable, dans laquelle on entrait après avoir renoncé à la foi et profané la croix et les sacrements. La seconde, enracinée dans la culture folklorique, reposait sur la croyance en d'extraordinaires capacités d'individus déterminés, hommes et femmes, qui rejoignaient en extase, souvent sous forme d'animaux ou à cheval sur des animaux, le monde des morts, afin de procurer prospérité à la communauté
« En proposant la notion de « représentation claire » (comme alternative aux explications génétiques de Frazer, Wittgenstein souligne la nécessité de trouver des « connexions intermédiaires ». Dans notre cas, ceci implique l'adoption d'un point de vue résolument comparatiste. Pour les Benandanti « funèbres » qui assistent en rêve aux processions des morts, deux enchaînements ou parentés sautent aux yeux immédiatement. D'un côté, avec les témoignages axés sur le mythe de l'armée sauvage ou furieuse () ou sur la troupe des morts, guidée généralement par une divinité masculine : Herlechinus, Odin, Hérode, Artus, etc. De l'autre, avec les témoignages (surtout le fameux Canon Episcopi) sur les femmes qui rêvent de voler la nuit, à cheval sur des animaux, à la suite de Diane «, ou d'autres divinités féminines (Holda, Perchta, Hérodiade, etc.).
… Tout cela constitue un dossier relativement épais, en substance franco-germanique, avec une importante ramification dans la plaine du Pô. Mais ce second dossier s'épaissit à son tour, jusqu'à comprendre une foule de personnages bien enracinés dans la culture folklorique européenne : zduhaci balkaniques, tâlltos hongrois(nés coiffés ils sont supposés quitter leur corps sous l'apparence d'une mouche, d'un crapaud, d'un insecte ou d'un chien pour errer la nuit), mazzeri corses(personnes qui en rêves voient les décès à venir et s'affrontent tous les ans dans des batailles a coups de tibias,) burkudzàutà ossètes, loups-garous baltes, chamanes lapons et sibériens. Que possèdent en commun ces personnages, énumérés ici de façon sciemment désordonnée ? Tout d'abord certes, ils sont les intermédiaires entre le monde des vivants et celui des morts qu'ils rejoignent au moyen de la léthargie et de l'extase. Mais cette sorte de réponse pourrait créer une équivoque, surtout à cause de la présence des chamanes dans cette troupe bariolée. On pourrait penser que le fil conducteur qui relie toutes ces figures est purement (et génériquement) typologique : après tout, des figures de médiateurs avec l'au-delà, de « chamanes » au sens vague du terme, ont été retrouvées dans les cultures les plus disparates. La ressemblance que j'ai retrouvée est au contraire spécifique, de même qu'est spécifique la référence aux chamanes de l'Eurasie, qui a d'ailleurs déjà été proposée pour plusieurs de ces personnages, en particulier pour les tâltos. .. Il suffira de souligner pour le moment que l'existence d'un lien profond permet d'approcher des variantes en apparence divergentes. Ainsi, les prédestinés au voyage extatique sont des individus nés avec certaines particularités physiques (coiffés comme les Benandanti, avec des dents comme les tâltos, etc.) ou à des périodes de l'année déterminées (les douze jours durant lesquels on pensait que le vagabondage des morts était plus fréquent) ; il s'agit parfois, au contraire, des individus qui ont surmonté des épreuves initiatiques déterminées. Le voyage extatique se fait généralement à cheval sur des animaux ou grâce à la transformation en animaux : mais on voit apparaître aussi des véhicules de remplacement, comme des épis, des bancs et des escabeaux (chez les Ossètes, ou à Mirandola, près de Modène) et naturellement des balais. Durant l'extase, les intermédiaires combattent avec des personnages diversement nommés (presque toujours sorciers ou morts) et pour des fins variables : la fertilité des champs, la victoire sur les maladies, la connaissance du futur. Il s'agit de capacités reconnues socialement, même si — sauf dans le cas des chamanes — le voyage extatique se fait en privé plutôt. C.Ginzburg Le Sabbat Des SORCIERES.GALLIMARD.
UNE SURVIVANCE DU CORTEGE FANTASTIQUE ? : LA RONDEDES MOTARD QUI MARQUENT LA FIN DE ROMA DE FELLINI
Au 12ème siècle, un écrivain anglais, Gautier Map, raconte l'histoire de Herla, légendaire roi breton et de sa chevauché fantastique. A ses noces il voit apparaitre le roi des nains (nommé pygmée dans le récit) qui le comble de riches présents et lui en promet d'autres s'il souscrit au pacte d'alliance qu'il lui propose, à savoir venir dans un an assister à ses propres noces . Un an après il accomplit donc sa part de pacte et ressortira de l'antre caverneux du nain, après ce qui lui a paru seulement quelques heures. Il découvrira que plusieurs siècles ont passé, en fait, et ce sera pour errer éternellement avec ses gens.
« Au bout d'un an, il se présenta soudain devant Herla et exigea qu'il tînt sa promesse. S'étant suffisamment préparé à s'acquitter de sa dette le roi y consentit. Il suit le pygmée là où celui-ci le conduit. Us pénètrent dans une caverne, sous un rocher très élevé, et, après avoir traversé des ténèbres assez profondes puis une clarté qui ne ressemblait pas à celle du soleil ou de la lune mais à celle de nombreuses lampes, ils arrivent à la demeure du pygmée, une noble maison en tout point semblable au palais du soleil tel que le décrit Nason [NdT : Ovide]. Une fois les noces célébrées, Herla, ayant, comme il convenait, réglé sa dette au pygmée, reçut l'autorisation de partir. Il se retira comblé de présents : des chevaux, des chiens, des faucons et tout ce qui paraît le plus utile à la chasse à courre et à la fauconnerie. Le pygmée conduisit Herla et ses compagnons jusqu'aux ténèbres et leur offrit un petit limier à porter dans les bras, interdisant à tous de mettre pied à terre, sous aucun prétexte, avant que le chien ne saute à terre, il les salua et s'en retourna chez lui. »
« Parvenu à la lumière du soleil et de retour dans son royaume, Herla adresse la parole à un vieux berger et lui demande des nouvelles de la reine qu'il nomme. L'autre le regarde avec étonnement et dit : "Messire, j'entends à peine ta langue car je suis saxon et toi breton. Je n'ai jamais entendu le nom de cette reine, si ce n'est qu'on raconte qu'il y eut jadis une reine des très anciens Bretons qui portait ce nom. Elle fut l'épouse du roi Herla qui, selon les légendes, disparut dans cette roche avec un certain pygmée et qu'on ne revit jamais sur cette terre. Il y a deux cents ans déjà que les Saxons ont pris possession de ce royaume après en avoir expulsé les habitants« Stupéfait, le roi, qui croyait ne s'être absenté que trois jours, put à peine rester en selle. Oubliant l'ordre du pygmée, certains de ses compagnons mirent pied à terre avant que le limier ne soit descendu : ils tombèrent en poussière aussitôt. Herla comprit alors le conseil que leur avait donné le pygmée et il interdit à quiconque, sous la menace d'une mort semblable, de descendre de cheval avant que le chien ait sauté. Mais le chien ne sauta jamais à terre..." »
« La légende veut que ce roi Herla et son armée poursuivent toujours, sans trêve ni repos, leur ronde insensée dans une course sans fin. Beaucoup de gens ont vu cette troupe. On affirme toutefois que, la première année du règne de notre roi Henri (1154), elle cessa de visiter fréquemment notre royaume comme elle le faisait auparavant, mais de nombreux Gallois la virent disparaître dans la Wye, le fleuve de Hereford. »
Un autre récit est très proche surtout par sa conclusion : la disparition du cortège
« En petite Bretagne [Armorique], on vit des proies nocturnes et des chevaliers qui passaient toujours en silence. Souvent, les Bretons leur volaient des chevaux et des animaux et ils s'en servaient, ce qui amena la mort des uns, les autres restant indemnes.
