« En la caissière de magasin survit Danaé, dans les bouches du métro survivent les bouches de l'Enfer » W.Benjamin le livre des passages.
« La morsure de la tarentule fixe l'homme dans son propos, c'est-à-dire dans ce qu'il pensait lorsqu'il fut mordu ».léonard de vinci
Le fait d'être passé, de ne plus exister est à l'origine d'un travail intense au sein des choses Et la force qui travaille à l'intérieur d'elles],est la dialectique. La dialectique les fouille, les révolutionne, les met sens dessus dessous, de la sorte que la couche superficielle devient la couche profonde. [...] Qui tente de s'approcher de son propre passé enseveli doit faire comme un homme qui fouille. [...] Il est à coup sûr utile, lors de fouilles, de procéder selon des plans. Mais tout aussi indispensable est le coup de bêche précautionneux et tâtonnant dans l'obscur royaume de la terre. w.benjamin,paris capitale du xix è siècle.
S’interrogeant sur l’anachronisme en histoire,(devant le temps ed. de minuit) g.didi-huberman souligne la crainte habituelle des historiens, une crainte spontanée devant l'hétérogène - l'anachronisme apparaissant comme l'hétérogène ou le disparate du temps, ressenti à ce titre comme un ferment d’irrationalité.
Or cette crainte selon l’auteur a pour effet d’appauvrir la polyrythmie historique (au sens musical) en privilégiant une approche séparée des rythmes(longue ou courte durée) et en tirant la longue durée vers une histoire immobile (celle des systèmes des structures ou des mentalités ).
« Quand le véritable problème consistait à penser leur formation composite - c'est-à-dire leur anachronisme. Il ne faut pas dire qu'il y a des objets historiques relevant de telle ou telle durée : il faut comprendre qu’en chaque objet historique tous les temps se rencontrent, entrent en collision ou bien se fondent plastiquement les uns dans les autres, bifurquent ou bien s'enchevêtrent les uns aux autres. »
Théoricien de l’histoire de l’art ,Didi-Huberman introduit alors le concept nouveau d’histoire symptôme : l'étrange conjonction de ces deux durées hétérogènes : l'ouverture soudaine et l'apparition (emballement) d'une latence ou d'une survivance (îlot d'immobilité) . Qu'est-ce qu'un symptôme, sinon précisément l'étrange conjonction de la différence et de la répétition ? L'« attention au répétitif » et aux temps toujours imprévisibles de ses manifestations - le symptôme comme jeu non chronologique de latences et de crises .devant le temps
Théoricien du temps, l’auteur s’inspire de « penseurs énergumènes » à la recherche de modèles historiques nouveaux (Warburg, Carl Einstein mais aussi et surtout w. Benjamin.)tous les trois(mais encore et d’abord Proust )considèrent l’histoire sur le mode symptômal , dès lors que son apparition - le présent de son événement -est reconnue comme faisant resurgir la longue durée d'un Autrefois latent ,ce que Warburg nommait une survivance . « en sorte que les phénomènes qu'on appelle « de déchéance et de décadence » doivent être « considérés comme des précurseurs [...], des mirages des grandes synthèses qui suivent »,écrit W.Benjamin
Une telle histoire n’est pas linéaire,ni positiviste :: les « faits » du passé ne sont plus choses inertes à aller trouver, à isoler puis à saisir dans un récit causal, ce que Benjamin considère comme un mythe épistémologique. Ils deviennent des choses dialectiques, des choses en mouvement : ce qui, depuis le passé, vient « nous frapper » comme une « affaire de ressouvenir.
S’ensuit chez benjamin une théorie de la mémoire et de l’histoire, de l’histoire comme mémoire dans un inconscient du temps.
Un principe dynamique de la mémoire dont l'historien doit se faire à la fois le récepteur - le rêveur - et l'interprète.
Mais comment s'y prendre ? En jouant, une fois de plus, dialectiquement : en jouant sur deux tableaux à la fois. L'inconscient du temps vient à nous dans ses traces et dans son travail. Les traces sont matérielles : vestiges, rebuts de l'histoire, contre-motifs ou contre-rythmes, « chutes » ou « irruptions », symptômes ou malaises, syncopes ou anachronismes dans la continuité des « faits du passé ». Devant cela, l'historien doit renoncer à quelques séculaires hiérarchies.