La troupe et les phalanges allant de nuit, que l'on appelait d'Herlethingus, assez célèbres en Angleterre, apparurent jusqu'à l'époque de notre maître, le roi Henri II. Dans cette armée errant à l'infini suivant des circuits insensés, dans un étourdissant silence, bien des hommes apparurent vivants alors qu'on les savait morts. Pour la dernière fois, cette mesnie d'Herlethingus fut vue dans la marche de Galles et de Hereford, la première année du règne d'Henri II, vers midi. Elle nous ressemblait lorsque nous errons avec nos chariots et nos sommiers, avec des corbeilles et des paniers, avec des oiseaux et des chiens, et avec une grande foule d'hommes et de femmes.
Les premiers qui les virent alertèrent tout le voisinage par leurs clameurs et leurs cors et, comme ces gens ont l'habitude d'être très vigilants, ils se saisirent de toutes sortes d'armes puis se portèrent au-devant de la troupe nombreuse qui arrivait. Comme ils ne purent en tirer le moindre mot, ils allaient lancer leurs épieux mais, s'élevant dans les airs, la troupe disparut tout à coup. Depuis, jamais on ne revit ces guerriers » (De nugis IV, 13).
Au début du XIVème siècle, un notaire à la chancellerie royale, Gervais du Bus, originaire de Normandie, imagine Le Roman de Fauvel. On y trouve un long passage sur un « charivari » cortège délirant et déchaîné conduit par un chevalier Hellequin, lors de la nuit de noces de Fauvel. Après le festin, le couple va se coucher mais il est réveillé par un horrible « chalivali ». : masques et déguisements vêtements inversés vacarme de tambours et clochettes, cymbales et grelots :les participants simulent l'ivresse et trainent avec eux une sorte de char :
«Ils menaient tous un chariot et dans le chariot se trouvait un engin de roues de charrettes, très fortes, raides et très bien faites. En tournant, elles heurtaient six barres de fer qui étaient clouées au moyeu et bien attachées: écoutez! Si grand bruit et si variable, si laid et si épouvantable elles faisaient en s'entrechoquant que l'on n'aurait pas entendu le tonnerre. Ils faisaient une telle crierie qu'on n'en entendit jamais une semblable. L'un montrait son cul au vent, l'autre brisait un auvent. L'un cassait les fenêtres, l'autre jetait du sel dans les puits et l'autre la merde au visage. Ils étaient très laids et très sauvages. Leurs visages portaient de fausses barbes, ils transportaient deux bières (...) Il y avait un grand géant qui allait devant en braillant. Il était vêtu de brodequin. Je crois que c'était Hellequin en compagnie de tous ses gens».
Comment décrypter tous ces récits dont on voit un noyau commun à travers bien des différences ?, que signifie Hellequin par exemple ? (on trouve aussi Herlechin ou Herlethingus et plus tard Mannequin et Arlequin) ? Tous les chercheurs ont noté que derrière le Helle de Hellequin se cachait certainement le Herla de Herlethingus. Sommes-nous en présence d'un mythe pré-chrétien, d'un mythe indoeuropéen voire encore plus ancien ? Quand et où apparait-il ? Peut –on reconstituer le parcours qui mène d'un nom et mythe originel au récit édifiant ?Quel est aussi son rapport avec les autres histoires en particulier celle du roi Herla ou du charivari carnavalesque .
Les érudits ont rivalisé de virtuosité dans l'étymologie des noms multipliant en même temps les hypothèses. Le Helle ou le Hann renverrait à l'étymologie d'un oiseau dans les langues indo européennes --le mot peut signifier sous des variantes, coq, canard cygne) et le AN caractérise une catégorie de déesses primordiales celtiques ,Ana ou Dana, Danu qui prennent d'ailleurs la forme d'un oiseau, ce qui correspond au caractère aérien de la mesnie. On est à la fois dans le domaine du féerique, des cultes anciens, et des revenants. Nombre de fées celtiques portent un nom qui se termine par l'élément âne (Morg-ane, Vivi-ane en particulier ainsi que la Befana, fée toscane aérienne, encore Sequana la déesse gallo-romaine. Par un jeu d'homonymie, l'étymologie croise encore le celtique Ana ou Anu, l'âme, l'esprit et l'Anaon breton, le cortège des Ames en peines ou revenants. Le résultat serait donc qu'on est au départ du mythe dans un cortège aérien d'êtres féériques de déesses et de revenants, que le récit chrétien d'Orderic va identifier et transformer, soit en peuple chrétien des morts et âmes du purgatoire, soit en démons et êtres sataniques.
D'ailleurs les déesses vont être remplacées par sainte An-ne, une des trois femmes primordiales du christianisme (remplaçant les déesses mères) ; son culte est d'ailleurs parfois lié à la destruction d'un dragon volant.
La dernière partie du nom semble poser plus de problème puisque le quin renvoie à chien (un quin !comme le prononçaient les normands et les picards.). finalement, ce qui peut entrainer de la perplexité, Helle-quin ou hanne-quin pourrait signifier un oiseau-chien, ou coq –chien , être composite et mythique préchrétien(les esprits intermédiaires des chamanes) dont il faut retrouver la trace rituelle à travers la multiplicité des récits.
« La mesnie Hellequin constituerait, selon notre enquête étymologique, la restructuration médiévale d'un vieux mythe ethno-religieux préchrétien. Mais lequel? Etudier un mythe, c'est étudier les transformations réglées de ce mythe dans son devenir historique. Ce n'est pas succomber à l'illusion d'un texte primitif d'où dériveraient tous les autres, c'est concevoir le mythe comme l'addition de toutes ses variantes. De plus, le mythe n'est pas un scénario tout à fait immuable (bien qu'il comporte toujours quelques basses continues), c'est un scénario productif: il produit ses propres transformations; il contient dans sa structure même les principes réglés de son propre renouvellement2. Il n'est pas certain que l'étymologie (que nous proposons) ait été comprise de manière immuable à travers les siècles. Le mot est entré très vite en consonance avec d'autres mots qui ont produit à leur tour d'autres associations d'idées (par exemple, l'élément primitif Henn- réinterprété en Hell- a pu suggérer l'enfer à des oreilles germaniques ou les ailes à des oreilles romanes, il est vrai que la mesnie «vole» dans les airs). Il est donc nécessaire à présent de superposer différentes expressions textuelles du mythe dans la longue durée.
l e contexte d'apparition de la mesnie Hellequin est très certainement chamanique. Comme l'a rappelé Mircea Eliade, le chamanisme n'est pas tout à fait une religion mais «un ensemble de méthodes extatiques et thérapeutiques dont le but est d'obtenir le contact avec l'univers parallèle mais invisible des esprits. De ce point de vue, l'abbé Gauchelin dont parle Orderic Vital reste littéralement envoûté par sa vision puisqu'il présente des symptômes pathologiques durant une certaine période. En fait, il a été le médiateur avec les esprits de l'au-delà. Son histoire en rappelle une autre qui nous renvoie également à l'univers chamanique (celui des Sioux cette fois). Elle concerne Black Elk (Elan noir), un homme-médecine de la tribu indienne des Sioux Oglalla49. Enfant, Black Elk tomba gravement malade. Plongé dans une sorte de coma, il eut une vision au cours de laquelle il se sentit transporté dans le ciel où de nombreux chevaux vinrent à lui des quatre points cardinaux. Il rencontra le Grand-père-des-esprits qui lui remit pour son peuple la «plante-qui-guérit». Par la suite, il fut atteint d'une phobie des orages et consulta un homme-médecine qui lui révéla la cause de sa maladie et lui expliqua qu'il pourrait l'exorciser en exécutant la première «danse des chevaux». Elle devait exactement reproduire les mouvements des chevaux qu'il avait vus dans son extase comateuse. Le spectacle eut pour effet de guérir un certain nombre de personnes malades (aveugles ou paralysées) et devint un rite essentiel des tribus Sioux. On ne peut s'empêcher de rapprocher la vision de Black Elk et celle la mesnie Hellequin. Dans les deux cas, un ensemble rituel vient appuyer le mythe théophanique (de l'apparition aérienne des esprits) pour lui donner une sorte de prolongement thérapeutique. » Philippe Walter.Hellequin, Hannequin Dans Le Mythe De La Chasse Sauvage Dans L'europe Médiévale.
Le chien est d'ailleurs présent dans le récit concernant le roi Horla ;il occupe une place centrale. Dans sa décision de bondir au sol ou non, il détient le sort d'Herla et donc sa vie entre ses pattes Le chien est donc le gardien du roi et de sa troupe mais de manière ambiguë. l'antre du nain ou pénètre Herla et ses guerriers, est compris par les interprètes comme le royaume des morts au quel appartient désormais le roi (son propre temps est passé).Les légendes germaniques abondent de personnages qui suivent un nain dans la montagne( entrer dans la montagne est synonyme de trépasser) et ne reviennent jamais. Le rôle joué par le chien n'est pas accidentel. Dans l'Europe antique, une fonction funéraire lui est constamment dévolue et la plupart des mythologies associent le chien au monde du dessous, à la mort, aux Enfers, aux empires invisibles que régissent les divinités chtoniennes ou séléniques. La première fonction mythique du chien est celle de « psychopompe » ( guide de l'homme dans la nuit de la mort). D'Anubis à Cerbère, par Thot, Hécate, Hermès, il a prêté son visage à tous les grands guides des âmes,(comme les chamanes) à tous les jalons de notre histoire culturelle occidentale.Chez les Germains les chiens seuls voyaient Hel, déesse de la mort, quand elle parcourait le pays .C'est d'ailleurs un chien, nommé Garm, qui gardait l'entrée du Niflheim, royaume des morts, des glaces et des ténèbres
Le revenant peut ainsi surgir à certaines dates ou lieux mais il n'échappe pas au monde des morts et le chien symbolise cet emprisonnement. Les interprètes justifient cette hypothèse en s'appuyant sur une donnée archéologique: sur un champ d'urnes gallo-romain du Ier siècle de notre ère, on a trouvé un ensemble de trois statuettes d'argile représentant une Matrona avec enfant, un chien et un coq; à un niveau symbolique, le chien représenterait la mort et le coq la résurrection.
Peut-être l'arrière fond du récit est-il relié à d'antiques cultes des ancêtres . Peut-être s'agit-il de réaffirmer l'importance de ceux-ci et le refus inconscient de les confiner définitivement dans l'autre monde, d'une réitération d'une position mentale refusant que le décès soit une fin et comprenant la vie et la mort comme les instants d'un cycle marqué par un éternel retour.
Mais le thème propre de la chasse et du chien est aussi présent dans l'étymologie de Herla, marquant une des caractéristique de la mesnie à savoir un cortège qui peut être bruyant proche du charivari, cortège de chasseurs et de sa meute(parfois mené par Wotan /Odin). Se profile le thème du chaseur maudit
« Toutes les fois que se trouvent mis en scène le Wütende Heer (en Allemagne) ou la Mesnie Hellequin (en France), c'est par le bruit (le vacarme, le tumulte, le charivari) que se caractérise l'apparition. La troupe, généralement à cheval, mène grand tapage. Son chef Hellequin, a une voix retentissante, qui glace d'effroi le voyageur égaré .certains rapprochements s'imposent notamment avec le vieux-français herie ou harle, «bruit», « tumulte ». Ce mot a donné naissance au verbe herler qui signifie «faire du tapage». En Normandie, herlant voulait dire «bruyant», «tracassier». Sonner une cloche à herie, c'est «sonner le tocsin» (idées de mort et de bruit associées). Il semble bien que les verbes modernes héler (angl. hait) et, peut-être, hurler proviennent aussi de herie, de même que le cri de haro, par lequel, dans l'ancien duché souverain de Normandie, un citoyen pouvait introduire directement une plainte en justice («Haro, nos ducs! On m'a fait tort ! » De Normandie, le mot passe d'ailleurs chez Marie de France à la fin du 13ème siècle (harou), l'expression crier haro sur quelqu'un se généralisant au début du XVIIème
Quatre notions relatives au wütende Heer se trouvent constamment associées par l'étymologie la guerre (et le cheval), la chasse (et le chien), le bruit ou la fureur, le harcèlement. Le francique hara, cité plus haut, et le vieux français harer, ont abouti au verbe moderne. En matière de vénerie, on peut signaler le français harde (couple de chiens courants attachés ensemble dans une chasse à courre) et aussi le mot harloup, attesté chez Gauchet en 1583, qui est une altération de hare-loup, terme utilisé dans la chasse au loup Lazarre Sainéan écrit à ce sujet «Hellequin n'est que la forme normande et primitive, dont l'aspect moderne est hèle-chien, c'est-à-dire chien qu'on hèle, qu'on lance sur le gibier, chien bruyant de sorte que Mesnie Hellequin paraît signifier aussi «équipage de chiens bruyants. »JEAN-JACQUES MOURREAU LA CHASSE SAUVAGE, MYTHE EXEMPLAIRE
Ces interprétations linguistiques expliquent peut –être pourquoi le thème se lie avec celui du chasseur maudit qui deviendra avec le christianisme un ensemble de légendes moralisantes. Ainsi, en Normandie, «Chasse Caïn », au Pays de Bresse, «Chasse du roi Hérode »). Chaque fois il s'agit d'un seigneur ayant préféré traquer le cerf, c'est-à-dire sacrifier au rite païen plutôt que d'assister à un office chrétien, généralement le Vendredi saint (jour de jeûne, d'abstinence et de deuil). Il est alors maudit, et condamné à errer et «chasser éternellement. (On retrouve un dernier avatar de ce chasseur maudit sous forme cette fois d'énigme policière dans Le Chien De Baskerville d'A.Conan Doyle).La croyance populaire va mêler Chasse infernale, Chasseur diabolique et Chasseur sauvage, et s'accompagner de méthodes de conjurations. Quand on entendait la horde démoniaque, il fallait se coucher sous une herse, se maculer de terre, se mettre ou s'allonger dans l'ornière droite du chemin, se taire, ne pas se joindre aux bruits, ne pas faire claquer sa langue, ne pas prononcer le nom de l'Armée furieuse le lundi, le mercredi, le vendredi, ni même en parler, plier son mouchoir en croix, mettre sa tête dans une roue de char, s'étendre.