- faits importants contre faits insignifiants - et adopter le regard méticuleux de l'anthropologue attentif aux détails, et surtout aux moindres. Ce que Benjamin exige d'abord, c'est donc l'humilité d'une archéologie matérielle : l'historien doit se faire le « chiffonnier » de la mémoire des choses . Symétriquement, Benjamin exige l'audace d'une archéologie psychique : car c'est au rythme des rêves, des symptômes ou des fantasmes, c'est au rythme des refoulements et des retours du refoulé, des latences et des crises, que le travail de la mémoire s'accorde avant tout. g.dh. devant le temps.
Aux historiens positivistes ou idéalistes qui commettent la même erreur en cherchant le « fait historique » dans l'élément du « pur passé » , le chiffonnier BENJAMIN répond que tout est anachronique, parce que tout est impur : parce que c'est dans l'impureté, dans la lie des choses que survit l'Autrefois. Il suffit de regarder la texture même de cette impureté pour y comprendre le travail complexe du temps
Si G. Didi huberman trouve cette histoire dialectique chez les auteurs de culture germanique et dans l’histoire de l’art, on pourrait également se tourner vers l’Italie et une anthropologie historique et critique (l’historicisme critique), vers Ernesto de Martino (et plus récemment Clara Gallini ou Carlo Ginsburg). De Martino en particulier a toujours agi en « analyseur » et « révélateur »
Son lecteur voit ainsi apparaître un continent multiforme d’abord dans la personne même de l’auteur : le militant, l’humaniste plongé dans les débats du politique et s’engageant au parti communiste italien, l’ethnologue pionnier du terrain, l’historien des religions et du social, le philosophe de l’existence, nourri des travaux de la psychologie, de la psychopathologie et de la métapsychique.une approche pluridisciplinaire, qui interroge autant l’objet que la genèse même de la construction de l’objet.
Se découvrent sous les décombres (les chiffons de Benjamin)de l’histoire du Sud italien, les couches anciennes qui se brisaient
. La pensée architectonique de De Martino lui permet à la fois de s’engager avec générosité dans le présent de l’histoire et de percer du regard les poussées souterraines du passé qui, parfois, occasionnent de profondes fractures. Or, la vitalité de sa pensée tient à cette conception du temps, embrassé depuis l’horizon, et sondé patiemment jusqu’aux racines invisibles L’histoire y devient l’art de déchiffrer l’incessant flux des naissances, des vies, des agonies collectives et individuelles, par une approche fine des traces, méthodologie dont C. Ginsburg se fera le théoricien. Dans le tarentisme, dans la magie lucanienne, dans les rituels funéraires, s’interrompt le cours linéaire et implacable du temps ; son chaos est dépassé pour les participants aux rites par une inscription dans un temps mythique. Dialectique, et pas simplement morne et répétitif, le rituel offre un moment de retrouvaille avec le temps mythique, compense la précarité d’une existence a merci de l’aléatoire .le chaos contient en lui la fécondité du renouveau..S’instaure alors une interrogation sur ce qui meurt et sur ce qui renait sur les rapports entre temps historique et mythique.