Le christianisme convertira le chasseur maudit en saint patron, avec st Hubert : chasseur acharné jusqu'à chasser le vendredi saint selon la légende dans la foret des Ardennes il vit soudain, selon la légende, le cerf poursuivi lui faire face, une croix lumineuse entre les cornes et une voix le sommer de se convertir sous peine de l'enfer. Ce thème de l'avertissement est souvent présent dans les variantes de la chasse infernale. il est souvent incarné dans les variantes du mythe, par « le fidèle Eckhart » , un personnage des Nibelungen qui est censé précéder la troupe.. Ainsi ce texte protestant du début de 16ème qui rapporte la croyance populaire : « Un vieil homme portant un bâton blanc et appelé le fidèle Eckart a précédé la troupe. Le vieillard a ordonné aux gens de s'écarter et a même invité certains à rentrer chez eux sinon il leur arriverait malheur. Derrière lui venaient des cavaliers, des piétons, et on a vu des personnes mortes récemment là et d'autres encore vivantes. L'un chevauchait un cheval à deux pattes, un second était lié à une roue qui tournait d'elle-même, un troisième portait sa jambe sur son épaule et courait tout de même, un autre était sans tête, et il y avait bien d'autres apparitions semblables. »
(ainsi la chanson « Ghost Riders In The Sky », reprise du thème des cavaliers du ciel dans le folklore de l'ouest américain).
De noirs taureaux les yeux brillants, les sabots en argent, Crachant par leurs naseaux des jets de feu des jets de sang Ils vont criant la peur troupeau maudit de Lucifer Surgi dans un galop de fer des portes de l'enfer.
Alors courant ivres de sang après tous ces troupeaux Les cavaliers de tous les temps saisissant leurs lassos Couverts de boue couverts de pluie vont courant l'infini Leurs vies ressemblent à l'agonie de vieux mourants maudits.
Le vieux cowboy entend son nom crié par une voix La voix d'un cavalier disant: Ami prends garde à toi Il faut changer ta vie pour ne pas poursuivre avec nous Couvert de sang couvert de boue l'éternité des fous. Ghost Riders in the Sky.
Les animaux chevaux, chiens, cerfs confirment qu'on est dans une mythologie chamanique de « passeur d'Ames ».
L'animal qui semble le plus caractéristique dans cette fonction est le cheval, dont le rôle dans marqué en rapport avec le monde des morts, ce qui ressort de plusieurs récits ,celui du roi Herla mais aussi Gauchelin : à la fin de sa vision, il voit des chevaux sans cavaliers : il veut en saisir un pour apporter une preuve de l'existence de la mesnie ,sachant qu'on ne le croirait pas mais quand il porte la main sur le destrier il ressent « une chaleur aussi ardente que le feu et un froid incroyable ».
« Lorsque des démons viennent s'emparer de l'âme d'un pécheur, ils sont à cheval, et la Chasse infernale comporte souvent une monture destinée à celui qu'elle va emmener ; Théodoric le Grand est emporté en enfer par un cheval diabolique. Souvenons-nous aussi que l'archéologie a mis en évidence l'inhumation d'hommes et de chevaux et qu'au moment où Heremod, l'un des fils d'Odin, se rend en enfer pour tenter d'en arracher son frère Baldr, il chevauche un coursier...
Au Danemark et outre-Rhin, le cheval enterré vivant dans l'église se montre devant la maison où la mort va frapper, et il n'a que trois pattes. On dit qu'on enterrait un cheval dans tout nouveau cimetière avant d'y inhumer le premier défunt. Le lexique reflète encore le rôle du cheval comme accompagnateur des morts : le bayard — la civière mortuaire — fut appelé « cheval de saint Michel » ; quand une personne décédait subitement, on disait : « Le cheval blanc l'a frappée de son sabot ». Bertrand Hell Sang Noir Chasse Foret Et Mythe De L'Europe Sauvage En Europe
La Chasse sauvage ou le chasseur Maudit se lancent le plus souvent à la poursuite d'un cerf. C'est aussi en chassant le cerf, qu'Hubert est « sauvé », ou que d'autres sont maudits. Le cerf, parce qu'il serait le descendant du « dieu-renne » , des antiques sociétés européennes de chasseurs, est en effet, avec le cheval et le porc, l'un des principaux animaux européens, auxquels, dès l'origine, fut affectée une valeur symbolique et consacré un culte . Des peintures rupestres datant du Paléolithique, présentent le personnage chamanique de l'homme cerf, ainsi l'étrange figure de la Grotte des Trois-frères en Ariège ou encore, les gravures rupestres de Val Camonica en Italie. Le cerf apparaitra toujours comme le symbole de la chasse. Dans l'Antiquité classique, il est consacré à Diane-Artémis la déesse du « passage » nature culture (elle protège la forêt et sa faune mais préside aux initiations et aux mariage). Ce sont des cerfs, dans l'iconographie gréco-romaine, qui sont attelés au char de la déesse. Celle-ci les dirige avec des rênes d'or.
Comme le cheval, le cerf est un animal funéraire. De nombreuses traditions attestent qu'il est également psychopompe, et c'est sans doute la raison pour laquelle les Gaulois possédaient de nombreux talismans en bois de cerf. La croyance selon laquelle les morts apparaîtraient parfois sous la forme de cerfs, a donné naissance à la coutume consistant à envelopper les défunts dans des dépouilles de cervidés selon Mircéa Eliade. Ce fut le cas de Gengis Kahn. C'est ainsi que le Morholt d'Irlande, oncle d'Yseult, tué par Tristan en un combat singulier, est dépeint gisant mort «cousu dans une peau de cerf». Des découvertes archéologiques ont d'ailleurs trouvé des cerfs dans les cimetières gaulois : l'animal avait été sacrifié puis inhumé comme un humain.
« Ainsi des liens existent entre la Chasse sauvage, le cerf et la religion gauloise: «On trouve dans les littératures galloises et irlandaises des récits de Chasse fantastique, où la poursuite du cerf est le point de départ d'une série de tribulations, ouvrant accès à un monde imaginaire, qui n'est qu'une autre forme de l'outre-tombe. Il est probable que les Celtes continentaux ont connu des légendes analogues. La poursuite mouvementée du cerf et du sanglier qui figure sur les monuments funéraires correspondrait donc également chez eux à une forme de mythe de la mort. Nous nous expliquerions de la sorte la fréquence de ces scènes sur les monuments funéraires de la Gaule du Nord-Est» (Les croyances funéraires des Gallo-Romains d'après la décoration des tombes. art. cit.). La Chasse sauvage aurait ainsi des correspondances dans les mythes celtiques relatifs à la mort.
. On peut en trouver confirmation dans l'histoire exemplaire du prince Pwyll. «Comme c'est souvent le cas dans les romans de la Table Ronde, tout commence par une chasse au cerf». Pwyll s'écarte de ses compagnons, et suit ses chiens dans une forêt mystérieuse. Tout à coup, il entend les cris d'une autre meute. Il se précipite alors, et voit cette meute étrangère terrasser le cerf qu'il poursuivait. L'aspect extraordinaire des chiens qui la composent ne manque pas de l'étonner : «lis étaient d'un blanc éclatant et lustré, et ils avaient les oreilles rouges, d'un rouge aussi luisant que leur blancheur». Mais Pwyll s'en moque. Il appelle sa meute à la curée. Apparaît alors un cavalier, qui lui reproche vertement son manque de courtoisie et réclame réparation du dommage. Ce cavalier finit par dévoiler son identité. Il n'est autre qu'Arawn, roi d'Annwfn. Or, annfwn signifie «abîme», et par extension « royaume des morts». Pwyll se trouve donc en face du souverain de l'autre monde. M. Markale écrit à cet endroit : «Au Pays de Galles, on entend parfois les chiens d'Annfwn aboyant dans l'air, à la recherche d'une proie comme dans les campagnes françaises on entend le passage de la Mesnie Hellequin, sorte de Chasse infernale d'un gibier qui ne peut jamais être rejoint» (L'épopée celtique en Bretagne. Payot,). Les guerriers celtes, à l'exemple des Germains, ne considéraient pas l'autre monde autrement que comme le prolongement de leur existence terrestre. Dans les légendes celtiques, les morts continuent à se battre après la fin des combats..Pour eux, le monde inférieur est aussi une sorte de Valhalla» jusqu' 'à l'heure du réveil » » JEAN-JACQUES MOURREAU LA CHASSE SAUVAGE, MYTHE EXEMPLAIRE
Mais s'il est animal lié à la mort, le cerf comme souvent dans les mythes, a également des fonctions inverses. C'est un animal lumineux dont la clarté guide en particulier vers la fondation de nouveaux territoires (une biche guidera l'armée de Clovis pour passer une rivière en crue, selon une légende et Hubert vers sa conversion). surtout, il est lié aux cultes de fertilité (le dieu celte Cernumnos )et aux rites carnavalesques ,comme sera le charivari. Le christianisme devait interdire par plusieurs conciles les «mascarades » des solstices survivances de rites celtiques, au cours desquelles des masques de cerfs étaient portés par les participants, membres de sociétés guerrières et de confréries de jeunes gens. ces rites sont toujours vivants dans les carnavals suisses,), ou dans les pays européens de l'est..(cf le thème de l'homme sauvage). Il s'agissait d'évoquer les morts, et d'assurer de bonnes récoltes pour l'année à venir. Un char cultuel du carnaval de Merida en Espagne présente un cavalier épieu à la main, précédé d'un chien ; son cheval est muni de clochettes. S'agit-il du Chasseur sauvage ? Mircea Eliade a souligné l'importance des cultes de fertilité dans son rapport au monde des morts et des « revenants »:
« L'agriculture, comme technique profane et comme forme de culte, rencontre le monde des morts sur deux plans distincts. Le premier est la solidarité avec la terre ; les morts comme les semences sont enterrés, pénètrent dans la dimension chthonienne à eux seuls accessible. Par ailleurs, l'agriculture est par excellence une technique de la fertilité, de la vie qui se reproduit en se multipliant ; et les morts sont particulière, ment attirés par ce mystère de la renaissance, de la palingénésie et de la fécondité sans répit. Pareils aux grains enterrés dans la matrice tellurique, les morts attendent leur retour à la vie sous une nouvelle forme. C'est pourquoi ils s'approchent des vivants, surtout dans les moments où la tension vitale des collectivités est au maximum, c'est-à-dire aux fêtes dites de la fertilité ; quand les forces génésiques de la nature et du groupe humain sont évoquées, déchaînées, exacerbées par des rites, par l'opulence et par l'orgie. [...] Tant que les grains restent ensevelis, ils se trouvent aussi sous la juridiction des morts. La Terre-Mère ou la Grande Déesse de la fertilité contrôle de la même manière le destin des semences et celui des morts. Mais ces derniers sont parfois plus près de l'homme et le laboureur s'adresse à eux pour qu'ils bénissent et soutiennent son travail »
« Le mythe est essentiellement un récit que les usagers sentent dans un rapport régulier, d'ailleurs quelconque, avec un rite positif ou négatif de la vie magico-religieuse, ou juridico-religieuse, ou politico-religieuse. Peu importe que ce récit fasse intervenir des dieux, des héros fabuleux, ou des personnages crus «historiques) : du moment que le récit accompagne ou justifie, ou illustre un rite, il mérite le nom de mythe) M. Georges Dumézil (Mythes et dieux des Germains. Essai d'interprétation comparative. PUF
« Il était une fois un événement qui défrayait la chronique : par les nuits d'hiver on entendait dehors, sur terre ou dans les airs, passer une troupe inconnue. Qui était surpris en plein champ ou dans les bois apercevait un cortège étrange de fantassins et de cavaliers, les uns ensanglantés, les autres portant leur tête sous le bras... C'était la Chasse sauvage ou infernale, la cohorte des damnés, un thème qui n'a cessé d'inspirer les poètes, les écrivains et les peintres.
Depuis des siècles cette troupe est connue et les premiers témoignages se perdent dans la nuit des temps. Mythe ou légende, elle représente une croyance profondément enracinée dans les mentalités des peuples indo-européens ; elle a pris mille et une formes, et la multiplicité des variantes indique à l'évidence que nous ne sommes pas confrontés ici à une donnée fossilisée, mais qu'il s'agit d'une tradition bien vivante. Mêlant paganisme et christianisme, les récits qui nous sont parvenus forment un corpus énorme, embrouillé, controversé. Ils se caractérisent par un syncrétisme poussé et un amalgame d'informations, de traditions très diverses, d'une opacité si redoutable qu'elle a jusqu'ici fait obstacle à un déchiffrement acceptable par les chercheurs.
La Chasse sauvage relève de ce que l'on appelle la mythologie populaire, c'est-à-dire d'une pléiade de croyances bien plus anciennes que le christianisme. Ces croyances structuraient la vie quotidienne, avaient une fonction sociale, possédaient une cohérence et formaient un système élaboré d'interprétation du monde (Weltanschauung). Comme toutes les créations humaines, elles furent soumises à l'usure du temps et des mémoires, à l'évolution historique, aux assauts de la « vraie foi », si bien qu'aujourd'hui nous nous trouvons devant un palimpseste qui recouvre les données anciennes. Elle les a repensées, réorganisées et intégrées, lorsque cela était possible, au dogme de la religion dominante, sinon, elle les a éliminées. Ainsi disparut la cohérence du système. Nous n'avons plus sous les yeux que des fragments épars, véritables morceaux d'un puzzle qu'il faut ajuster sans modèle. Nous sommes confrontés à un monde fantastique, énigmatique, très déroutant. Il est donc nécessaire de ras- sembler le plus grand nombre de données avant de tenter de les relier entre elles, et surtout ne pas éliminer tout ce qui dérangerait, attitude hélas trop fréquente chez bien des chercheurs qui s'efforcent de faire dire aux textes ce qu'eux-mêmes pensent être la vérité. » Claude Lecouteux.Chasses Fantastiques Et Cohortes De La Nuit.Imago.
Au Moyen Age, la « Chasse infernale » est une légende chrétienne qui reprend des traditions anciennes. Cette légende aurait puisé son inspiration dans des mythes relatant le passage d'une « Chasse sauvage », dont l'origine pourrait être indo-européenne
Ainsi a –t-on, pendant des siècles, cru voir des cortèges fantastiques qui mêlaient chasseurs, soldats, damnés, cavaliers avec leurs meutes, surgissant avec fracas du néant pour disparaître sans laisser de traces, comme une nuée d'orage. Ils étaient souvent menés par un géant, un seigneur ou un roi où encore des bonnes dames légendaires ,symboles de prospérité, qui venaient aux solstices visiter les maisons,Diane, et Hérodiade, Satia et Abonde. On y rencontrait des sorcières dont le double était censé avoir quitté le corps endormi, des défunts ou des revenants qu'on considérait damnés ou errant dans les limbes, enfin des cohortes de démons et de diables. Le tableau de Lucas Cranach l'Ancien intitulé Mélancolie(1532) présente une chevauchée fantastique et aérienne où apparaissent un sanglier que chevauche une femme nue, décharnée et tenant une lance, un bélier monté par un lansquenet et une vache portant un homme et une femme nus.