Ainsi, loin de pouvoir se définir en termes purement négatifs ou en termes superficiellement descriptifs, la persistance d'attitudes « paganisantes » doit plutôt être interprétée comme le signe de problèmes pressants qui concernent la définition des rapports entre structure et culture, entre religion et changement socio-économique. L’histoire du symbolique selon de martino est proche de l’histoire de l’art que défendait Carl Einstein comme conflit et tension inapaisable (L’histoire de l'art est la lutte de toutes les expériences optiques, des espaces inventés et des figurations. « Toute forme précise est un assassinat des autres versions.) »
Les multiples représentations collectives et les diverses orientations de la vie religieuse sont ainsi le reflet des conditions générales d'existence de la société d'appartenance. Dans une perspective historico-religieuse, il est possible de reconstruire les strates d'appartenance originaire de chacun des contextes et des diverses composantes. Les formes archaïsantes, telles les croyances et pratiques magiques ou magico-thérapeutiques, les pleurs funèbres, le « tarantisme », la célébration des fêtes de mai ou des fêtes sacrées du calendrier, ont leurs racines dans des époques préchrétiennes et dans des sociétés agraires caractérisées par des cultes polythéistes. dans la lignée de de martino les anthropologues italiens ont ainsi dressé un panorama extrêmement varié et complexe, dont les éléments et les composantes correspondent à une stratification accumulée sur un arc de temps très large, qui va du monde de l'antiquité préchrétienne au Moyen Age, à l'époque moderne en général, et jusqu'à notre époque actuelle, caractérisée par le développement de la civilisation industrielle et de la société de consommation. Ces composantes se sont formées d'après des modèles multiformes, depuis les systèmes de croyances et de pratiques magiques ou magicothérapeuiques, en passant par des rituels d'exaltation collective liés à certaines dévotions catholiques traditionnelles, jusqu'aux expressions spiritualistes du pentecôtisme, aux attentes eschatologiques des Témoins de Jéhovah ou d'autres groupes .
L'alternative entre « magie » et « rationalité » est l'un des grands thèmes qui ont donné naissance à la civilisation moderne. Cette alternative a son prologue dans certains motifs de la pensée grecque et de la prédication évangélique, mais devient le centre dramatique de la civilisation moderne avec le passage de la magie démonologique à l a magie naturelle de la Renaissance, avec la lutte de la polémique protestante contre le ritualisme catholique avec la fondation des sciences naturelles et de leurs méthodes, avec l’illuminisme(les lumières) et sa foi dans la raison humaine réformatrice, avec les divers courants de pensée liés à la découverte de la dialectique et de la raison historique. Dans ce cadre, même l'époque sanglante des procès de sorcellerie, quoiqu'elle pût paraître un retour à la conception démonologique de la magie médiévale, se rattache indirectement à cette fondamentale polémique anti-magique qui traverse dans son ensemble tout le cours de la civilisation occidentale. Les nations modernes dont se compose l'Occident sont « modernes » dans la mesure où elles ont participé sérieusement à ce procès divers dans lequel nous sommes encore engagés, au moins dans la mesure où, à côté des techniques scientifiques et de la conscience de l'origine et du destin humains des valeurs culturelles, nous donnons encore une valeur immédiate au domaine des techniques mythico-rituelles, à la puissance « magique » de la parole et du geste.
L’attention se portera sur les rapports entre ces survivances et la forme dominante de la vie religieuse, c'est-à-dire le catholicisme dans ses accents magiques particuliers au Midi. Ainsi seront indiqués les nombreux rapports, passages, syncrétismes et compromis qui relient la basse magie extra-canonique aux modes de dévotion populaires et aux formes officielles mêmes de la liturgie. Le panorama qui en résulte peut paraître, à première vue, extrêmement désordonné, contradictoire, semé de coexistences absurdes et, cependant, un examen plus approfondi permettra de discerner le thème unique qui relie des éléments aussi hétérogènes, c'est-à-dire le besoin de protection psychologique en face de l'extraordinaire puissance du négatif dans la vie quotidienne et de l'insuffisance de comportements efficaces « réalistement » orientés. ernesto de martino la terre du remords
Pendant des siècles, le jugement porté par les clercs sur les résidus de la religiosité paganisante s'est inspiré de l'appellation « animaux insensés » appliquée par Grégoire le Grand aux bergers barbares de son temps, « adorateurs de bois et de pierres », ou encore du qualificatif « cerveaux endurcis » attribué, toujours par le même pape Grégoire , aux Angles farouchement attachés aux cultes païens .Pendant des siècles on a donc parlé de « grossières et stupides superstitions » et « d'ignorance obstinée ». Face à la magie et aux cultes païens, l'Eglise a réagi, pendant des siècles, tantôt en entreprenant des actions répressives, tantôt en faisant preuve de tolérance, ou en s'efforçant de récupérer, d'adapter et de couler dans le moule de nouvelles dévotions chrétiennes les croyances anciennes et leurs expressions rituelles.(culte des saints) Mais là où les conditions de marginalisation sociale, d'isolement culturel, de sous-développement et d'exploitation économique ont duré plus longtemps, dans ces endroits-là a perduré une conception magique du monde, immanentiste, marquée par le démonisme et la sorcellerie; conception qui est le reflet idéologique des conditions de marginalité et de domination subies et qui a fini par influencer à son tour le christianisme et par lui donner une configuration.