Certains éléments de la troupe de la nuit sont caractéristiques de divers récits germaniques. Tantôt la Chasse est une troupe de guerriers à cheval, généralement vêtus de noir, qu'accompagne une troupe bruyante et disparate; c'est le « wütende Heer,l'armée infernale », des fois conduite par Wotan ,lui-même qui christianisée deviendra un simple cortège d'âmes en peine, une troupe de damnés, quand elle ne dégénèrera pas en danse macabre. Tantôt il s'agit d'un véritable équipage de chasse, conduit par un chasseur-fantôme (le Grand Veneur), et qui comporte des montures, des chiens, une proie, une suite, etc. La proie est généralement un cerf ou un sanglier, ou encore une femme (nue, vêtue d'une robe blanche, etc.). C'est « la Wilde Jagd, la Chasse sauvage».
Chasse sauvage et cohortes ont fusionné avec le thème du « Chasseur Maudit »: un noble condamné, parce qu'ayant chassé un jour sacré ou encore un chasseur sanguinaire victime d'une ironie macabre, puisqu'il est pris au mot, ayant proféré qu'il chasserait jusqu'à la prise d'un gibier qui se dérobait sans cesse.. il chassera ainsi éternellement .C'est le thème du récit connu sous le nom de Der Wiïrttemberger qui a eu une longue postérité sous divers noms.Ainsi le Grand Veneur de la forêt de Fontainebleau. L'un des motifs fondamentaux de ce type de récit est l'attachement du chasseur à un lieu, en général la forêt, dont il ne peut sortir. La fusion des récits est bien attestée dans les légendes recueillies au XIXe siècle outre-Rhin. Là, le chasseur est souvent le diable en personne, et son gibier est humain. On s'en aperçoit lorsqu'un paysan lui crie, comme une boutade, de ne pas oublier de lui donner sa part de gibier et qu'il reçoit un débris humain.
En outre, rejoignent ce groupe de légendes des personnages comme le roi Arthur et Dietrich von Bern, tous deux frappés par l'anathème de l'Eglise, le premier pour ses péchés, le second pour son arianisme. L'un des noms de la Chasse Sauvage sera ainsi Chasse Artus.
Une autre tradition est soulignée par les germanistes :la présence de Wotan/Odin(ou encore Wodan )à la tête des chevauchées fantastiques.
« Un villageois suédois condamné en 1639 pour avoir rejoint une Chasse Sauvage, il reconnaît que cette troupe était celle « des hommes d'Odin ». Précisons à propos du nom Odin, appellation nordique de Wodan, qu'il dérive de la même racine wuot (donnant odr en vieux nordique) et qu'il renvoie également à l'idée d'ensauvagement. L'image de Wodan/ Odin, conducteur de la Chasse Sauvage, n'est pas restée figée dans les archives. Dans la péninsule Scandinave, les récits oraux font encore mention des Odensjctkt ou des Odinsjaeger, tandis que dans les pays alémaniques, les dénominations vernaculaires du Chasseur Sauvage placé à la tête des chevauchées volantes gardent vivante la mémoire de l'ancienne divinité. Ce chasseur est der Wuder en Saxe, der Wude. en Rhénanie, der Wod au Luxembourg ou encore der Waud en Poméranie ». Bertrand Hell. Op. Cité
La constitution de la troupe, l'apparence de ses membres, la présence ou l'absence d'animaux, le bruit ou le silence, l'existence d'un meneur ou d'une meneuse variaient donc selon les pays et les régions et portaient différents noms ,le diable ,Wotan/Odin , dame Holle, Percht, enfin « Mesnie Hellequin » ,le plus fréquent ,chez nous.
« II faut aussi prêter une attention particulière aux dates et aux lieux d'apparition de l'Armée infernale ainsi qu'aux phénomènes qui l'accompagnent. Dans nulle légende, le temps de l'apparition n'est aussi souvent évoqué que dans celle-ci.
Selon les régions et les siècles, on l'aperçoit en automne, les trois derniers jeudis de l'Avent, pendant les Douze Jours, à Noël, à la Saint-Sylvestre, à la Saint-Jean ou de la la Saintgpeorges à la Saint-Martin, pendant les Quatre-Temps et à la Pentecôte. Toutes ces dates sont révélatrices, et la concentration des apparitions sur l'hiver possède une longue histoire.
Les indications de lieu vont de l'imprécision relative - dehors, sur le chemin, dans la rue, devant la maison - à une localisation significative: l'Armée furieuse se montre en forêt, parfois dans une clairière, traverse un pré ou une prairie, apparaît dans une vallée, sur une montagne.
Elle est parfois accompagnée d'un vacarme et d'un tumulte rappelant la tempête, raison pour laquelle on l'a fréquemment interprétée comme la personnification de celle-ci, - et d'animaux qui présentent parfois des difformités ou bien qui sont morts eux aussi48, trait qui devrait retenir l'attention car il relativise singulièrement la connotation chrétienne presque permanente du thème. Parfois, son apparition est liée à une musique ou au tintement de clochettes.
On relèvera aussi la présence d'un interdit dans certaines attestations de la légende: quand on entend venir l'Armée furieuse, il ne faut pas chercher à la voir. Dans les récits plus récents, il faut se garder d'adresser la parole à ses membres, sinon on est emporté par elle, on tombe malade ou on meurt, ou bien on a la révélation de son prochain trépas.
A l'époque de nos témoins, le rôle de l'Armée furieuse est simple et relève des présages: le passage de la cohorte de morts annonce des catastrophes, décès et épidémies. » Claude Lecouteux. Chasse Sauvage ,Armée Furieuse. Dans Le Mythe De La Chasse Sauvage Dans L'Europe Médiévale.
On est ici en présence d'un des mythes les plus significatifs de la pensée européenne, multipliant les versions puis les réécritures, et dont on trouve encore traces et images jusqu'à nous (chansons, cinéma, personnages fantastiques). Dans son Manuel du folklore français , Arnold Van Gennep cite à propos de la Chasse sauvage une abondante bibliographie. Il recense près de cent vingt titres pour le seul domaine français. Pourtant, malgré une multitude d'hypothèses, et faute de connaitre exactement le «noyau primitif », la signification profonde du mythe demeure encore objet de débat. Une des difficultés de l'enquête provient de l'existence de nombreuses cohortes nocturnes qui se confondent dans les esprits, s'amalgament pour se dissocier, léguant à chaque fois un ou plusieurs éléments aux récits auxquels elles se sont liées pour un temps. Les témoignages ne sont jamais de première main et marquent les difficultés de la retransmission, tel le passage de l'oralité à l'écrit. Surtout dans un syncrétisme dont on trouve la trace dans beaucoup de domaines, L'Église si elle n'invente rien va reprendre et remodeler des données, créant sa propre mythologie à partir d'un substrat plus ancien ; elle ne garde que ce qui a un rapport au message chrétien (ainsi les « saints passeurs », tels ST Hubert avec la chasse ou ST Jacques et le chemin des âmes vers l'immortalité), conservant en les expurgeant ce qui fut peut-être croyances chamaniques. Elle condamnera le reste comme domaine du diable. Enfin ce peut nous apparaitre comme une croyance populaire, pourrait très bien être en fait issu de l'écrit, de la littérature savante, ou des récits chrétiens du clergé à des fins d'édification.