« Il faut nettement repousser l'interprétation de l'imperméabilité magique à l'expérience comme l'expression d'une « mentalité primitive » ; la magie peut être — ce point sera éclairci par la suite — un moment plus ou moins important dans la vie d'une société, mais toute société humaine appartient à l'histoire dans la mesure où elle manifeste des comportements rationnels réalistement orientés et s'ouvre à des décisions et des options ayant un sens profane et mondain. D'autre part, les comportements magiques ne sont absolument pas la démonstration d'une autre logique, mais seulement l'adaptation de la cohérence technique de l'homme avec cette fin particulière qui est la protection de la présence individuelle en danger de se perdre. Par rapport à un tel rôle, les techniques magiques déploient une cohérence qui, en soi, n'est en effet pas moindre que celle employée pour le contrôle réaliste de la nature et pour la fabrication des instruments matériels. L'équivoque naît lorsqu'on juge la magie sur le même plan et par rapport à la même finalité que la science moderne ; avec le résultat soit de ne plus pouvoir distinguer les pratiques magiques et la vie religieuse même des délires et des aberrations de l'esprit humain, soit de postuler pour une « structure » de la mentalité primitive qui « empêcherait » de voir les choses telles qu'elles sont »
La Terre du remords, d’Ernesto de Martino décrit les pratiques qui étaient encore vivantes après la dernière guerre dans la région des Pouilles, en Italie du Sud, auxquelles il donna le nom de tarentisme. Ce terme était forgé sur celui de tarentule, nom d’une araignée dont l’esprit, croyait-on, possédait tous ceux qui se disaient mordus par l’insecte, le plus souvent des femmes.la terre des Pouilles est ainsi « la terre du mauvais passé qui revient, qui reflue et obsède par son retour ». . Les victimes étaient en proie à une grande agitation qui ne s’apaisait qu’au terme d’exorcismes exécutés par la collectivité et dans lesquels la danse et la musique, en l’occurrence la tarentelle, jouaient un rôle capital .L'analyse d'une quinzaine de cas par une équipe interdisciplinaire devait mettre à jour la fonction socio thérapeutique du tarentisme ; l'anamnèse des tarentules, en majorité des femmes, permit de déceler « des conflits psychiques qui n'avaient pas trouvé de solution sur le plan de la conscience » et qui « étaient évoqués et transposés sur le plan mythico-rituel », le tarentisme jouant ainsi le rôle d'une catharsis traditionnellement et socialement admise
la tarentule est ainsi un animal mythique, une sorte de monstre régional, en ce sens que la tradition a attribué des comportements mythiques à une araignée qui existe réellement, mais qui, malgré son aspect, est inoffensive. En outre, si l'existence d'espèces d'araignées venimeuses (latrodectus) dans la région est largement prouvée, il est exclu que leur « venin » produise des effets du type de ceux dont se plaignent les « tarentules », d'où le scepticisme que les naturalistes ont toujours affiché à l'égard de cette maladie. Bien au contraire, dans le seul cas étudié par l'auteur où à l'origine il y a certainement eu morsure réelle d'un latrodectus on a constaté que l'attitude du malade se conformait progressivement à l'attitude que la tradition impose aux victimes de la tarentule mythique. Ce malade se plaignait, par exemple, d'avoir été piqué à midi, moment où la tradition veut que la tarentule opère, alors qu'en fait, l'araignée l'avait piqué la nuit, pendant qu'il dormait dans un champ. D'autre part, selon les règles du tarentulisme, la remorsure s'était fait sentir l'année suivante.
« La tarentule porte des noms de personnes : elle s'appelle Rosina, Peppina, Maria-Antonietta, etc. Elle a une nuance affective particulière qui se reflète chez l'individu qui est mordu ; c'est ainsi qu'il y a des tarentules « danseuses » et « chanteuses », sensibles à la musique, au chant et à la danse, mais il y a aussi des tarentules « tristes et muettes » qui réclament des « chantss funèbres » et autres chants mélancoliques ; il y a aussi des tarentules « coléreuses » qui incitent leurs victimes à « un comportement agressif », ou bien « libertines » qui les poussent à mimer des attitudes lascives ; et enfin des tarentules « dormeuses » résistant à toute thérapeutique. La tarentule insinue dans les veines un venin qui persiste tant que la tarentule vit ou que sa descendance soit éteinte ; elle mord durant la saison estivale, mais il est possible que la morsure subie un été, «remorde» l'été suivant ; ce qui signifie que la tarentule n'est pas encore « crevée » et qu'elle a transmis sa funeste hérédité à ses sœurs, ses filles, sa descendance.
Mais le symbole de la tarentule n'épuise pas son rôle dans la représentation,
C'est ici que se greffe ce que nous pouvons appeler le plan proprement rituel du tarentisme. Un tel plan est exécutable à condition que la tarentule soit « danseuse » : la tarentule « dormeuse » marque la limite d'efficacité du symbole en action, la possibilité qu'il n'opère pas. En effet, pour faire « crever » ou « écraser » la tarentule, il faut avant tout mimer la danse de la petite araignée, c'est-à-dire la tarentelle, ce qui signifie qu'il faut danser avec l'araignée, devenir même l'araignée qui danse suivant une irrésistible identification ; mais en même temps, il faut donner de la valeur au moment le plus proprement agonistique, c'est-à-dire superposer et imposer le véritable rythme chorégraphique au rythme de l'araignée,
Contraindre la tarentule à danser jusqu'à épuisement, suivre sa fuite devant le pied qui avance, ou l'écraser et la piétiner avec le pied qui frappe violemment le sol au rythme de la tarentelle. Le « tarentule » suit la danse de la petite araignée (la tarentelle), comme une victime possédée par la bête et comme un héros qui mate la bête en la faisant danser ; il l'achève dans la tension de « l'identification » et du « détachement agonistique », dans « l'abandon » et la « reprise » de soi-même, dans l'acte de « se faire araignée » et de « danser l'araignée ». Au cours de l'identification agonistique de l'exorcisme chorégraphico-musical, le combattant dialogue parfois à haute voix avec l'araignée, se soumet à ses ordres ou parvient à lui imposer ses propres volontés, à composer avec elle, se fait fixer la durée de la performance chorégraphique ou l'horaire de la prochaine crise.
Tel est, dans sa substance, le symbole de la tarentule en tant qu'horizon mythico-rituel d'évocation, de représentation, de reflux et de solution des conflits psychiques irrésolus qui « remordent » dans les ténèbres de l'inconscient. En sa qualité de modèle culturel, ce symbole présente un ordre mythico-rituel capable de composer ces conflits et de réintégrer les individus dans leur groupe .
Tarentule, morsure, venin, ont donc dans le tarentisme un sens symbolique : ils donnent un horizon aux impulsions inconscientes et aux réactions suscitées par elles dans la conscience individuelle. Dans cet horizon, tarentule, morsure, venin, entrent dans une série de rapports entre eux et avec d'autres déterminants, se composant ainsi un cadre qui possède sa propre cohérence, toujours sur le plan de la logique symbolique. Avant tout, la tarentule, pour assumer son rôle de symbole, doit évoquer et représenter, faire revivre et faire refluer les obscures sollicitations de l'inconscient qui risquent de submerger la conscience avec une force indomptable. Dans le mythe qui la raconte, la tarentule revêt donc des dimensions variées et diverses.
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Le symbole de la tarentule prête figure à l'informe, rythme et mélodie au silence menaçant, couleur à l'incolore, dans une recherche assidue de passions articulées et distinctes là où alternent l'agitation sans but et la dépression qui isole et enclôt ; il offre une perspective pour imaginer, écouter et regarder ce par quoi l'on est sans imagination, sourd, muet, et qui cependant requiert péremptoirement d'être imaginé ou écouté.
Rien de plus pertinent, dans une telle perspective qu'une araignée qui mord et dont la morsure empoisonne et que le projet de devenir courageusement l'araignée empoisonneuse, en la combattant en même temps pour s'en délivrer.
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