D'où l'abondance des hypothèses concernant l'origine historique du mythe (tâche peut-être impossible parce qu'absence d'un noyau premier). Pour Claude Gaignebet, historien du Carnaval, Hellequin, Arlequin, Kernunnos (la divinité celte) et Herne (le chasseur sauvage des traditions anglaises), sont les avatars de l'homme-cerf présent dans les principaux « mythes européens ». PH. Walter, quant à lui, propose de reconnaître dans les chasses Hellequin ou Hernequin celles du géant Harpin, personnage velu et armé d'une massue, bien connu de la littérature merveilleuse médiévale, et dont le nom évoque à dessein celui des hommes-loups romains (les Hirpi). Le véritable conducteur des chasses fantastiques ne serait autre que l'homme sauvage légendaire, lequel serait « la forme folklorisée d'une vieille divinité du panthéon celtique et indo-européen ». Les germanistes sont loin de partager ces points de vue et ils avancent leurs propres hypothèses. Les uns voient dans Hellequin une déformation linguistique de Harila ou Herla (nom inspiré de la racine herra, « armée »), roi légendaire qui resta enfermé plusieurs siècles avec son équipage de chasse dans la grotte d'un nain ; les autres discernent la figure mythologique de Hel, l'ancienne divinité germanique régnant sur le royaume souterrain des morts. Jacob Grimm, dans sa Deutsche Mythologie (1835), suggère un autre rapprochement : les chasses sauvages seraient une réminiscence des antiques rassemblements nocturnes et tumultueux des Harii, ces guerriers d'élite aux corps peints, auxquels, si l'on en croit Tacite, nul ennemi ne résiste, car « l'horreur seule et l'ombre qui accompagnent cette armée de lémures suffisent à porter l'épouvante » (Germania).
« Grâce aux progrès de la mythologie comparée, nous savons aujourd'hui que la littérature médiévale conserve d'anciens mythes. Non seulement la littérature d'imagination mais aussi les chroniques, les exempla (textes religieux moralisants), voire les textes dits «scientifiques». De quels mythes s'agit-il? Le plus souvent, ce sont des mythes préchrétiens (chamaniques, celtiques ou germano-Scandinaves) qui ne relèvent pas directement du monde gréco-latin. La difficulté de cerner et d'analyser ces traditions a bien souvent conduit à en minimiser l'influence. Pourtant, elles survivent sous des formes inattendues durant tout le Moyen Age et même bien au-delà de cette période, y compris dans les contes populaires. Faute de les percevoir, en particulier dans les littératures européennes du Moyen Age, on s'expose à des interprétations textuelles souvent «littéraires» dans le plus mauvais sens du mot, c'est-à-dire sans profondeur historique ou culturelle, lorsqu'elles ne sont pas, tout simplement, anachroniques. Toutefois, si le mythe est le matériau premier de la littérature médiévale, il faut pouvoir distinguer le mythe hérité (mythe ethno-religieux) du mythe inventé par la littérature (mythe littéraire).
La présente contribution plaide pour l'existence de «structures anthropologiques de l'imaginaire» qui rendent possible l'analyse comparée des diverses versions de la mesnie Hellequin. Elle part de l'hypothèse que l'on a affaire à un mythe préchrétien perpétuellement réélaboré dans ses pérégrinations folkloriques ou littéraires mais qu'il est possible d'en retrouver un des centres névralgiques dans la notion de théophanie (probablement chamanique) et dans une série de rites qui soutiennent l'édifice mythique. On tentera ici une approche ritualiste du mythe, c'est-à-dire centrée sur les rites en se souvenant du postulat de Mircea Eliade: «la fonction maîtresse du mythe est de fixer les modèles exemplaires de tous les rites et de toutes les actions humaines significatives»
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Elle invite à réinterroger le folklore pour reconstituer les morceaux épars d'un savoir anthropologique qui se disperse aujourd'hui dans la littérature et les chroniques médiévales, le folklore médiéval et «moderne», voire l'iconographie: «Ils (les romanisants et médiévistes) ont à ce sujet (la Chasse Sauvage) dépouillé tous les documents contemporains, interrogé les poètes, les chroniqueurs, les généalogistes, n'omettant dans cette enquête d'érudition qu'un seul témoignage, celui de la tradition elle-même. On nous a dit ce que pensait de la légende un prêtre du onzième siècle, un annaliste du treizième, mais on a négligé de consulter le gardien vivant de la tradition, le peuple de l'Ouest et du Centre de la France. Et pourtant, ce n'est ni dans les chroniques d'Orderic Vital ni dans celles de Normandie qu'on peut trouver l'origine et la portée de cette croyance populaire, assez ancienne, assez répandue, et dont l'écho parfois très affaibli est venu jusqu'à nous. Ces clercs du douzième et du treizième siècle l'ont trouvée vivant autour d'eux et en l'adaptant aux idées politiques et théologiques de l'époque, c'est une image plutôt altérée qu'ils nous en ont transmise»..
Ce qui frappe le plus dans l'histoire de la Chasse infernale, c'est sa variabilité, sa faculté de se fondre avec d'autres croyances, d'en tirer des éléments et de les amalgamer. Les témoignages cités laissent entrevoir deux grands vecteurs. D'abord le culte des ancêtres qui favorise la fusion du thème avec la table des âmes puis le repas des fées ; ensuite, les rituels cultuels qui aboutissent aux mascarades et aux cortèges carnavalesques. Sur ce tronc vinrent se greffer des motifs tirés de la légende du Chasseur sauvage, puis, lorsque les clercs se furent emparés de la Chasse infernale et l'eurent adaptée au dogme chrétien, d'autres éléments venus d'une création médiévale, la légende du Chasseur maudit qui n'est, somme toute, qu'une Chasse infernale en miniature car réduite à sa plus simple expression, c'est-à-dire à un unique participant humain ; et à son tour cette légende édifiante évolue au fil des âges pour produire celles du juif errant et du vaisseau fantôme. Cette perméabilité des traditions entre -Iles repose, à notre avis, sur un fonds commun, sur une vision de l'univers commune, et la démarche intellectuelle qui se laisse entrevoir est une tentative d'explication et de maîtrise du monde dans lequel vivaient nos ancêtres. Philippe Walter.Hellequin, Hannequin Dans Le Mythe De La Chasse Sauvage Dans L'europe Médiévale.
Des témoignages vont ainsi se succéder depuis le plus Haut Moyen Age jusqu'au début de l'ère moderne : des noms vont jalonner cette série : Orderic Vitalis et la Mesnie Hellequin, Gautier Map et le roi de Herla, le Roman de Fauvel etc. Il s'agit chaque fois, du reflet plus ou moins déformé de traditions encore très vivantes dans la tradition orale et donc la permanence de mythes autour de noms légendaires (Hellequin, Mannequin, Arthur, etc). Plusieurs traces peuvent être suivies : le culte des ancêtres, les rituels qui vont aboutir aux mascarades et cortèges du carnaval , la légende du chasseur maudit , ou encore celle du chasseur sauvage que les clercs vont transformer en vie de ST Hubert pour l'adapter au dogme chrétien. C'est que le mythe primitif se déforme et que les valeurs vont s'inverser, par le bouleversement qu'occasionne le christianisme en Europe. Les divinités tutélaires vont se retrouvées rejetées du côté des puissances infernales et démoniaques tandis que les mythes qui ne pouvaient être expurgés étaient privés de sens. Les autres étaient modifiés en fonction de la morale nouvelle, ou de la tradition biblique, .Pourtant, ils ne disparurent pas, restés bien ancrés dans l'esprit des populations rurales («païen» dérivé de pagus, lieu, a donné paysan ).
« On évoque tout d'abord la redoutable contiguïté de la passion cynégétique et de la fureur diabolique et, au 19ème siècle encore, il n'est de contrées dans lesquelles ne circulent d'inquiétantes histoires, de nature à renforcer ce soupçon. Ici, en Poméranie, on murmure que les chasseurs étrangement chanceux ont en réalité passé un abominable marché : en échange de chaque pièce de gibier acquise de leur vivant, ils auraient accepté de traquer, pour le compte de Satan, une âme après leur mort. Là, en Vendée, on assure que le sinistre « Crieur » qui conduit la chasse volante des « Grands-Bois » est un chasseur ayant conclu un pacte avec le diable pour assouvir à jamais sa passion.Cette défiance collective trouve sa cristallisation dans l'image du diable-chasseur. C'est en effet sous les traits d'un homme tout de vert vêtu, portant une gibecière en cuir et la tête couverte d'un chapeau a longue plume, que Satan apparaît régulièrement tant dans l'iconographie que dans les traditions orales. Il ne s'agit pas seulement de la représentation classique du Prince des ténèbres, le traqueur d âmes par excellence. Dans toute l'aire alémanique, de nombreuses légendes brodent sur le motif de la funeste rencontre, au détour d'un sentier, entre un promeneur et un chasseur affable, qui est en fait le Chasseur vert.Bertrand Hell Sang Noir Chasse Foret Et Mythe De L'europe Sauvage En Europe.
Tout ce syncrétisme va se décliner en plusieurs histoires –types, au fil du temps :
. « Passant de jour comme de nuit, visible ou invisible, formée de cavaliers, de piétons ou des deux, composée de personnes ayant un aspect normal ou bien celui de leur dernière heure, accompagnée d'animaux ou non, d'un chariot, la Chasse infernale reste par-delà les siècles l'une des légendes les plus singulières du Moyen Age, un modèle d'interaction des traditions cléricales et de la mythologie populaire. Elle nous ouvre les portes d'un imaginaire jamais en repos, qui travaille par associations, véritable quête de la connaissance de l'univers pris dans sa totalité, où ici-bas et au-delà interfèrent en permanence, où l'homme n'est donc jamais seul et échappe à l'angoisse existentielle car il sait que des liens l'attachent au passé comme à l'avenir, sait où il va et ce qu'il deviendra, qui il rejoindra lorsqu'il aura quitté ce monde sublunaire et quelles seront ses activités. La Chasse infernale relève donc aussi de la religion, soit-elle païenne ou chrétienne, et nous invite à méditer un message qui perdure dans les siècles des siècles. ».CLAUDE LECOUTEUX OP.Cité.
Un texte d'Orderic Vitalis (janvier 1092) va être l'initiateur d'un mouvement d'une grande ampleur : il va justement bâtir la légende chrétienne à partir d'éléments préexistants et en diffusant ceux-ci, va inciter d'autres clercs à en faire autant, (ce qui donnera de nombreuses variantes). Il est vraisemblablement le premier à avoir compris tout le parti que l'Église pouvait tirer des croyances touchant aux morts et à leur retour.
Son récit relate la vision d'un certain Gauchelin, un prêtre normand qui une nuit se heurte à une « Mesnie » (En vieux français, une mesnie désigne un cortège, un équipage, un train de chasse, de valets de meute), aérienne et terrifiante, conduite par un géant nommé Hellequin (ou Herlechin).Revenant de visiter un malade, le prêtre entend venir une armée. Il veut alors se cacher, mais le géant armé d'une massue le contraint de rester près de lui. Passe alors toute une cohorte de pillards, de chevaliers noirs, armés pour la bataille, de femmes à cheval confessant leurs turpitudes, etc.
« Voici qu'une immense troupe (turba) de gens à pied se mit à passer. Ils portaient sur leur cou et leurs épaules du bétail, des vêtements, des objets de toutes sortes et divers ustensiles que les brigands emmènent habituellement avec eux. Tous se lamentaient et s'exhortaient à aller plus vite. Le prêtre reconnut dans ce cortège plusieurs de ses voisins morts depuis peu et il les entendit se plaindre des grands tourments qu'ils subissaient en raison de leurs méfaits. »
« Ensuite passa une bande de croques-morts auxquels se joignit aussitôt le géant. Ils portaient une cinquantaine de bayarts, soutenus chacun par deux porteurs. Des hommes de la taille de nains mais dont la tête était aussi grosse qu'un tonneau étaient assis sur ces bayarts. Deux Ethiopiens [= des diables] portaient également un immense tronc d'arbre sur lequel un malheureux cruellement enchaîné était torturé : au milieu de ses supplices, il poussait d'horribles hurlements. En effet, un terrible démon se tenait sur ce tronc et le frappait violemment de ses éperons incandescents dans les reins et le dos, tout ensanglantés. Gauchelin le reconnut aussitôt comme le meurtrier du prêtre Etienne ; il le vit souffrir de façon intolérable pour le sang d'un innocent qu'il avait versé, deux ans plus tôt, sans avoir fait pénitence pour un si grand crime. »
« Puis arriva un groupe de femmes qui parut au prêtre une multitude innombrable. Elles étaient à cheval, montées à la manière des femmes sur des selles de femmes [= à l'amazone], où se trouvaient fixés des clous incandescents. Souvent le vent les soulevait à la hauteur d'une coudée et les laissait retomber aussitôt sur ces pointes. Ces clous brûlants les blessaient aux fesses et, horriblement tourmentées par ces piqûres et ces brûlures, elles criaient : "Hélas ! Hélas !" et confessaient devant tout le monde les péchés pour lesquels elles subissaient de tels châtiments. Ainsi, c'est sans doute pour les attraits et les plaisirs obscènes dont elles abusèrent de leur vivant qu'elles endurent maintenant le feu, la puanteur et tous les autres supplices, trop nombreux pour pouvoir être rapportés… »
La vision se poursuivit par celle d'ecclésiastiques supérieurs du prêtre et de guerriers noirs et Gauchelin de conclure : «Voilà sans aucun doute les gens de Herlechin. J'ai ouï dire que quelques personnes les ont entendus et vus parfois. J'étais incrédule. Maintenant, je vois les mânes des morts. »
Les carnavals masqués , continuent à rendre hommage aux mythes anciens un peu partout . Habillé sous forme de chèvre, de diable, d’ours ou de monstre avec mâchoire en acier, « l’homme sauvage » appartient au monde de ces mythes.
Le photographe Français Charles Freger découvre le Krampus ) à Salzburg lors d’une mascarade. - créature démoniaque, née dans des pays comme l’Autriche, la Bulgarie ou la Slovénie. Fasciné par la rencontre, il se mit à la recherche des divers figures du mythe dans une chasse photographique à travers, ce qu’il appelle « l’Europe tribale ».
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